samedi 28 septembre 2013

Introduire le système d'information dans l'enseignement de l'informatique

A la suite de ma critique du rapport de l'Académie des sciences sur l'enseignement de l'informatique, Gilles Dowek m'a adressé un message dont j'extrais un passage (25 juin 2013) :

As-tu avancé sur un texte contenant une esquisse d'éléments de programme autour des SI que nous puissions proposer à l'Inspection Générale ?

Il faudrait trois paragraphes :

(1) pourquoi il est important que les élèves aient entendu parler de SI,
(2) les concepts, contenus, connaissances, ... qu'il faudrait leur transmettre,
(3) les activités à leur proposer (trois ou quatre exercices typiques).


Voici ma réponse (27 juin 2013) :

(1) pourquoi il est important que les élèves aient entendu parler du Système d'information

La conception et la mise en œuvre d'un SI initient au caractère collectif de l'action productive dans les entreprises et, de façon générale, dans les institutions.
C'est un sport intellectuel et pratique complet : la programmation informatique confronte aux exigences de la logique auxquelles s'ajoutent celles, physiques, de l'ordinateur et du réseau ; l'interaction avec les êtres humains confronte aux ressorts sociologiques et psychologiques de leur comportement.
Ce "sport" invite à mettre en œuvre les connaissances en programmation et en algorithmique qu'apporte le cours d'informatique.
Il procure à la science informatique, comme le font les "travaux pratiques" en physique, le caractère expérimental sans lequel elle courrait le risque d'être dogmatique.

jeudi 19 septembre 2013

Pouvoir et agir

J'ai travaillé quelque temps dans un cabinet ministériel. « Untel, c'est un politique », disait-on avec admiration au secrétariat du ministre, et le regard qui accompagnait cette phrase signifiait « toi, en tout cas, tu n'en es pas un ». J'ai donc observé ces politiques avec attention. J'ai vu que s'ils possèdent des talents qui me font en effet défaut ils souffrent aussi souvent de quelques lacunes.

Comme je refuse la sacralisation du pouvoir qu'implique le mot « hiérarchie », je n'accorde à ces personnes que le respect qui est dû à tout être humain. J'admire certes celles qui remplissent sérieusement leur mission, mais ni plus ni moins que les artisans, ingénieurs, médecins etc. qui font bien leur métier.

Mais la plupart des politiques que j'ai observés répondent au portrait que voici :

Ce sont des êtres vigilants et vifs, capables d'anéantir d'une repartie foudroyante l'interlocuteur imprudent. Les plus expérimentés d'entre eux (un Defferre, un Pasqua) se meuvent avec un naturel animal dont l'esthétique n'est pas sans charme.

Ils vivent dans le monde psychosocial que structurent les pôles et réseaux de l'autorité, de la légitimité et de l'influence. Par contre le monde des choses, qui sont pour l'intention humaine appui ou obstacle, ne les intéresse pas : ils n'ont sans doute jamais soulevé un sac de ciment, jamais senti le poids de la terre en maniant la pelle et la pioche, jamais rencontré les obstacles qui s'opposent à un programmeur. Ils estiment que les choses n'ont pas à manifester une existence autonome. Un stylo qui se refuse à fonctionner est immédiatement jeté, un ordinateur indocile les exaspère.

dimanche 15 septembre 2013

Philosophie de l'action et langage de l'informatique

Texte de la conférence du 26 septembre 2013 à l'ENST dans le cadre des « Jeudis de l'imaginaire ».

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Évolution historique de la nature

L'histoire fournit d'utiles comparaisons pour comprendre ce qui nous arrive à travers l'informatisation. Bertrand Gille1 a produit une théorie des systèmes techniques qui découpe l'histoire en périodes caractérisées chacune par la synergie de quelques techniques fondamentales.

Ainsi la synergie entre la mécanique et la chimie est vers 1775 à l'origine de la première révolution industrielle ; la deuxième est provoquée vers 1875 en complétant la mécanique et la chimie par une synergie avec l'énergie ; la troisième, vers 1975, résulte de la synergie entre la microélectronique, le logiciel et l'Internet.

Certains historiens ont taxé Gille de « technicisme » : on encourt inévitablement ce reproche quand on s'intéresse à la technique, car comme l'a dit Gilbert Simondon2 notre culture est prisonnière des schèmes mentaux d'une société qui n'existe plus : notre littérature se focalise sur les dimensions psycho-sociologiques de l'existence humaine et la culture ainsi mutilée ignore le rapport entre la société humaine et le milieu naturel, ce rapport que la technique transforme et aménage (voir aussi Ellis3).