mardi 30 avril 2013

Géopolitique d'Internet

(Postface de David Fayon, Géopolitique d'Internet : qui gouverne le monde ?, Economica, 2013.)

Quand on pense à la géopolitique d'Internet un empilage de dimensions diverses mais en relation mutuelle se présente à l'esprit : une question d'architecture technique se trouve avoir des implications stratégiques, des choix purement pratiques ont des conséquences économiques et sociologiques.

Ainsi lorsque Louis Pouzin a indiqué le principe du protocole TCP/IP à Vint Cerf celui-ci a malheureusement cru devoir donner à l'adresse d'un ordinateur le rôle d'un identifiant. Cette erreur de principe a eu des conséquences pratiques dommageables et la redresser est l'un des défis que rencontrent ceux qui s'emploient à faire progresser l'architecture d'Internet1.

Ce n'est qu'un des multiples problèmes que celle-ci pose. Il est de nature technique et sémantique, d'autres sont comme la « neutralité du Net » de nature économique, sociologique, politique, et l'absence de solution – ou les solutions bancales – n'a pas fini de nous empoisonner : c'est qu'Internet bouscule les institutions, déconcerte le législateur et frappe la jurisprudence d'anachronisme.

Il a en effet rassemblé l'image documentaire du monde en un point, espace de dimension nulle auquel il procure l'ubiquité. Il offre aux acteurs économiques une place de marché qui, comme les autres, ne peut fonctionner que si les règles qui garantissent l'équité des transactions et le respect des engagements sont respectées. Il s'insinue dans la vie quotidienne et dans la vie civique en procurant à chacun l'accès à une ressource informatique personnelle, ce qui pose d'évidentes questions de sécurité et de confidentialité.

dimanche 28 avril 2013

Les deux fonctions d'utilité

English version : Two utility functions

La théorie économique classique (Debreu, Theory of Value, 1959) s'appuie sur trois éléments : la fonction d'utilité, la fonction de production, la dotation initiale qui répartit la propriété des biens entre les acteurs. On en déduit le vecteur de prix relatifs qui, orientant l'échange, guidera l'économie vers un optimum de Pareto.

L'élégante simplicité de ce modèle lui confère une grande puissance. L'équilibre général se détaille en équilibres partiels, chaque marché étant le théâtre d'une offre et d'une demande. On peut le compléter en y introduisant le temps : la fonction de production est alors modifiée par l'investissement.

Dans « A Suggestion for Simplifying the Theory of Money » (Economica, février 1935) John Hicks a cependant proposé de combler une lacune de cette théorie. Il observe que chaque agent a en fait deux fonctions d'utilité : l'une décrit la satisfaction que lui procure sa consommation ; l'autre, celle que lui procure la possession d'un patrimoine d'actifs.

Les actifs peuvent être classés selon leur liquidité. La monnaie, qui est la liquidité à l'état pur, est immédiatement disponible et ne présente aucun risque mais elle ne procure aucun revenu. Les actifs non liquides procurent un intérêt ou un loyer mais leur prix évolue : leur possession présente donc un risque de moins-value - et aussi la possibilité d'une plus-value.

mercredi 17 avril 2013

Conférence de l'institut Xerfi le 27 mars

Les actes de la conférence : "Le rebond de la France par l'iconomie et l'entrepreneuriat" (format PDF).

Les vidéos des interventions sont en ligne :


Jean-Michel Quatrepoint

jeudi 4 avril 2013

Pour comprendre l'iconomie

English version : Understanding the iconomy.

Avis au lecteur : ce texte ne conviendra qu'à ceux qui acceptent l'austérité de l'abstraction. Les autres le jugeront sans doute pauvre et trop affirmatif.

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Pour comprendre l'économie contemporaine, qui est évidemment complexe, il faut avoir posé quelques concepts simples qui permettront de bâtir un raisonnement (cf. Qu'est-ce qu'un « concept » ?).

Dégager ces concepts simples est l'affaire d'une méditation elle-même complexe qu'alimentent l'expérience, les conversations et les lectures. Le long parcours de cette méditation ne laissant pas de trace dans la sécheresse des concepts, seul le commentaire peut leur rendre un peu de chaleur.

Nous allons donc procéder more geometrico. Nous présentons d'abord les six concepts qui procurent un cadre théorique à la modélisation de l'économie actuelle, puis neuf concepts qui lui donnent un contenu. Ensuite nous rappelons chaque concept en le faisant suivre par un commentaire qui l'explicite.

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Six concepts économiques
  1. l'économie a pour but le bien-être matériel de la population ;
  2. toute action jugée utile ou nécessaire par la société est réalisée par une institution dont elle constitue la mission ;
  3. l'entreprise, institution économique industrielle, a pour mission de produire efficacement des choses utiles ; elle assure dans la biosphère l'interface entre la société et la nature ;
  4. la réalisation de la mission d'une institution nécessite une organisation ; celle-ci a un rapport dialectique avec la mission ;
  5. l’État, institution des institutions, définit leurs missions, suscite leur création et régule la dialectique de la mission et de l'organisation ;
  6. une révolution industrielle transforme la nature, donc la mission des institutions ainsi que les conditions pratiques de leur organisation.
Neuf concepts pour comprendre l'économie contemporaine
  1. le système productif s'appuie sur le système technique contemporain (STC) dont les techniques fondamentales sont la microélectronique, le logiciel et l'Internet ; le STC a succédé vers 1975 au système technique moderne développé (STMD) ;
  2. l'émergence du STC suscite une cascade de conséquences anthropologiques ;
  3. les tâches répétitives sont automatisées ;
  4. l'essentiel de l'effort que demande la production est accompli lors de la phase initiale d'investissement ;
  5. le marché obéit au régime de la concurrence monopolistique ;
  6. les produits sont des assemblages de biens et de services, élaborés chacun par un réseau de partenaires ;
  7. le bien-être matériel du consommateur dépend de la qualité de sa consommation ;
  8. les prédateurs sont d'habiles utilisateurs du STC ;
  9. la crise s'explique par l'inadéquation du comportement des agents économiques envers le système productif que fait émerger le STC.
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