mercredi 27 octobre 2010

Edouard Tétreau, 20 000 milliards de dollars, Grasset, 2010

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Cet essai se lit vite et il est agréable à lire : les situations sont évoquées de façon si vivante qu'on a l'impression d'y être présent.

Après avoir lu l'introduction on s'attend à une construction en trois parties : 1) tout ce qui va mal au Etats-Unis, 2) pourquoi ils vont rebondir malgré tout, 3) comment les autres pays vont payer ce rebond. Mais le développement ne répond pas exactement à ce plan : la partie 2, "le rebond", se réduit à une évocation de la transfusion de population et de vitalité provenant du Mexique. Tétreau ne répond pas à une question pourtant évidente : si les États-Unis d'origine anglo-saxonne et protestante sont entrés en décadence au point que leur vitalité et leur démographie dépendent d'une immigration latino-indienne et catholique, que devient leur identité ?

Il est vrai que les Américains ne se soucient pas d'identité : "ce qui compte, ce n'est pas ce que vous êtes mais ce que vous faites", répètent ceux que Tétreau rencontre - et par "ce que vous faites", il faut entendre l'action immédiate : "ne réfléchissez pas, just do it", lui dit-on encore.

La primauté donnée à l'action est à double tranchant. L'art de l'ingénierie, le no nonsense pratique est le point fort des États-Unis, mais l'action irréfléchie peut se dégrader en activisme, en agitation stérile - et on peut se demander si les États-Unis, devenus obèses à tous les sens du mot, n'ont pas perdu aujourd'hui l'énergie dont leur courte histoire apporte de nombreux témoignages.

Les passages qu'il consacre à la religion sont éclairants : le Dieu auquel les Américains rendent un culte dans leurs nombreuses églises est une Providence qui offre à chacun la perspective de la richesse. Dans cette théologie-là, on ne trouve pas trace du discours de Jésus sur les riches.

jeudi 14 octobre 2010

volle.com en anglais

Je vais traduire volle.com en anglais afin d'élargir son audience. J'ai à cette fin ouvert un nouveau blog, volle.com in English, http://volle-en.blogspot.com/.

Désormais les nouveaux textes contiendront un lien vers leur traduction (et réciproquement).

Par ailleurs je traduirai progressivement tout ce que volle.com a publié depuis 1998, y compris ceux de mes ouvrages que j'ai mis à disposition. Cela me prendra un peu de temps !

Bienvenue aux lecteurs anglophones. S'ils trouvent des erreurs dans mes traductions (il y en aura certainement), je les corrigerai volontiers.

samedi 9 octobre 2010

Pourquoi l'économie est une science

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« L'économie n'est pas une science », m'a dit l'autre jour un de mes amis, expert reconnu en informatique et systèmes d'information. L'image qu'il se fait de l'économie, c'est sans doute celle qu'en donnent ces « économistes » que l'on voit dans les médias et qui, en vrais sophistes capables de démontrer tout et son contraire, expriment avec assurance une conviction versatile. Mais cette image est superficielle.

« Si tu lisais Adam Smith, lui ai-je répondu, ou Alfred Marshall, ou Léon Walras, ou John Hicks, ou tout près de nous Ivar Ekeland et quelques autres, tu verrais qu'il existe une science économique. J'avoue cependant que j'ai mis du temps à m'en convaincre... »

En effet les cours d'économie que j'ai subis à l'ENSAE en 1963-65 étaient tellement dogmatiques qu'ils ne pouvaient convaincre que de bons élèves à la mémoire docile alors que ma propre mémoire, rétive comme un cheval ombrageux, n'accepte de retenir que ce que j'ai compris à fond. C'est Ekeland qui m'a ouvert la porte de la théorie économique avec un article dans La Recherche en 1976, alors que je butais sur les limites de l'interprétation de la statistique.

Lorsqu'en 1983 j'ai mis en place la mission d'études économiques du CNET les ingénieurs et chercheurs avec lesquels je travaillais avaient les mêmes préventions que mon ami : « l'économie, disaient-ils, c'est une science molle ». Ils croyaient que l'économiste est un avocat sans scrupules que les dirigeants chargent de « démontrer » la rentabilité des projets qu'ils ont déjà choisis.