Article publié dans Best Practices Systèmes d'Information n° 60, 31 janvier 2011, propos recueillis par Philippe Rosé.
BPSI Pourquoi existe-t-il un si grand fossé entre les DSI et les directions générales ?
Michel Volle Dans chaque entreprise, quelqu’un oriente l’action, définit les priorités et arbitre entre les projets : c’est le plus souvent (mais pas toujours) celui qui porte le titre de directeur général. Il remplit la fonction de stratège, du grec strategos qui désigne le général à la tête d’une armée. Son rôle est de définir les priorités, d’orienter l’entreprise. C’est une fonction vitale pour toute institution : une organisation sans stratège va inévitablement dans le mur, tout comme une automobile sans conducteur ! Il y a dans toute entreprise quelqu’un qui joue ce rôle et les DSI le connaissent. Le problème actuel, c’est que l’orientation et la stratégie d’une entreprise dépendent fondamentalement de son système d’information et que le stratège ne s’en rend pas toujours bien compte. D’où l’opinion si répandue parmi les DG selon laquelle l’informatique n’est qu’un « centre de coût ». Pour le comprendre, rappelons que la place du système d’information dans l’entreprise s’analyse à trois niveaux.
lundi 31 janvier 2011
Cours sur les systèmes d'information
Pour accéder à la version écrite du cours sur les systèmes d'information donné aux ingénieurs-élèves du corps des Mines, cliquer sur : http://www.volle.com/travaux/2011mines.pdf (506 Ko).
Le cours oral a été donné les 17 et 24 janvier. Il n'a pu couvrir qu'une partie du sujet.
Le cours oral a été donné les 17 et 24 janvier. Il n'a pu couvrir qu'une partie du sujet.
mercredi 26 janvier 2011
Maîtriser l'informatisation
Laurent Faibis a dirigé l'édition de La France et ses multinationales, Xerfi 2011. La contribution ci-dessous à cet ouvrage met en ordre des réflexions qui sont déjà familières aux lecteurs de volle.com. Je prépare un ouvrage qui posera solidement cette synthèse sur ses fondations théorique et statistique.
Il s'agit d'éclairer le phénomène de l'informatisation, de montrer son effet sur l'économie, les entreprises et la vie en société ainsi que ses conséquences géopolitiques.
Barack Obama lui-même dit que c'est l'informatisation qui a changé le monde, et non la finance ni la politique. Mais comme son propos manque de précision les conséquences pratiques qu'il convient d'en tirer n'apparaissent pas clairement (voir « L'ordre économique mondial a changé, selon Obama », Challenges, 27 janvier 2011). Or c'est de précision que nous avons besoin pour agir de façon judicieuse dans un monde que l'informatisation a bouleversé.
Voici la vidéo de ma présentation (dix minutes) :
Pour voir toutes les vidéos relatives à cet ouvrage, cliquer sur La France et ses multinationales - vidéos.
La France, comme les autres grands pays avancés, subit une crise provoquée par la transformation de son système productif. L’informatisation fait en effet émerger depuis le milieu des années 1970 un « système technique contemporain » (STC) fondé sur la synergie de la microélectronique, du logiciel et du réseau. Les pays avancés, qui s'appuyaient naguère sur la synergie entre la mécanique, la chimie et l'énergie, sont en cours de transition vers ce nouveau système technique.
Il s'agit d'éclairer le phénomène de l'informatisation, de montrer son effet sur l'économie, les entreprises et la vie en société ainsi que ses conséquences géopolitiques.
Barack Obama lui-même dit que c'est l'informatisation qui a changé le monde, et non la finance ni la politique. Mais comme son propos manque de précision les conséquences pratiques qu'il convient d'en tirer n'apparaissent pas clairement (voir « L'ordre économique mondial a changé, selon Obama », Challenges, 27 janvier 2011). Or c'est de précision que nous avons besoin pour agir de façon judicieuse dans un monde que l'informatisation a bouleversé.
Voici la vidéo de ma présentation (dix minutes) :
Pour voir toutes les vidéos relatives à cet ouvrage, cliquer sur La France et ses multinationales - vidéos.
Maîtriser l'informatisation pour renforcer la compétitivité de la France
La France, comme les autres grands pays avancés, subit une crise provoquée par la transformation de son système productif. L’informatisation fait en effet émerger depuis le milieu des années 1970 un « système technique contemporain » (STC) fondé sur la synergie de la microélectronique, du logiciel et du réseau. Les pays avancés, qui s'appuyaient naguère sur la synergie entre la mécanique, la chimie et l'énergie, sont en cours de transition vers ce nouveau système technique.
