mercredi 28 décembre 2011

Erik Brynjolfsson et Andrew MacAfee, Race Against the Machine, Digital Frontier Press, 2011

Erik Brynjolfsson est l'un des rares économistes qui ont su voir la nature et l'importance du phénomène de l'informatisation. On peut consulter ses travaux sur le site du MIT où il est professeur.

Dans ce livre écrit avec Andrew MacAfee il passe en revue les diverses façons dont les économistes expliquent la montée du chômage et de l'inégalité des revenus : certains évoquent un épisode défavorable du cycle conjoncturel, d'autres la stagnation que suscite un déclin de la capacité à innover, d'autres enfin la « fin du travail » car l'emploi est supprimé par l'automatisation [1].

Brynjolfsson adhère à la troisième explication, mais il lui ajoute un complément important : une économie mature, c'est-à-dire parvenue à l'équilibre en regard de son potentiel productif, met naturellement en œuvre la totalité de sa force de travail. C'est donc l'inadaptation au système technique informatisé due à la persistance d'habitudes et formes d'organisation héritées du système antérieur qui explique le sous-emploi, et non l'informatisation.

La moitié de l'échiquier

Ses effets, dit Brynjolfsson, ne font que commencer à se manifester car leur évolution est exponentielle.

Il illustre cela par une comparaison : si l'on place, comme dans la légende indienne, un grain de riz sur la première case d'un échiquier, puis deux sur la seconde, quatre sur la troisième etc. en multipliant leur nombre par deux à chaque étape, on en aura si l'on s'arrête à la moitié de l'échiquier 232 - 1, soit de l'ordre de 109 : c'est la récolte annuelle d'une bonne exploitation. Mais si l'on va jusqu'au bout de l'échiquier on en aura 264 - 1, soit de l'ordre de 1019 grains : cela forme une montagne de riz plus haute que l'Everest...

Avec l'informatisation nous ne sommes, dit encore Brynjolfsson, qu'à la moitié de l'échiquier. L'évolution future sera donc beaucoup plus importante, plus bouleversante que celle que nous avons connue. Il en cite deux signes avant-coureurs : le progrès des logiciels de traduction automatique et l'automatisation réussie par Google de la conduite des automobiles montrent que l'informatique sait faire, aujourd'hui, des choses que l'on jugeait impossibles voici quelques années.

dimanche 25 décembre 2011

James Gleick, Genius, Vintage Books, 1991

Cette biographie nous fait entrer dans l'intimité de Richard Feynman, qui fut l'un des plus grands physiciens du XXe siècle.

Contrairement à beaucoup d'autres Feynman ne donne pas la priorité à la mise en forme théorique qui permet de déduire les lois de la nature à partir de quelques hypothèses bien choisies et donc, en somme, de reconstruire le monde par la pensée. Il s'intéresse d'abord aux choses, aux phénomènes, et s'il utilise les mathématiques en virtuose il les considère comme une boîte à outils et non comme le porche de la compréhension de la nature.

Ainsi, alors qu'un Landau pose le principe de moindre action au début de son cours de mécanique puis en déduit l'essentiel de l'édifice théorique de la physique, Feynman part d'un fait qui a d'abord été considéré comme une hypothèse, puis que l'expérience a confirmé et que l'observation a enfin constaté : la nature corpusculaire, atomique, de la matière.

Il aime à explorer les phénomènes auxquels il ne comprend rien. Parfois il parvient à les comprendre, parfois il est contraint de s'arrêter en chemin et alors sa curiosité l'oriente vers d'autres phénomènes, d'autres recherches : il s'intéressera par exemple à la biologie.

vendredi 23 décembre 2011

Conférence à Settat : texte

Voici le texte de la conférence donnée à la faculté des sciences et techniques de Settat (Maroc) le 11 mai 2011 à l'invitation du professeur Jaouad Dabounou. Les vidéos sont à la page http://michelvolle.blogspot.com/2010/12/blog-post.html

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Informatisation et compétitivité

Napoléon avait pris la mesure de l'avantage que l'industrialisation pouvait procurer à une nation. Dans le traîneau qui le ramène de Russie en décembre 1812, il se confie à Caulaincourt : « On a beau faire, dit-il, c’est moi qui ai créé l’industrie en France… le but du système continental est de créer en France et en Allemagne une industrie qui l’affranchisse de celle de l’Angleterre [1] ».

L'industrialisation avait démarré vers 1775. L'informatisation a débuté vers 1975. Pouvons-nous espérer que les dirigeants en auront dès 2012 compris la nature et l'importance ? On peut craindre qu'ils n'aient pas, sur ce point, un jugement aussi pénétrant que celui de l'empereur.

Dans beaucoup d'entreprises, l'informatique est en effet considérée comme un « centre de coûts », comme une dépense qu'il convient de comprimer. Le gouvernement français vient de créer une Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication. Quelle est la première des missions données à cette direction ? De diminuer le coût de l'informatique !

Beaucoup de dirigeants considèrent d'ailleurs l'informatisation comme une question technique, qui doit être traitée par des techniciens et qui est donc indigne de retenir l'attention d'un stratège. Ils se trompent.

Conférence à Settat : vidéos

Voici les cinq vidéos successives de la conférence donnée le 10 mai 2011 à la faculté des sciences et des techniques de Settat (Maroc) à l'invitation du professeur Jaouad Dabounou. Le texte écrit de cette conférence est à la page http://michelvolle.blogspot.com/2011/12/informatisation-et-competitivite.html

Introduction et première partie :


Deuxième partie :

Fawn Brodie, Un diable d'homme, Libella 2011

Le « diable d'homme » dont il s'agit, c'est Richard Burton – non l'acteur (1925-1984), mais l'explorateur (1821-1890).

