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Une stratégie ne peut être efficace que si elle s'appuie sur une connaissance exacte du terrain offert à l'action ainsi que des moyens dont celle-ci dispose : même subtil, un discours stratégique qui ignore ce que fait émerger la troisième révolution industrielle sera inévitablement non pertinent.
Cette ignorance est, pour des raisons à la fois sociologiques et intellectuelles, solidement ancrée parmi les personnes qui occupent une fonction stratégique. Le mot « numérique », terriblement ambigu, leur sert d'alibi pour refuser de voir que la troisième révolution industrielle est celle de l'informatisation : elles méprisent en effet l'informatique et craignent par dessus tout le reproche de technicisme.
Par ailleurs les économistes, dont certains conseillent ces stratèges, refusent de voir que l'informatisation généralise les rendements d'échelle croissants, ce qui introduit dans l'économie une transformation radicale. Ils ne croient pas en effet possible de rattacher à une cause aussi « simple » l'éventail de phénomènes si divers qui en résulte - d'autant moins possible que cette « simplicité » risque d'ôter à leur spécialité une part de son mystère et, peut-être, de son prestige.
Il en résulte que la stratégie s'égare dans des impasses. La transition énergétique, certes nécessaire, ne devrait cependant pas occuper un tel rang dans les priorités. L'attention accordée au « secteur du numérique », certes important, cache que l'enjeu fondamental, beaucoup plus large, réside dans l'informatisation des institutions et notamment des entreprises.