Le politique et l'informatisation
Un de mes amis, expert en systèmes d'information, est en même temps l'un des conseillers de quelqu'un qui, si cela se trouve, pourrait accéder à la « magistrature suprême » en 2012.
« Il faut que tu lui parles de l'informatisation, de l'informatique et des réseaux, c'est important ! », lui dis-je. Mais il répond : « Non, c'est une bête politique, il n'a pas à être un expert ».
C'est justement parce qu'il s'agit d'une bête politique et non d'un expert qu'il faut lui parler de l'informatisation ! Napoléon, qui n'avait pas que des défauts, ne s'était-il pas donné comme priorité l'industrialisation de l'Europe continentale ? Or l'industrialisation d'aujourd'hui, c'est l'informatisation.
Quel est d'ailleurs le rôle du politique ? Contrairement à l'expert, qui focalise son attention sur une spécialité, le politique doit (1) pratiquer l'attention périscopique qui lui permettra de percevoir la « propension des choses » à l’œuvre dans la situation historique, (2) émettre par la parole, comme avec une antenne, les images et symboles qui, permettant à la Cité de partager une conscience de la situation, fondent l'action proprement politique (voir « Expertise et décision »).
« Il faut que tu lui parles de l'informatisation, de l'informatique et des réseaux, c'est important ! », lui dis-je. Mais il répond : « Non, c'est une bête politique, il n'a pas à être un expert ».
C'est justement parce qu'il s'agit d'une bête politique et non d'un expert qu'il faut lui parler de l'informatisation ! Napoléon, qui n'avait pas que des défauts, ne s'était-il pas donné comme priorité l'industrialisation de l'Europe continentale ? Or l'industrialisation d'aujourd'hui, c'est l'informatisation.
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Quel est d'ailleurs le rôle du politique ? Contrairement à l'expert, qui focalise son attention sur une spécialité, le politique doit (1) pratiquer l'attention périscopique qui lui permettra de percevoir la « propension des choses » à l’œuvre dans la situation historique, (2) émettre par la parole, comme avec une antenne, les images et symboles qui, permettant à la Cité de partager une conscience de la situation, fondent l'action proprement politique (voir « Expertise et décision »).
vendredi 7 janvier 2011
Justice, science et vérités
Le système judiciaire et la science n'ont pas la même conception de la vérité.
Pour le système judiciaire celui qui a commis un crime ou un délit est présumé coupable tant qu'un jugement n'a pas été prononcé, et même si le crime ou le délit ont été commis dans des conditions telles qu'il n'existe aucun doute sur la matérialité du fait. Une fois le jugement prononcé, par contre, cette personne sera déclarée coupable même si la matérialité du fait n'a aucunement été prouvée.
Réponse à des commentaires : j'ai écrit « présumé coupable » parce que cela correspond à la réalité. La loi dit que celui qui n'a pas été condamné est « présumé innocent », mais elle n'est pas plus respectée que le secret de l'instruction : les médias parlent d'« assassin présumé », de « violeur présumé » etc. et il est notoire que le juge d'instruction considère le mis en examen comme un coupable. Ici, comme ailleurs, le politiquement correct entraîne un surcroît d'hypocrisie et une dégradation du vocabulaire (« mis en examen » pour « inculpé » et « présumé » utilisé à temps et contretemps).
Ainsi, tandis que la démarche expérimentale plie la théorie scientifique sous le joug des faits, la démarche judiciaire s'affranchit de leur constat avant comme après un jugement. Certes il arrive qu'un jugement s'appuie sur des faits prouvés et alors c'est tant mieux ; mais il arrive aussi qu'il se contente de « preuves » fallacieuses (le tribunal prend par exemple les aveux pour argent comptant alors qu'ils sont notoirement fragiles), ou qu'il tranche selon la seule « conviction intime » du juge ou des jurés et alors que rien n'a été prouvé.
Pour le système judiciaire celui qui a commis un crime ou un délit est présumé coupable tant qu'un jugement n'a pas été prononcé, et même si le crime ou le délit ont été commis dans des conditions telles qu'il n'existe aucun doute sur la matérialité du fait. Une fois le jugement prononcé, par contre, cette personne sera déclarée coupable même si la matérialité du fait n'a aucunement été prouvée.