L'auteur de cette biographie suit les démarches de la psychanalyse pour comprendre son sujet. Certains ont critiqué cette méthode mais elle m'a paru intéressante et, en l'occurrence, justifiée par la complexité du personnage.

Burton a été, comme T. E. Lawrence, Lesley Blanch et tant d'autres, de ces Britanniques qu'ont attirés le grand large, le vaste monde, les cultures orientales, les mœurs exotiques : ils voulaient s'échapper des brumes de la Grande-Bretagne comme du carcan de la morale victorienne.

Contrairement à d'autres explorateurs que seule la géographie intéresse Burton a étudié les civilisations, les langues et les mœurs. Il a été l'un des pionniers de l'anthropologie. Il se déguisait pour se fondre dans une population : déguisé ainsi en musulman, il a fait à ses risques et périls le pèlerinage de la Mecque. Il maîtrisait plusieurs dizaines de langues et dialectes, ce qui émerveillait ses contemporains. Ses traductions en anglais sont admirées pour leur exactitude et leur élégance.

dimanche 18 décembre 2011

Un dirigeant doit savoir lire

Après la publication de la « lettre ouverte aux présidentiables » j'ai reçu des messages amicaux mais critiques : « les dirigeants ne lisent pas », m'écrit l'un, « ils ne lisent pas une note qui fait plus de deux pages », écrit un autre.

J'ai souvent entendu ces phrases-là. Quoique « réalistes » elles m'ont toujours paru envelopper une erreur : dans les informations qu'un dirigeant reçoit il faut en effet distinguer celles qui sont conjoncturelles et celles qui sont structurelles.

Les informations conjoncturelles sont celles qui lui permettent d'agir, de décider, dans une situation qu'il connaît bien : ce sont, disons, les informations nécessaires à un joueur de football pendant un match. Point n'est besoin de les entourer de longues explications et il faut d'ailleurs agir vite : des notes de deux pages, un tableau de bord court et judicieusement sélectif peuvent suffire.

Les informations structurelles sont celles qui permettent à un dirigeant de comprendre une situation nouvelle, un territoire nouveau qui se propose à son action : c'est, pour filer la métaphore, l'information dont aurait besoin un footballeur s'il lui fallait se mettre à jouer au handball.

lundi 12 décembre 2011

Lettre ouverte aux présidentiables

Version imprimable

Votre expérience de la politique est riche, vous vous préparez à exercer la plus haute fonction, mais comme vous n'avez jamais travaillé dans une grande entreprise vous ne pouvez pas savoir ce qui s'y passe.

Les ingénieurs n'ont certes pas votre compétence en politique, cependant ils vivent dans l'entreprise. Nous allons tenter ici de décrire, sans prétention, les enseignements qu'apporte cette expérience-là sur la crise économique et sur la façon d'en sortir. Vous trouverez peut-être cette lettre un peu longue, mais il n'est pas possible de condenser tout cela en une note de deux pages.

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Il suffit de visiter des usines pour voir qu'elles sont souvent remplies de robots. Les rares emplois que l'on y rencontre sont consacrés à la supervision et à la maintenance des automates ainsi qu'à l'emballage des produits. Si, par hypothèse, vous obteniez que les productions qui ont été délocalisées reviennent en France, elles y adopteraient cette même organisation automatisée. Il ne faut donc pas compter sur les usines pour assurer le plein emploi : l'époque où l'emploi de masse était à la fois la condition et le débouché d'une production de masse est révolue.

Depuis le milieu des années 1970 le système productif s'est informatisé, et cela a conduit les entreprises à automatiser les opérations répétitives. On utilise le mot « numérique » pour désigner ce phénomène dont l'Internet est une des dimensions. Cependant les programmes, plans et projets des partis politiques ne considèrent que son amont (microélectronique, logiciel, réseau) et son aval (Web, médias etc.).

Ils ne parlent jamais de son cœur, qui est l'informatisation du système productif. Les seules entreprises dont ils évoquent l'informatisation sont les PME dont on suppose, avec quelque condescendance, qu'elles n'ont pas encore compris le parti qu'elles pourraient tirer du Web. La grande entreprise, par contre, semble être le domaine réservé de ses dirigeants : elle est protégée du regard par un tabou semblable à celui qui, au Moyen Âge, interdisait d'ouvrir le corps humain.

mercredi 7 décembre 2011

Les télécoms dans les Hautes Cévennes

Je reproduis ci-dessous le compte rendu de l'assemblée générale de l'association « Allô, où sommes-nous » le 22 octobre : il montre où en sont les services télécoms dans une zone à faible densité de population.

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Les services télécoms dans les Hautes-Cévennes sont diversifiés :
- téléphonie filaire, « service universel » offert par l'opérateur historique, France Telecom ;
- téléphonie mobile ;
- accès à l'Internet :
  - via le réseau téléphonique filaire selon la technique ADSL ;
  - par satellite ;
  - via le réseau hertzien offert par Meshnet.

lundi 5 décembre 2011

Le Parador

Le Parador, ce roman que j'avais publié au format pdf, vient d'être édité sous la forme d'un livre que l'on trouve chez amazon.fr en cliquant sur l'encadré ci-contre.

On le trouve aussi chez l'éditeur à l'adresse http://www.ilv-edition.com/librairie/parador.html.

Il décrit les intrigues et conflits qui se nouent dans la grande entreprise, scandés par les aventures et mésaventures d'un consultant qui s'efforce d'améliorer le système d'information.

Les lecteurs de volle.com pourront offrir Le Parador à ceux de leurs amis qui travaillent dans une grande entreprise - en particulier si ce sont des consultants, ces « mendiants glorieux ».

Le but de la littérature n'est-il pas en effet de nous encourager à penser notre expérience en mettant en scène les situations que nous vivons, et en proposant les mots et les images qui permettront de se les représenter ?

