lundi 24 septembre 2018

Apport de l'informatique à la philosophie

L'informatique est un terrain d’expérimentation philosophique : elle étend en effet la démarche expérimentale, conçue pour explorer le monde de la nature, à l'exploration du monde de la pensée lui-même.

A l’origine de nos systèmes d’information se trouvent trois abstractions :
  • choisir, parmi les êtres que le monde comporte, ceux qui seront identifiés dans la base de données : cela revient à faire abstraction des êtres qui ne seront pas identifiés ;
  • choisir, parmi les attributs que l’on peut observer sur un être que l'on a identifié, ceux que l'on retient pour le décrire dans la base de données : cela revient à faire abstraction des attributs qui ne seront pas observés ;
  • choisir, parmi les vues que l’on peut définir sur la base de données, celles qui seront proposées à tel segment d’utilisateurs : cela revient à faire abstraction des vues qui ne seront pas proposées.
Construire un système d’information requiert donc une pratique de l’abstraction qui met quotidiennement et familièrement en œuvre, et à l’épreuve, les catégories de la pensée. Cela requiert aussi de représenter, lorsque l’on modélise un cycle de vie, le fait qu’un être conserve son identité et reste donc le même tout en se transformant : complétant l’abstraction par des hypothèses sur la causalité, c’est là une pratique de la théorie. Les abstractions, les théories requises par le système d’information sont au service de l’action de l’entreprise sur la nature : ces pratiques ont donc elles-mêmes une fonction pratique.

Le système d’information permet ainsi d’observer in vivo l’articulation entre la pensée et l’action. Il met en scène les démarches de l’abstraction et de la théorie, chaque fois dans un contexte économique, historique et sociologique particulier. Articulant enfin l'automate au travail de l'être humain, il invite à explorer leur complémentarité.

Je ne sais que penser de ceux qui méprisent un tel terrain d’expérimentation en disant « c’est de la technique ». Qu’ils prennent garde à ne pas faire comme ces théologiens qui, au XVIIe siècle, ont refusé de regarder dans la lunette que leur proposait Galilée : cela ne pouvait rien leur apprendre, disaient-ils, puisque tout est déjà dans Aristote et saint Thomas1. Si aujourd’hui un philosophe estime que l’informatique ne peut rien lui apprendre, est-ce parce qu’il croit que tout est déjà dans les auteurs du programme canonique, qu'il s'agisse de Platon ou de Kant, Hegel, Heidegger, Wittgenstein et autres Derrida ?

jeudi 20 septembre 2018

Les revues académiques sont-elles utiles ?

J'en débats sur Xerfi Canal avec Albert David, Professeur à l'Université Paris-Dauphine et rédacteur en chef de la revue Finance, Contrôle, Stratégie :



(voir aussi le texte du 16 avril 2017 : "Boycottons les revues à comité de lecture !").

samedi 8 septembre 2018

Stop au Macron-bashing

Il est facile de comprendre pourquoi les critiques envers Emmanuel Macron abondent. Il a éliminé la classe politique qui dirigeait jusqu'alors le pays : cela explique la haine dont il est l’objet, le fait que la dérisoire « affaire Benalla » ait été montée en épingle, la virulence des commentaires sur la démission de Nicolas Hulot ou sur les « hésitations » de Macron à propos du prélèvement à la source...

Tout ce qu’il fait, tout ce qu’il dit, même si ce sont des évidences comme lorsqu'il a parlé de notre tempérament de Gaulois, sera attaqué et interprété avec malveillance par ceux qu’il a vaincus à la loyale et qui tentent sournoisement de se venger en le ridiculisant, le déshonorant, le « tuant » dans l’esprit du public.

Participent à cette chasse à courre ceux des gens des médias qui ne conçoivent pas que l’on puisse agir sur des choses qui résistent : leur métier étant de communiquer, ils ne voient que de la « com’ » dans les paroles, les décisions, les actes.

*     *

Avec les « hésitations » sur le prélèvement à la source, Macron me semble avoir fait une opération de saine gestion, chose dont la plupart des gens des médias n’ont aucune idée.

Il sait que toute opération informatique de grande taille connaît des incidents et peut même aboutir à une catastrophe : comment croire qu’après avoir raté Louvois aux Armées, SIRHEN à l’Éducation nationale, l’Opérateur national de paie au Budget, etc., on puisse réussir du premier coup le prélèvement à la source ?

Il sait aussi que les incidents seront exploités par ceux qui veulent se venger de son élection, qu’ils les travestiront en catastrophe pour lui en faire « porter le chapeau ».

