Contrairement aux essayistes qui cèdent à la mode du « hype » ou qui, au contraire, considèrent l’IA à travers les lunettes que fournit une philosophie hors de saison, elle sait de quoi elle parle parce qu'elle en a acquis en tant que chercheur une expérience pratique et professionnelle.
Les épisodes historiques de l’IA sont décrits de façon précise avec leurs avancées et leurs limites : systèmes experts, machines à vecteurs de support, réseaux neuronaux. Certaines réussites sont impressionnantes (victoires contre les champions du monde aux échecs et au jeu de Go, reconnaissance d’images), mais l’IA qui sait jouer aux échecs ne sait rien faire d’autre : elle est étroitement limitée et il en est de même pour toutes les autres applications.
* *
J’ai, comme Melanie Mitchell mais sans avoir son expérience, de fortes convictions concernant l'IA. La lire m'a incité à m'interroger sur ma propre expérience.
Mes convictions viennent de la pratique de la statistique. J'ai conçu, réalisé, exploité des enquêtes puis publié leurs résultats. J'ai pratiqué l'analyse des données et étudié à fond l'état de l'art de ses techniques dans les années 60-80.
Dans l'un et l'autre cas, j'ai rencontré des limites et tenté de les comprendre : comment et dans quel but est définie la grille conceptuelle d’une observation statistique ? Comment interpréter les résultats d'une analyse des données ?
La première question m'a conduit vers l'histoire, la deuxième vers la science économique. Cela m'a préparé aux systèmes d'information que j'ai rencontrés dans les années 90.
* *
Les questions que soulève Melanie Mitchell concernent en fait l'informatique dont l'IA n'est qu'une application parmi d'autres. La question fondamentale est celle que George Forsythe a posée en 1969 : « “What can be automated?” is one of the most inspiring philosophical and practical questions of contemporary civilization ».