Pour les politique et les médias la grande entreprise est une boîte noire : ils voient ce qui y entre (des emplois, des matières premières) et ce qui en sort (des produits, des déchets), mais ils ignorent tout de sa vie intime.

Le Parador ambitionne de dévoiler cette intimité en faisant penser et rêver à voix haute des dirigeants, des salariés et des consultants. La violence existe dans la grande entreprise, mais sous une forme plus feutrée et beaucoup plus intéressante que ces revolvers et poursuites en voiture qui font l'essentiel de tant de livres et de films.

mercredi 30 novembre 2011

L'entreprise trahie par ses maîtres

Certains lecteurs de volle.com m'écrivent pour dire combien leur entreprise diffère de l'entreprise contemporaine telle que je l'ai décrite.

Je reproduis ci-dessous deux témoignages. J'ai remplacé le nom des entreprises par une dénomination de mon invention : « Baba » est une entreprise industrielle qui produit des systèmes mécaniques et automatiques complexes. « Fifi » est un opérateur de téléphonie mobile.

dimanche 6 novembre 2011

Un message de Jean-Marc Jancovici

Je reproduis ci-dessous, tel quel et dans le style inimitable de l'auteur, un message que Jean-Marc Jancovici adresse ce jour aux membres de la liste de diffusion de www.manicore.com.

Dans les Cévennes se lit partout le slogan : « Non au gaz de schiste, sortons du nucléaire ! ». Personne ne sait s'il sera on non possible d'extraire le gaz de schiste en respectant l'environnement, personne ne connaît les réserves en France (dix ans de la consommation de gaz ? cent ans de la consommation d'énergie ?) - mais point n'est besoin semble-t-il d'avoir évalué l'enjeu pour être « contre », ni d'avoir comparé les risques du charbon à ceux du nucléaire pour être « contre » celui-ci.

Si on est « contre » le gaz de schiste et le nucléaire, ne serait-ce pas parce qu'on est « contre » les institutions quelles qu'elles soient, et fondamentalement « pour » l'individualisme (voir Sartre, Aron et nous) ? J'ai proposé un slogan qui permettrait de sauver beaucoup de vies humaines dans notre région : « non au pastis, sortons de la voiture ! » - et on me répond « mais c'est très bon, le pastis ! ».

Nous allons à grands pas vers la catastrophe climatique (voir « Les émissions de CO2 pourraient augmenter de 20 % d'ici à 2035 », Le Monde, 9 novembre 2011). Grâce à Fukushima et à la dette ce risque a cependant heureusement disparu de notre horizon mental, comme le dit Jancovici. Je lui passe la parole.

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Chers tous, sans oublier les autres,

Sauf à être sourd ou aveugle, il ne vous aura pas échappé qu'il se passe un petit quelque chose avec la dette des États en ce moment et que cela induit un poil d'inquiétude pour quelques habitants de notre vieux continent. Mais pour contrebalancer cette petite angoisse j'ai le plaisir de vous annoncer une excellente nouvelle : nous avons enfin réglé le problème du carbone.

Caroline Ehrhardt, Évariste Galois, EHESS, 2011

Tout le monde connaît l'histoire d’Évariste Galois (1811-1832) : chercheur créatif en mathématiques en même temps qu'étudiant, il est chassé de l’École normale pour indiscipline, milite dans le camp républicain et se fait tuer en duel à vingt ans. Ses travaux, que l'Académie a refusés de son vivant, seront redécouverts à partir de 1846.

Dans ces textes concis, abstraits et d'une lecture très difficile, les mathématiciens ultérieurs ont trouvé de quoi légitimer opportunément leurs propres travaux. Leur interprétation s'est ainsi élargie progressivement : on y a trouvé successivement une théorie des équations, une théorie des groupes et des structures algébriques, enfin l'esprit des mathématiques modernes elles-mêmes tout entier.

Il est difficile de se faire une idée exacte de la personne de Galois car les archives sont pauvres (peut-on d'ailleurs se faire une idée exacte d'une personne, quelles que soient les archives dont on dispose ?). Il est vraisemblable qu'il ne correspondait pas exactement aux mythes qui ont été construits autour de son nom.

mardi 1 novembre 2011

La gloire des anonymes

Notre langue maternelle, le français, a été élaborée par des millions d'anonymes. Ce fruit savoureux d'un peuple rural a acquis l'élégance à la cour de nos rois. Nous n'avons retenu le nom d'aucun des paysans ni des courtisans auxquels nous devons ce vocabulaire ingénieux, cette syntaxe souple, qui offrent à qui veut s'en servir l'outil du plus fin discernement.

Ces paysans et ces courtisans ont, me semble-t-il, accompli ce qu'un destin humain peut ambitionner de meilleur. Observons le retour de la végétation à chaque printemps, les jeux des petits enfants dans une cour d'école, puis méditons : n'est-il pas vrai que seule importe la succession des générations ?

Les anonymes ne cherchent pas la célébrité, n'ambitionnent pas les hochets que sont les décorations, grades militaires, honneurs académiques et autres prix Nobel, ne se soucient pas même d'être pris au sérieux : ils vivent et agissent en se servant simplement de leur intellect tout en assumant les limites qu'impose un destin individuel.

samedi 22 octobre 2011

Pourquoi la finance paraît si mystérieuse

Un de mes lecteurs m'ayant posé plusieurs questions à propos de la Drôle de crise, j'ai pensé que pour lui répondre le mieux serait de consacrer une page à la finance.

Pour la plupart des gens, elle est certes mystérieuse mais pas plus qu'une autre spécialité : chaque profession a son vocabulaire spécial (voir Lexique des salles de marché). Pour beaucoup d'économistes, par contre, la finance est énigmatique : le modèle sur lequel s'appuie l'enseignement de l'économie (que nous appellerons « modèle de base »), étant focalisé sur la production, la consommation et l'échange dans une société supposée en état stable [1], ne convient plus quand il faut prendre en compte l'incertitude du futur.

