Jean-Marc Jancovici est l'un des acteurs les plus importants du mouvement écologique. Il se distingue par la rigueur de son exigence scientifique.
Son dernier livre suscite quelques réserves de ma part, mais commençons par les points positifs : il est clair, bien écrit, bien construit. Les chapitres III et IV fournissent d'utiles repères quantitatifs, le chapitre VI est une étude de cas d'histoire institutionnelle qu'il faut recommander aux étudiants en sciences politiques. Le chapitre VII propose utilement une liste des décisions possibles, accompagnées d'un ordre de grandeur de leur coût.
On trouve p. 76 une indication cruciale : les nations représentées à Copenhague en 2009 se sont mises d'accord pour faire en sorte que le réchauffement de l'atmosphère soit limité à 2°C. Il faut pour cela que la quantité de carbone émise d'ici à la fin du XXIe siècle soit au plus de 1 400 milliards de tonnes, ce qui implique une réduction des deux tiers par rapport au niveau actuel.
Voici maintenant mes réserves :
1) Le but de ce livre n'est pas d'inciter le consommateur à arbitrer ses choix, mais de faire apparaître le contenu en énergie de la consommation actuelle dans les pays riches ou émergents.
vendredi 30 septembre 2011
jeudi 29 septembre 2011
Pour une neutralité équitable de l'Internet : une « Bourse du débit »
Cet article m'a été demandé par Les cahiers de l'ARCEP pour leur numéro de novembre 2011.
Les fournisseurs de contenus, ainsi que les utilisateurs, souhaitent que l'Internet soit « neutre » – c'est-à-dire que les opérateurs du réseau n'opèrent aucune discrimination, tarifaire ou autre, entre les divers types de trafic.
Les opérateurs savent cependant qu'il faut dimensionner les ressources physiques consacrées à la transmission – routage, transport et distribution – de telle sorte que le taux de blocage, interruption ou ralentissement à l'heure de pointe soit globalement acceptable.
Sur le réseau téléphonique la nature statistique du trafic était relativement simple, ce qui permettait de résoudre de façon satisfaisante la question du dimensionnement. Elle est plus complexe sur l'Internet en raison de la multiplicité des usages et de la diversité des débits qu'ils demandent notamment pour la vidéo.
Or il est d'autant plus coûteux de dimensionner un réseau de façon acceptable que la dispersion statistique du trafic à l'heure de pointe est plus élevée (voir « Économie du dimensionnement ») : on peut donc craindre que l'Internet ne devienne plus coûteux, ou que sa qualité ne baisse, avec l'accroissement prévisible de la part du trafic vidéo.
La neutralité de l'Internet est ainsi l'enjeu d'un conflit entre fournisseurs de contenus et opérateurs. Mais un autre conflit existe, et celui-là se joue entre les utilisateurs : il suffit qu'un petit nombre d'entre eux téléchargent beaucoup pour que le débit offert aux autres soit comprimé.
Ce conflit-là reste inexprimé car il n'est porté par aucune institution. Il se peut cependant qu'en le traitant on résolve du même coup le conflit entre opérateurs et fournisseurs de contenu.
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L'enjeu de la neutralitéLes fournisseurs de contenus, ainsi que les utilisateurs, souhaitent que l'Internet soit « neutre » – c'est-à-dire que les opérateurs du réseau n'opèrent aucune discrimination, tarifaire ou autre, entre les divers types de trafic.
Les opérateurs savent cependant qu'il faut dimensionner les ressources physiques consacrées à la transmission – routage, transport et distribution – de telle sorte que le taux de blocage, interruption ou ralentissement à l'heure de pointe soit globalement acceptable.
Sur le réseau téléphonique la nature statistique du trafic était relativement simple, ce qui permettait de résoudre de façon satisfaisante la question du dimensionnement. Elle est plus complexe sur l'Internet en raison de la multiplicité des usages et de la diversité des débits qu'ils demandent notamment pour la vidéo.
Or il est d'autant plus coûteux de dimensionner un réseau de façon acceptable que la dispersion statistique du trafic à l'heure de pointe est plus élevée (voir « Économie du dimensionnement ») : on peut donc craindre que l'Internet ne devienne plus coûteux, ou que sa qualité ne baisse, avec l'accroissement prévisible de la part du trafic vidéo.
La neutralité de l'Internet est ainsi l'enjeu d'un conflit entre fournisseurs de contenus et opérateurs. Mais un autre conflit existe, et celui-là se joue entre les utilisateurs : il suffit qu'un petit nombre d'entre eux téléchargent beaucoup pour que le débit offert aux autres soit comprimé.
Ce conflit-là reste inexprimé car il n'est porté par aucune institution. Il se peut cependant qu'en le traitant on résolve du même coup le conflit entre opérateurs et fournisseurs de contenu.
mercredi 28 septembre 2011
Les services sont des produits
Beaucoup d'économistes estiment que la France s'est trop désindustrialisée, et que c'est la cause de son déficit commercial comme de l'endettement de l’État.
Ainsi Jean Peyrelevade appelle sur Xerfi Canal à une réindustrialisation de notre pays. Dans la foulée, il dit que notre économie a accordé trop de place aux services au détriment des « produits ». Sur beaucoup d'autres points je suis d'accord avec lui, mais en ce qui concerne les services je trouve étonnant qu'un économiste sérieux s'exprime de façon aussi inexacte. Comme son opinion est en passe de devenir dominante, il est nécessaire de poser clairement et rigoureusement les termes du débat.
Dans le langage de l'économie, on distingue les biens (qui sont matériels) des services (qui sont immatériels), mais les uns comme les autres sont des produits car ils résultent d'une production. Opposer les services aux « produits », c'est supposer que les services ne résultent pas d'une activité productive et qu'en somme ils tombent du ciel.
Un service, c'est « la mise à disposition temporaire d'un bien ou d'une compétence ». Vous louez un appartement mis à votre disposition par son propriétaire : c'est un service. Vous louez une voiture, c'est un service. Vous consultez un médecin, il met sa compétence à votre disposition pendant la durée de la consultation : c'est un service. Vous achetez un billet d'avion, il vous donne droit à un siège pendant la durée du vol et met à votre disposition les compétences de l'équipage : c'est un service. L'essentiel de la définition des services réside dans l'adjectif temporaire.
Ainsi Jean Peyrelevade appelle sur Xerfi Canal à une réindustrialisation de notre pays. Dans la foulée, il dit que notre économie a accordé trop de place aux services au détriment des « produits ». Sur beaucoup d'autres points je suis d'accord avec lui, mais en ce qui concerne les services je trouve étonnant qu'un économiste sérieux s'exprime de façon aussi inexacte. Comme son opinion est en passe de devenir dominante, il est nécessaire de poser clairement et rigoureusement les termes du débat.
Dans le langage de l'économie, on distingue les biens (qui sont matériels) des services (qui sont immatériels), mais les uns comme les autres sont des produits car ils résultent d'une production. Opposer les services aux « produits », c'est supposer que les services ne résultent pas d'une activité productive et qu'en somme ils tombent du ciel.
Un service, c'est « la mise à disposition temporaire d'un bien ou d'une compétence ». Vous louez un appartement mis à votre disposition par son propriétaire : c'est un service. Vous louez une voiture, c'est un service. Vous consultez un médecin, il met sa compétence à votre disposition pendant la durée de la consultation : c'est un service. Vous achetez un billet d'avion, il vous donne droit à un siège pendant la durée du vol et met à votre disposition les compétences de l'équipage : c'est un service. L'essentiel de la définition des services réside dans l'adjectif temporaire.