Réponse à des commentaires : j'ai écrit « présumé coupable » parce que cela correspond à la réalité. La loi dit que celui qui n'a pas été condamné est « présumé innocent », mais elle n'est pas plus respectée que le secret de l'instruction : les médias parlent d'« assassin présumé », de « violeur présumé » etc. et il est notoire que le juge d'instruction considère le mis en examen comme un coupable. Ici, comme ailleurs, le politiquement correct entraîne un surcroît d'hypocrisie et une dégradation du vocabulaire (« mis en examen » pour « inculpé » et « présumé » utilisé à temps et contretemps).
Ainsi, tandis que la démarche expérimentale plie la théorie scientifique sous le joug des faits, la démarche judiciaire s'affranchit de leur constat avant comme après un jugement. Certes il arrive qu'un jugement s'appuie sur des faits prouvés et alors c'est tant mieux ; mais il arrive aussi qu'il se contente de « preuves » fallacieuses (le tribunal prend par exemple les aveux pour argent comptant alors qu'ils sont notoirement fragiles), ou qu'il tranche selon la seule « conviction intime » du juge ou des jurés et alors que rien n'a été prouvé.
Le sacrifice humain
Pour briser un être humain, il n'est rien de tel que de lui inculquer le sentiment de sa propre inutilité : la dignité du travailleur réside en effet tout entière dans l'utilité de son travail, la rémunération qui constate cette utilité n'intervenant qu'en second.
C'est particulièrement vrai en France où, comme le dit Philippe d'Iribarne, le sens de l'honneur professionnel est élevé (c'est une des conséquences de notre élitisme pour tous républicain).
Que peuvent donc penser les agents de la fonction publique et des agences de l’État lorsqu'on leur répète que la priorité des priorité, c'est de réduire leur nombre ?
Le gouvernement ne leur dit rien sur la qualité du service ni sur l'efficacité de sa production : il fait comme si elles allaient de soi, comme si elles ne dépendaient en rien des personnes qui produisent le service et à qui il envoie un seul signal : « vous êtes superflues ».
Le raisonnement budgétaire, focalisé sur un coût de production qu'il ambitionne de comprimer, est aveugle à la contrepartie utile de ce coût. Étant incapable de considérer la qualité et l'efficacité, il est parfaitement anti-économique même s'il prétend faire des « économies ».
Le raisonnement économique supposerait que l'on considérât d'abord la qualité du service, puis son rapport qualité / coût. Mais cela impliquerait une collecte d'information et des estimations qu'un budgétaire ne fait pas, qu'il se refuse même à prendre en considération.
Que peuvent donc penser des gens à qui l'on se contente de dire « vous êtes trop nombreux » ? Si personne au gouvernement comme dans leur hiérarchie ne se soucie de l'utilité du service, pourquoi se donneraient-ils la peine de l'améliorer ? Si personne ne se soucie de leur efficacité, pourquoi s'efforceraient-ils d'éviter les gaspillages et le temps perdu ? Il ne faut pas s'étonner si certains sont démoralisés et peu aimables envers le public, s'ils sont négligents et laissent traîner les affaires.
C'est particulièrement vrai en France où, comme le dit Philippe d'Iribarne, le sens de l'honneur professionnel est élevé (c'est une des conséquences de notre élitisme pour tous républicain).
Que peuvent donc penser les agents de la fonction publique et des agences de l’État lorsqu'on leur répète que la priorité des priorité, c'est de réduire leur nombre ?
Le gouvernement ne leur dit rien sur la qualité du service ni sur l'efficacité de sa production : il fait comme si elles allaient de soi, comme si elles ne dépendaient en rien des personnes qui produisent le service et à qui il envoie un seul signal : « vous êtes superflues ».
Le raisonnement budgétaire, focalisé sur un coût de production qu'il ambitionne de comprimer, est aveugle à la contrepartie utile de ce coût. Étant incapable de considérer la qualité et l'efficacité, il est parfaitement anti-économique même s'il prétend faire des « économies ».
Le raisonnement économique supposerait que l'on considérât d'abord la qualité du service, puis son rapport qualité / coût. Mais cela impliquerait une collecte d'information et des estimations qu'un budgétaire ne fait pas, qu'il se refuse même à prendre en considération.
Que peuvent donc penser des gens à qui l'on se contente de dire « vous êtes trop nombreux » ? Si personne au gouvernement comme dans leur hiérarchie ne se soucie de l'utilité du service, pourquoi se donneraient-ils la peine de l'améliorer ? Si personne ne se soucie de leur efficacité, pourquoi s'efforceraient-ils d'éviter les gaspillages et le temps perdu ? Il ne faut pas s'étonner si certains sont démoralisés et peu aimables envers le public, s'ils sont négligents et laissent traîner les affaires.