dimanche 26 juin 2011

Le théorème du complot

Les « complotistes », c'est-à-dire ceux qui adhèrent à la « théorie du complot », n'ont pas bonne presse. Ils exagèrent, dit-on : ils voient des complots partout, ils expliquent tout par des complots.

Il est vrai que leurs « théories » sont parfois loufoques : comment prendre au sérieux, par exemple, ceux qui disent que l'attentat du 11 septembre 2001 a été organisé par le gouvernement américain qui voulait un prétexte pour attaquer l'Irak ?

Il ne suffit cependant pas de hausser dédaigneusement les épaules, comme le font Philippe Val ou Edwy Plenel, lorsque quelqu'un évoque la possibilité d'un complot. Pour en rester au 11 septembre et à ses suites, l'administration Bush n'a-t-elle pas comploté pour faire croire à la présence d'armes de destruction massive en Irak ?

Tout n'est pas complot, tout ne s'explique pas par des complots, mais il ne faut pas en déduire que les complots n'existent pas. Ils existent bel et bien, en voici la démonstration en quelques étapes :

Manipulation gouvernementale

Voici les déclarations successives de Claude Guéant :

A - « Les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés » (Europe 1, 22 mai 2011)  ;

B - « C’est vrai qu’il y a deux tiers des enfants d’immigrés qui se trouvent sortir de l’appareil scolaire sans diplôme » (Assemblée nationale, 25 mai 2011)  ;

C – Dans une lettre à Libération (27 mai 2011), Guéant revient à sa première affirmation : « deux tiers des enfants qui sortent de l’école sans qualification sont des enfants de familles immigrées ».

Les deux premières déclarations ne sont évidemment pas équivalentes, mais on doit charitablement supposer qu'à l'assemblée nationale la langue du ministre a fourché.

Guéant dit s'appuyer sur une étude de l'INSEE. L'adresse de cette étude est http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/immfra05f.PDF. Regardons ce qu'elle dit.

vendredi 3 juin 2011

Guerre dans le cyberespace

Le compas intellectuel d'un stratège est large : il embrasse les continents et le long terme. La conversation avec l'un d'eux est donc des plus intéressantes.

Je parlais ainsi ces derniers jours avec François Géré et lui disais mon admiration pour les travaux de Vincent Desportes et de Rupert Smith, ces théoriciens de la guerre dissymétrique entre une armée classique et des insurgés qui trouvent soutien et refuge dans une population civile.

« Tout ça, me dit-il, c'est du passé. Le conflit dissymétrique n'est plus le modèle des prochaines décennies. Nous allons retrouver la situation stratégique classique, celle d'un affrontement entre des empires qui souhaitent sécuriser leurs approvisionnements et leurs débouchés : États-Unis, Chine, Inde, Europe, Russie etc. Par contre le champ de bataille, lui, sera nouveau : ce sera le cyberespace ».

Ce propos a été confirmé quelques jours après par David Sanger et Elisabeth Bumiller, « Pentagon to Consider Cyberattacks Acts of War », The New York Times, 31 mai 2011.

La Chine partage elle aussi ce point de vue (voir Francis Tan, « China makes cyber-warfare a military priority: the Internet is the next battleground », TNW Asia, 3 juin 2011) : elle a formé une « Blue Army » de spécialistes, et lorsqu'une attaque de grande ampleur se produit quelque part dans le monde elle est la première soupçonnée. Il lui est aussi arrivé, semble-t-il, de se faire piller le trésor que ses espions accumulent (voir « Le trésor de guerre de Wikileaks ? Une gorge profonde chinoise », Bug Brother, 2 juin 2010).