Pour comprendre la finance il faut donc compléter ce modèle en associant à chaque agent non seulement une fonction de production et une fonction d'utilité, mais aussi un patrimoine et, pour chaque niveau de son épargne, une « structure de patrimoine désirée [2] ».

Économie du patrimoine

On peut classer les actifs patrimoniaux d'un agent selon leur degré de liquidité, c'est-à-dire selon le délai nécessaire pour disposer de leur contrepartie en monnaie. La part la plus liquide du patrimoine est l'encaisse monétaire, puis viennent les actions et obligations. La part la moins liquide est composée des propriétés foncières et immeubles.

samedi 1 octobre 2011

Qu'est-ce qu'un produit aujourd'hui ?

Le mot « production » doit retrouver dans l'économie contemporaine son sens économique fondamental : ce qu'une économie produit, c'est la satisfaction des besoins des consommateurs, leur bien-être matériel.

Ce qui importe n'est donc pas de produire des choses mais de faire en sorte que le produit, une fois placé dans les mains du consommateur, lui procure satisfaction et bien-être. Comme le dit Philippe Moati, la mission du système productif est de produire des « effets utiles ».

Ainsi la production ne peut pas se limiter à la mise en stock, en sortie d'usine, de produits finis qu'un commercial viendrait prélever pour les distribuer. Elle doit suivre le produit le long des circuits de transport, commercialisation et distribution jusqu'à ce qu'il soit entre les mains du consommateur puis encore, pendant son utilisation, le long des phases de maintenance jusqu'à la fin de son cycle de vie et au recyclage final.

Il apparaît ainsi que le bien, composante physique du produit, est associé à des services (transport etc.) qui sont une composante nécessaire de la production. Les services qu'implique la production (conception des produits, rapports avec les clients) sont d'ailleurs à forte valeur ajoutée ainsi que le service d'intermédiation que nous évoquerons ci-dessous.

Pour « capter la valeur », comme on dit, il ne suffit donc plus de faire tourner les usines pour fabriquer des biens manufacturés : entretenir de bonnes relations avec les clients, connaître leurs besoins est tout aussi important sinon davantage. Des biens manufacturés qui s'empileraient dans un stock mais dont personne ne voudrait n'auraient aucune valeur.

En raison de la multiplicité des compétences qu'elles impliquent l'ensemble des tâches que nécessite la production excède ce que peut faire une même entreprise. La formule la plus efficace est donc celle du partenariat, plusieurs entreprises coopérant à la fourniture des biens et services que nécessite l'élaboration du produit.

vendredi 30 septembre 2011

Jean-Marc Jancovici, Changer le Monde, Calmann-Lévy, 2011

Jean-Marc Jancovici est l'un des acteurs les plus importants du mouvement écologique. Il se distingue par la rigueur de son exigence scientifique.

Son dernier livre suscite quelques réserves de ma part, mais commençons par les points positifs : il est clair, bien écrit, bien construit. Les chapitres III et IV fournissent d'utiles repères quantitatifs, le chapitre VI est une étude de cas d'histoire institutionnelle qu'il faut recommander aux étudiants en sciences politiques. Le chapitre VII propose utilement une liste des décisions possibles, accompagnées d'un ordre de grandeur de leur coût.

On trouve p. 76 une indication cruciale : les nations représentées à Copenhague en 2009 se sont mises d'accord pour faire en sorte que le réchauffement de l'atmosphère soit limité à 2°C. Il faut pour cela que la quantité de carbone émise d'ici à la fin du XXIe siècle soit au plus de 1 400 milliards de tonnes, ce qui implique une réduction des deux tiers par rapport au niveau actuel.

Voici maintenant mes réserves :

1) Le but de ce livre n'est pas d'inciter le consommateur à arbitrer ses choix, mais de faire apparaître le contenu en énergie de la consommation actuelle dans les pays riches ou émergents.

jeudi 29 septembre 2011

Pour une neutralité équitable de l'Internet : une « Bourse du débit »

Cet article m'a été demandé par Les cahiers de l'ARCEP pour leur numéro de novembre 2011.

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L'enjeu de la neutralité


Les fournisseurs de contenus, ainsi que les utilisateurs, souhaitent que l'Internet soit « neutre » – c'est-à-dire que les opérateurs du réseau n'opèrent aucune discrimination, tarifaire ou autre, entre les divers types de trafic.

Les opérateurs savent cependant qu'il faut dimensionner les ressources physiques consacrées à la transmission – routage, transport et distribution – de telle sorte que le taux de blocage, interruption ou ralentissement à l'heure de pointe soit globalement acceptable.

Sur le réseau téléphonique la nature statistique du trafic était relativement simple, ce qui permettait de résoudre de façon satisfaisante la question du dimensionnement. Elle est plus complexe sur l'Internet en raison de la multiplicité des usages et de la diversité des débits qu'ils demandent notamment pour la vidéo.

Or il est d'autant plus coûteux de dimensionner un réseau de façon acceptable que la dispersion statistique du trafic à l'heure de pointe est plus élevée (voir « Économie du dimensionnement ») : on peut donc craindre que l'Internet ne devienne plus coûteux, ou que sa qualité ne baisse, avec l'accroissement prévisible de la part du trafic vidéo.

La neutralité de l'Internet est ainsi l'enjeu d'un conflit entre fournisseurs de contenus et opérateurs. Mais un autre conflit existe, et celui-là se joue entre les utilisateurs : il suffit qu'un petit nombre d'entre eux téléchargent beaucoup pour que le débit offert aux autres soit comprimé.

