À la Renaissance, quand le sentiment national prend forme, la France catholique s’inspire de Rome. Par contre les réformateurs allemands emmenés par Luther combattent Rome et quand la nation allemande émerge au XIXe siècle elle se tourne vers la Grèce antique à laquelle les Allemands comparent leur pays : l'un comme l'autre sont composés d'une multitude de cités indépendantes, mais unies par la langue et la culture2.
Winckelmann (1717-1768) avait admiré la clarté et la pure beauté de l'art classique grec. Hölderlin (1770-1843) a comparé l'Allemand (« barbare, terne, sans grâce ») à un Grec idéalisé (« l'homme véritable, libre, divin, doué pour l'amour, la beauté et la grandeur »). Il en est résulté une surévaluation du peuple grec, considéré comme un rassemblement de génies.
Les penseurs allemands – Goethe, Hegel, Nietzsche, Heidegger – ont fait de cette Grèce leur patrie. Les linguistes ont voulu croire que le grec et l'allemand étaient, au fond, la même langue : « nous sommes des Grecs », ont-ils affirmé, « la civilisation et la pensée sont nées en Grèce et l'Allemagne est son héritière légitime ».
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Ces « héritiers » ont commis nombre de contresens. L'architecture grecque, telle qu'ils la conçoivent, se dessine selon des lignes verticales et horizontales : c'est ignorer le dynamisme que lui confèrent de subtiles courbures. Comme ils ne voient dans la statuaire grecque que la reproduction exacte du corps humain athlétique, ils ignorent l'élan que lui procure une torsion elle aussi subtile.
Il en est résulté en Allemagne, comme chez nous avec l'église de la Madeleine, de froids pastiches de l'art grec : ils culmineront dans l'architecture d'Albert Speer et dans la sculpture d'Arno Breker.