Alors il a exprimé des doutes et demandé des garanties. Les « gens de Bercy », se disant offensés par ses doutes, se sont drapés dans leur dignité et lui ont donné ces garanties. Si des incidents se produisent (il s’en produira !), ce sont eux maintenant qui « porteront le chapeau » et ils le savent. L’effet des « hésitations » de Macron, c’est qu'ils « serrent les fesses » : ils doivent oublier leurs exquises rivalités entre personnes et entre services, être solidaires devant le danger, vérifier et revérifier enfin le système pour éviter la catastrophe et limiter les incidents.

Leur faire ainsi sentir à plein le poids de leur responsabilité, c’est de la pure et simple gestion classique : que n’a-t-on fait de même pour Louvois !

L'essentiel sur la Blockchain

La Blockchain a été inventée en octobre 2008 par une personne qui dit se nommer Satoshi Nakamoto mais dont la véritable identité est inconnue (ou par un groupe de personnes anonymes). Elle a été mise en service le 3 janvier 2009 conjointement avec le Bitcoin dont elle fournit la plate-forme.

Après des débuts modestes, le Bitcoin est devenu le support d’une spéculation qui a propulsé son cours vers un sommet avant de le laisser retomber1. Le « minage » des Bitcoins s’appuie sur une « preuve de travail » qui consomme autant d’électricité que l’Irlande, et pour les transactions le Bitcoin est moins commode et moins rapide que la carte bancaire2.

Incommodité et lenteur, consommation d’énergie et bulle spéculative sont autant de raisons pour douter de l’avenir du Bitcoin, mais sa plate-forme, la Blockchain, peut servir à beaucoup d’autres choses3.

La Blockchain est essentiellement un registre (« ledger ») crypté et décentralisé ou plus exactement répliqué sur un grand nombre d’ordinateurs, de telle sorte qu’il soit pratiquement impossible de le modifier. Cela confère une grande sécurité aux enregistrements qu’il contient.

Ces enregistrements sont groupés dans des « blocs », petits programmes informatiques reliés entre eux par une chaîne d’adressage : d’où le mot « blockchain ».

La solution offerte par la Blockchain est à considérer chaque fois que l’on a besoin d’un registre infalsifiable. Des applications sont en cours ou à l’étude pour le cadastre, les notaires, les équipements d’une entreprise, etc.

On pense aussi utiliser la Blockchain pour les jetons (« tokens ») distribués par des entreprises et auxquels des droits sont attachés (par exemple les « miles » des compagnies aériennes). Ces jetons porteurs de droits pourraient, bien plus que le Bitcoin et autres « cryptomonnaies », faire naître une nouvelle forme d’économie4.

Certains estiment enfin que la décentralisation de la Blockchain offre une alternative au pouvoir que l’architecture centralisée de l’Internet a procuré aux GAFA5.

L’essentiel sur l'Internet des objets

On nomme « Internet des objets », IdO (en anglais Internet of Things, IoT), ce qui est en train de se créer autour des puces RFID1 (Radio Frequency Identification) et de leur intégration dans le système d’information des entreprises2.

L’IdO est déjà présent parmi nous. Ses applications actuelles sont les suivantes :
  • télécommunications : puces SIM des téléphones mobiles, géolocalisation ;
  • vétérinaire : marquage des bovins, des équidés, des animaux domestiques ;
  • santé : suivi des équipements, des patients, contrôle des médicaments, gestion des traitements, projet de dossier médical partagé (DMP), sécurité et confidentialité des données ;
  • documents d’identité : passeport biométrique, badges d’accès, cartes bancaires, cartes de fidélité ;
  • transport : systèmes de paiement (autoroutes, Navigo, Velib) ;
  • loisirs et culture : billetterie, contrôle des accès, etc.

L’IdO offre des possibilités nouvelles à la prévention de la contrefaçon, à la gestion de l’eau, à l’anticipation des risque géologiques et climatiques. Il permet des modèles d’affaire et des formes de la coopération internationale qui impliquent une adaptation de l’organisation et des processus de production, de la gestion et de la gouvernance des entreprises.

Les technologies de l’IdO

Type de système Identification Capteurs Connexion Intégration Traitement des données Réseaux
Enjeux Reconnaître chaque objet de façon unique Recueillir les informations présentes dans l’environne­ment Interconnecter les systèmes Transmettre les données d’un système à l’autre Stocker et analyser les données Transférer les données dans les mondes physique et virtuel
Technologies antérieures Code barre, etc. Thermomètre, hydromètre, etc. Câbles, etc. Middleware Excel, ERP, CRM, etc. Internet, Ethernet, etc.
Technologies de l’IdO RFID, ondes acoustiques de surface, puces optiques, etc. Capteurs miniaturisés Bluetooth, NFC, WiFi Middleware évolué Dataware­house 3D, Web sémantique, etc. EPCGlobal