Ce conflit-là reste inexprimé car il n'est porté par aucune institution. Il se peut cependant qu'en le traitant on résolve du même coup le conflit entre opérateurs et fournisseurs de contenu.

mercredi 28 septembre 2011

Les services sont des produits

Beaucoup d'économistes estiment que la France s'est trop désindustrialisée, et que c'est la cause de son déficit commercial comme de l'endettement de l’État.

Ainsi Jean Peyrelevade appelle sur Xerfi Canal à une réindustrialisation de notre pays. Dans la foulée, il dit que notre économie a accordé trop de place aux services au détriment des « produits ». Sur beaucoup d'autres points je suis d'accord avec lui, mais en ce qui concerne les services je trouve étonnant qu'un économiste sérieux s'exprime de façon aussi inexacte. Comme son opinion est en passe de devenir dominante, il est nécessaire de poser clairement et rigoureusement les termes du débat.

Dans le langage de l'économie, on distingue les biens (qui sont matériels) des services (qui sont immatériels), mais les uns comme les autres sont des produits car ils résultent d'une production. Opposer les services aux « produits », c'est supposer que les services ne résultent pas d'une activité productive et qu'en somme ils tombent du ciel.

Un service, c'est « la mise à disposition temporaire d'un bien ou d'une compétence ». Vous louez un appartement mis à votre disposition par son propriétaire : c'est un service. Vous louez une voiture, c'est un service. Vous consultez un médecin, il met sa compétence à votre disposition pendant la durée de la consultation : c'est un service. Vous achetez un billet d'avion, il vous donne droit à un siège pendant la durée du vol et met à votre disposition les compétences de l'équipage : c'est un service. L'essentiel de la définition des services réside dans l'adjectif temporaire.

dimanche 28 août 2011

La richesse des nations

L’INED vient de publier « Tous les pays du monde (2011) » qui fournit pour 208 pays et autres territoires (nous dirons « pays » tout court) les données démographiques essentielles ainsi que le revenu national brut par habitant en 2009, mesuré en dollars US et en parité du pouvoir d’achat, qui évalue la richesse moyenne de la population du pays considéré et que nous appellerons « richesse » tout court.

Cet indicateur est bien sûr discutable :
- les pondérations utilisées pour le mesurer reflètent la structure de la consommation dans les pays les plus riches : le RNB sous-évalue donc sans doute la richesse des autres pays ;
- une mesure de la richesse devrait considérer non seulement le revenu, mais aussi le patrimoine ;
- le poids économique d’un pays doit être évalué non selon sa richesse par tête, mais selon sa richesse totale (produit de la richesse par tête par la taille de la population) ;
- la richesse par tête est une information insuffisante si on ne la complète pas par une mesure des inégalités ;
- cet indicateur reflète une situation instantanée qu’il n'explique pas plus qu'il ne permet d'anticiper son évolution future ;
- l'estimation de la population est relative à 2011, celle du RNB à 2009 : la comparaison des deux est donc entachée d'un décalage ;
- pour 35 pays, le RNB par habitant n'est pas indiqué. La comparaison ne peut porter que sur les 173 pays restants, qui représentent 98 % de la population mondiale.

Il faut prendre cet indicateur pour ce qu’il est : une photographie imparfaite, incomplète et qu'il faut savoir interpréter. Nous allons tâcher de le faire parler.

mercredi 24 août 2011

La drôle de crise

Pendant l'hiver 39-40, c'était la « drôle de guerre ». Comme il faisait très froid les soldats français buvaient du vin chaud en espérant que l'ennemi n'attaquerait jamais.

Nous connaissons aujourd'hui une « drôle de crise ». Tandis que des annonces alarmantes se succèdent (baisse de la note américaine, effondrement de la bourse, panique des « marchés » etc.) nous percevons nos salaires et retraites, faisons rouler nos voitures, prenons des vacances. Ainsi nous vivons encore bien – à l'exception bien sûr des exclus dont personne ne se soucie.

Mais le sort des États était scellé dès qu'ils ont soutenu les banques « too big to fail ». Qu'ils aient ainsi endossé le risque de faillite du système financier, cela a eu quatre conséquences dont la conjonction est en effet mortelle :

1) L'art de la finance réside dans l'arbitrage entre rendement et risque. En assumant le risque les États ont incité les banques à pousser à fond la recherche du rendement. Cela rend la catastrophe inévitable, seule sa date étant incertaine.

2) Une banque qui était hier « too big to fail » le sera encore demain : la catastrophe est donc dès aujourd'hui inscrite dans les comptes futurs des États. Cela détruit leur crédibilité financière.

3) Le système financier, traitant ce signal de façon mécanique, joue à la baisse sur les créances envers les États. Cela fait monter le taux d'intérêt qui leur est demandé.

4) Lorsque le jeu à la baisse est amorcé, le système financier doit aller jusqu'au bout et pousser les États à la faillite : sinon, il perdrait les fonds qu'il a misés et pourrait même être ruiné par l'effet de levier.

Oui, cette crise est d'une drôlerie amère. Les « marchés » sont inquiets, dit-on gravement. Pardi ! Ils le seront toujours. Les États peuvent prendre encore et encore des mesures d'« austérité », les « marchés » ne seront jamais rassurés, jamais satisfaits car ce qu'ils veulent, c'est la mort de la bête.

Après la drôle de crise se profile ainsi la vraie crise.

lundi 15 août 2011

Bonnes lectures scientifiques

J'ai rencontré voici quelques jours un jeune homme dont le visage rayonne d'intelligence. Il m'a dit sa passion pour les mathématiques.
- Une passion, voilà qui est bien ! lui ai-je dit. Et qu'étudies-tu en maths ?
- L'analyse (NB : la théorie des fonctions)...
- Oui, je vois... et la théorie des nombres ?
- Non, nous n'étudions pas ça.
- Dommage, c'est ce qu'il y a de plus fondamental. Si tu veux comprendre Galois...
- Ah, Galois, c'est mon Dieu !
- Eh bien pour le comprendre il te faut étudier la théorie des nombres.

