samedi 26 septembre 2009

Un lapsus qui n'en est pas un

On a tort de croire que Nicolas Sarkozy a fait un lapsus lorsqu'il a qualifié de coupables les prévenus de l'affaire Clearstream : avocat de métier, il connaît le sens des mots et il sait ce qu'il dit.

En fait il a exprimé une vérité politique : la vérité de sa politique.

Tout comme le fait Poutine en Russie, il met en place une "verticale du pouvoir", structure institutionnelle qui efface la séparation des pouvoirs que Montesquieu avait théorisée - législatif, exécutif, judiciaire - , au bénéfice du pouvoir au singulier.

Cette concentration vise à affranchir sa parole, comme son action, de toute contrainte. Cette parole a vocation à énoncer la vérité - non la vérité des faits, mais celle pure et simple de l'autorité qu'il incarne et qui doit être supérieure aux faits.

Cette vérité, une fois énoncée, s'impose à nous. Elle ne pourra changer qu'à l'occasion d'un nouvel énoncé de même source et cet énoncé nouveau aura la même autorité que l'énoncé précédent qu'il supprime et remplace.

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La notion de "verticale du pouvoir" est la clé qui permet de comprendre la suppression du juge d'instruction, l'accroissement des pouvoirs du parquet, le rôle subalterne dévolu au premier ministre, le caractère d'attrape-tout dévolu à l'UMP, le mépris mainte fois proclamé envers l'observation statistique, la résurrection de facto du crime de lèse-majesté etc.

Les mauvais esprits se rappelleront leur lecture de 1984 et verront en filigrane, dans la comparaison avec Poutine, la silhouette de ce Staline que Poutine fait tout pour réhabiliter. Mais gardons le sens des proportions : Sarkozy n'est pas Staline et la France n'est ni l'URSS, ni la Grande-Bretagne de 1984.

Cependant la verticale du pouvoir est, en France, une innovation institutionnelle dont il ne faut pas sous-estimer l'ampleur - et qui, je le répète, donne la clé de bien des phénomènes apparemment indépendants.

Elle explique en particulier ce lapsus qui n'en est pas un. En utilisant le mot coupable, Sarkozy n'a fait qu'énoncer sa vérité, et cette vérité-là est la vérité qu'il a pour mission institutionnelle de nous révéler et qui restera vraie tant qu'il ne l'aura pas remplacée par une autre.

3 commentaires:

  1. Bien exposé ce concept de verticale, sinon juste un ressenti, Sarkozy même si il semble être une incarnation personnelle représente en fait un clan ou oligarchie qui en plus a réussi faire adopter cette idéologie à un grand nombre, c'est cette idéologie qu'il faut combattre, l'avenir est clairement du coté horizontal ( plus réseau ) que vertical ( pyramide) et il faut arriver à convaincre y compris pourquoi pas Sarkosy lui même. Il a de la marge de progression au moins dans les apparences puisque maintenant il est écolo et contre les patrons voyous et les excès de la finances et pour le BNB. Même si ça ne peut être qu'une manœuvre politique de plus, il faut continuer à matraquer à nos hommes politiques qu'ils devraient être au service d'une mission citoyenne et pas faire seulement semblant pour mieux la dévoyer ...

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  2. @ l'auteur : Certes certes.

    "Pendant de nombreuses années, en 1988, 1991, 1992, 1993, 2000, 2001, 2002, on ne trouve aucune trace de sa présence à l'Assemblée. ... Si chaque député prenait exemple sur lui, alors l'Assemblée nationale deviendrait inutile" René Dosière au sujet du député Nicolas Sarkozy.

    Entre un pouvoir législatif qu'on se refuse à exercer si on le détient, un pouvoir judiciaire traité en blague dans le meilleur des cas, et un gouvernement réduit au psittacisme, on peut bien parler de concentration DU pouvoir entre les seules mains fébriles d'un "communicant" de choc.

    @ herbe : C'est là que je trouve l'analyse encore insuffisante. Nicolas Sarkozy étant officiellement (jusqu'en 2007) avocat d'affaires, il ne devrait pas être si difficile d'analyser ses réseaux directs, et ensuite, la part de l'individuel et la part éventuelle du rôle de représentant de milieux d'affaires, dans ses décisions. Je ne suis pas sûr qu'une analyse systématique en ait été faite, au-delà de l'alignement de cas abracadabrantesques Tapie, Pérol, Proglio etc. Il y aurait matière, je crois.

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  3. Pour le plaisir de la contradiction : votre exposé repose sur la compétence de Nicolas Sarkozy à savoir manier le verbe ("avocat de métier, il connaît le sens des mots et il sait ce qu'il dit.")

    C'est un présupposé très fort ! A ce rythme, je pourrais asséner : "les banquiers ne peuvent pas se tromper, financier de métier, ils connaissent le sens du risque et savent ce qu'ils font"...

    Xavier (tuvas@laposte.net)

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