Quand j'ai tenté de lire Galois je n'y ai rien compris. Gabay, l'éditeur, m'a dit que Galois était expliqué dans un livre de Jordan. J'ai essayé de lire Jordan, mais je n'y ai rien compris non plus. Quelque part dans son livre il dit avoir assidûment étudié Serret. Je me suis donc procuré le Cours d'algèbre supérieure de Serret (1877), et voilà que je comprends tout. Les démonstrations sont d'une extrême élégance... Lorsque j'aurai lu et compris Serret, j'étudierai Jordan, puis je lirai Galois. Les mathématiciens français du XIXe siècle étaient d'un très haut niveau, la lecture de certaines de leurs pages demande une semaine de méditation mais cela vaut la peine.

dimanche 14 août 2011

Trois témoignages sur la finance

Dans les années 90 un de mes meilleurs amis dirigeait les salles de marché d'une grande banque française. La conversation avec lui m'a permis de comprendre beaucoup de choses.
- Ça va bien pour moi, me dit-il un jour. Mon service a fait cette année un profit de quatre milliards.
- Bravo ! lui dis-je. Et quel est le profit global de ta banque ?
- Eh bien, quatre milliards, répondit-il.

Ainsi le reste de la banque - réseau d'agences, gestion des comptes, intermédiation financière –, tout juste équilibré, avait pour seule fonction de drainer des liquidités vers les salles de marché.

Ce même ami m'a dit un autre jour « si tu as de l'argent, ne place surtout pas tout dans une seule banque ! ». Il en savait assez pour évaluer le risque de faillite, que les clients ignorent évidemment.

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Un autre de mes amis, patron d'une PME prospère, a reçu de sa banque (une autre très grande banque française) une proposition qui l'a beaucoup surpris : « nous pouvons mettre une partie de votre chiffre d'affaires dans un compte offshore, lui a dit le directeur de son agence, de telle sorte que vous puissiez en disposer personnellement ».

Mon ami a refusé mais, m'a-t-il dit, s'ils proposent ça à moi qui suis tout petit, que doivent-ils donc proposer aux « gros » !

samedi 13 août 2011

Sartre, Aron et nous

En 1961 Sartre vint faire une conférence à l’École polytechnique. Elle commença ainsi : « Certains reprochent aux intellectuels de penser trop (il prononçait « trâ »). Cela n'a aucun sens car la pensée n'est pas affaire de quantité, mais de qualité. La question n'est pas de savoir si l'on pense trâ, mais si l'on pense bien ».

Cet exorde me transporta : j'étais alors de ceux dont on prétend qu'ils pensent trop. Mon cerveau s'étant engagé dans une longue rêverie, je n'ai pas entendu la suite de la conférence.

Telle est la magie du verbe. Sartre savait en jouer avec talent. Si l'on regarde de près certaines de ses phrases, on voit qu'elles ne veulent rien dire – ainsi dans son article sur François Mauriac : « Dieu n'est pas un artiste, François Mauriac non plus » – mais elles éveillent chez le lecteur des images puissantes.

Celui que les Dieux ont doté du bonheur d'expression ne prend pas toujours la peine d'approfondir sa réflexion. Comme beaucoup d'autres, Sartre a été victime de son talent : il est resté toute sa vie un normalien amateur de canulars.

Nota Bene : nombreux sont sans doute ceux qui ne partageront pas cette opinion : ils sont libres d'avoir la leur autant que je suis libre d'avoir la mienne.

*     *

On trouve dans les Mémoires de Raymond Aron, p. 954, un passage qui indique le fossé qui séparait ces deux hommes : « (Sartre) ne s'est jamais résigné à la vie sociale telle qu'il l'observait, telle qu'il la jugeait, indigne de l'idée qu'il se faisait de la destination humaine (...) Nous avions tous deux médité sur le choix que chacun fait de soi-même, une fois pour toutes, mais aussi avec la permanente liberté de se convertir. Il n'a jamais renoncé à l'espérance d'une sorte de conversion des hommes tous ensemble. Mais l'entre-deux, les institutions, entre l'individu et l'humanité, il ne l'a jamais pensé, intégré à son système » (c'est moi qui souligne).

Aron n'avait pas le talent de Sartre : sa phrase est laborieuse, rocailleuse, il faut souvent relire pour comprendre ce qu'il a voulu écrire mais lui, au moins, ne se paie pas de mots. Ce qui l'intéresse n'est ni le combat du Bien et du Mal, ni le rapport entre l'Être et le Néant : c'est l'action des êtres humains, leurs choix, leurs décisions, face à une nature dont la complexité dépasse leur intellect, dans une histoire au futur incertain et au passé énigmatique.

vendredi 12 août 2011

Le casse-tête russe (suite)

J'ai reçu un courrier de Vladimir Sterkh que je reproduis ci-dessous. Il complète un texte publié en septembre 2008 par volle.com.

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La situation que j'avais décrite dans « Le casse-tête russe » s'est aggravée : alors que notre alfa-dog est devenu insupportable pour toute personne possédant une quelconque culture, les espoirs que l'on avait pu mettre dans son jeune successeur se sont dissipés.

Les deux personnes de ce tandem sont évidemment différentes ainsi que les équipes qui les entourent, mais ni l'une ni l'autre ne maîtrise la situation. Notre État est la pire version d'un corporatisme postmoderniste où s'entremêlent les modèles du féodalisme, d'un stalinisme modéré et quelques ébauches timides de démocratie (par exemple la possibilité de se déplacer hors du pays et une certaine marge contrôlée laissée aux critiques du régime).

La corporation qui dirige se compose d'une quinzaine de personnes qui presque toutes ont appartenu au KGB ou à son successeur, le FSB. Elle engage ou plutôt achète des spécialistes qualifiés pour assurer la gestion économique courante. Les institutions nécessaires au fonctionnement d'un État démocratique sont inexistantes.

dimanche 31 juillet 2011

Le siècle de la troisième révolution industrielle

(Article destiné au numéro 52 de la revue Questions internationales publiée par la Documentation française, novembre 2011).

Version pdf

Lorsqu'une société passe d'un système technique à l'autre (Gille, [1]) son rapport à la nature change : elle découvre de nouvelles possibilités, elle rencontre aussi de nouveaux dangers.

Des phénomènes d'émergence s'enchaînent en cascade : au plan technique dans les équipements, au plan économique dans les marchés et les organisations, au plan sociologique dans les rapports entre classes sociales et entre personnes.

La modification des conditions de l'action contraint les institutions à faire parmi leurs traditions, habitudes et valeurs un tri qui ne va pas sans délai ni conflits : les émergences se chevauchent alors dans un désordre qui confine parfois à l'absurde.

Placer dans une perspective historique l'informatisation et ce que l'on appelle « le numérique » aide à interpréter ce qui se passe aujourd'hui (Volle, [2]).

mercredi 20 juillet 2011

Alex Türk, La vie privée en péril, Odile Jacob, 2011

Avec ce livre le président de la CNIL émet un signal d'alarme utile et présente une étude détaillée des techniques et risques de la biométrie, de la vidéosurveillance, de la géolocalisation etc., ainsi que des aspects juridiques de la gouvernance de l'Internet. C'est un apport fondamental pour la réflexion sur les aspects stratégiques et (géo)politiques de l'informatisation.

La CNIL, c'est la « commission nationale de l'informatique et des libertés », autorité administrative indépendante qui a pour mission de faire en sorte que l'informatisation ne porte atteinte « ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » (loi du 6 août 2004).

Cette mission est nécessaire car l'informatisation apporte autant de risques nouveaux que de possibilités nouvelles : comme tout outil l'informatique peut indifféremment servir la barbarie ou la civilisation, le meurtre ou le bien-être.

Or la technique évolue plus vite que ne peuvent le faire nos savoir-faire, notre savoir-vivre, le droit, la compétence de l'appareil judiciaire, et ses effets peuvent être irréversibles.

Nous risquons d'aller vers une société du traçage généralisé, utilisant conjointement des techniques dont les applications se développent rapidement : « les caméras nous filment, les lecteurs biométriques nous identifient et nous reconnaissent, les dispositifs de géolocalisation nous repèrent et nous suivent, les applications Internet nous profilent, analysent nos goûts et enregistrent nos habitudes, les micros nous écoutent, l'arsenal des fichiers nationaux, européens et internationaux se déploie, le nuage numérique enveloppe la planète, l'informatique contextuelle comblera peu à peu les espaces disponibles entre nos pensées respectives, les nanotechnologies rendront les systèmes invisibles et donc innombrables et irréversibles » (p. 261).

mercredi 6 juillet 2011

Bulletin municipal de Sénéchas, juin 2011

Le nouveau Bulletin municipal de Sénéchas vient de sortir (pour en savoir plus sur Sénéchas, cliquer ici).

Vous pouvez le télécharger au format pdf (2,6 Mo) en cliquant sur le lien suivant : Bulletin municipal de Sénéchas, juin 2011.

Vous verrez que la vie culturelle est très active dans cette commune qui ne compte que 219 habitants - auxquels s'ajoutent il est vrai un grand nombre de vacanciers durant l'été.

Si notre commune éveille votre curiosité, voici des liens pour consulter les numéros précédents du Bulletin :

- Bulletin municipal de Sénéchas, juin 2010 ;

- Bulletin municipal de Sénéchas, mai 2009 ;

- Bulletin municipal de Sénéchas, août 2008.

dimanche 26 juin 2011

Le théorème du complot

Les « complotistes », c'est-à-dire ceux qui adhèrent à la « théorie du complot », n'ont pas bonne presse. Ils exagèrent, dit-on : ils voient des complots partout, ils expliquent tout par des complots.

Il est vrai que leurs « théories » sont parfois loufoques : comment prendre au sérieux, par exemple, ceux qui disent que l'attentat du 11 septembre 2001 a été organisé par le gouvernement américain qui voulait un prétexte pour attaquer l'Irak ?

Il ne suffit cependant pas de hausser dédaigneusement les épaules, comme le font Philippe Val ou Edwy Plenel, lorsque quelqu'un évoque la possibilité d'un complot. Pour en rester au 11 septembre et à ses suites, l'administration Bush n'a-t-elle pas comploté pour faire croire à la présence d'armes de destruction massive en Irak ?

Tout n'est pas complot, tout ne s'explique pas par des complots, mais il ne faut pas en déduire que les complots n'existent pas. Ils existent bel et bien, en voici la démonstration en quelques étapes :

Manipulation gouvernementale

Voici les déclarations successives de Claude Guéant :

A - « Les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés » (Europe 1, 22 mai 2011)  ;

B - « C’est vrai qu’il y a deux tiers des enfants d’immigrés qui se trouvent sortir de l’appareil scolaire sans diplôme » (Assemblée nationale, 25 mai 2011)  ;

C – Dans une lettre à Libération (27 mai 2011), Guéant revient à sa première affirmation : « deux tiers des enfants qui sortent de l’école sans qualification sont des enfants de familles immigrées ».

Les deux premières déclarations ne sont évidemment pas équivalentes, mais on doit charitablement supposer qu'à l'assemblée nationale la langue du ministre a fourché.

Guéant dit s'appuyer sur une étude de l'INSEE. L'adresse de cette étude est http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/immfra05f.PDF. Regardons ce qu'elle dit.

vendredi 3 juin 2011

Guerre dans le cyberespace

Le compas intellectuel d'un stratège est large : il embrasse les continents et le long terme. La conversation avec l'un d'eux est donc des plus intéressantes.

Je parlais ainsi ces derniers jours avec François Géré et lui disais mon admiration pour les travaux de Vincent Desportes et de Rupert Smith, ces théoriciens de la guerre dissymétrique entre une armée classique et des insurgés qui trouvent soutien et refuge dans une population civile.

« Tout ça, me dit-il, c'est du passé. Le conflit dissymétrique n'est plus le modèle des prochaines décennies. Nous allons retrouver la situation stratégique classique, celle d'un affrontement entre des empires qui souhaitent sécuriser leurs approvisionnements et leurs débouchés : États-Unis, Chine, Inde, Europe, Russie etc. Par contre le champ de bataille, lui, sera nouveau : ce sera le cyberespace ».

Ce propos a été confirmé quelques jours après par David Sanger et Elisabeth Bumiller, « Pentagon to Consider Cyberattacks Acts of War », The New York Times, 31 mai 2011.

La Chine partage elle aussi ce point de vue (voir Francis Tan, « China makes cyber-warfare a military priority: the Internet is the next battleground », TNW Asia, 3 juin 2011) : elle a formé une « Blue Army » de spécialistes, et lorsqu'une attaque de grande ampleur se produit quelque part dans le monde elle est la première soupçonnée. Il lui est aussi arrivé, semble-t-il, de se faire piller le trésor que ses espions accumulent (voir « Le trésor de guerre de Wikileaks ? Une gorge profonde chinoise », Bug Brother, 2 juin 2010).

mardi 31 mai 2011

e-G8 = 0

Lors de la préparation du rapport de l'institut Montaigne sur l'informatisation nous sommes allés voir une dame ministre. Dès notre première phrase elle nous a coupé la parole en s'exclamant « informatisation, c'est ringard ! ». Elle n'a pas pensé à demander ce que nous mettions au juste sous ce terme.

J'ai compris la leçon : dans notre rapport, « informatisation » a été remplacé par « numérique » car pour se faire comprendre il faut parler la langue des indigènes. Pourtant elle présente des inconvénients.

Pourquoi cette dame a-t-elle dit qu'« informatisation » est ringard ? Parce que le mot « informatique » est entouré de connotations négatives. Les informaticiens sont des techniciens ennuyeux dont tout le monde rêve de se débarrasser, tandis que le numérique, l'Internet, c'est jeune, c'est super.

mardi 24 mai 2011

"Le défi numérique" : un rapport de l'institut Montaigne

J'ai eu l'honneur de présider le groupe de travail de l'institut Montaigne sur l'informatisation.

Son rapport, intitulé Le défi numérique, est publié sur le Web (cliquer sur le lien pour télécharger le fichier pdf).

On trouvera une courte présentation du rapport sur la page http://www.institutmontaigne.org/le-defi-numerique-comment-renforcer-la-competitivite-de-la-france-3392.html.

Voir aussi la vidéo de l'entretien avec Laurent Faibis sur Xerfi Canal :

lundi 23 mai 2011

D'un monde à l'autre (série)

L'économie informatisée diffère, sur des points essentiels, de l'économie mécanisée qui l'a précédée : aux alentours de 1975, nous sommes ainsi passés d'un monde à l'autre.

Cette contribution aux réflexions du groupe de travail « Modernité Économie » de Laser comporte les trois textes suivants :

Le bloc historique

Le nouveau monde

Vers la maturité

Il s'agit de comprendre ce qui a changé et de voir pourquoi la théorie économique peine autant à en rendre compte. 

Le bloc historique

(Ce texte appartient à la série D'un monde à l'autre)

Le monde actuel diffère qualitativement du « bloc historique », expression qu'utilise Yann Moulier-Boutang pour désigner le monde dans lequel nous avons vécu dans les quelques dizaines d'années qui précédèrent 1975 (et qui n'a rien à voir avec le bloco historico de Gramsci).

Dans ce monde-là, le PIB et l'indice de la production industrielle croissaient de 5 % par an et le secteur secondaire employait une part croissante de la population active (le maximum a été atteint en 1975). On dénombrait de l'ordre de 700 000 chômeurs.


Sans le savoir, nous vivions alors les « trente glorieuses » qui allaient bientôt s'achever. La France avait dès le début des années 1950 achevé la reconstruction d'une économie détruite durant la deuxième guerre mondiale et dans la foulée la croissance s'était poursuivie, aiguillonnée par l'exemple américain.

La population avait cependant été marquée par le souvenir de la crise des années 1930 puis de la pénurie des années 1940 : les Français éprouvaient le besoin de s'équiper, de consommer, voire de se gaver pour oublier ces souvenirs pénibles.

Le nouveau monde

(Ce texte appartient à la série D'un monde à l'autre)

L'économie passe aux alentours de 1975, pour reprendre l'expression de Bertrand Gille [3], d'un « système technique » à l'autre.

Les techniques fondamentales du système productif avaient été jusqu'alors celles de la mécanique, de la chimie et de l'énergie. À partir de 1975 elles sont détrônées par la synergie de la micro-électronique, du logiciel et des réseaux de télécommunication.

Ce changement n'est cependant pas plus absolu que ne l'avait été, aux alentours de 1775, le passage d'une économie agricole à l'économie mécanisée que l'on a qualifiée d'industrielle : l'industrialisation n'a pas supprimé l'agriculture, elle l'a industrialisée. De même l'informatisation ne supprime pas l'industrie mécanisée : elle l'informatise.

Notons au passage que le mot « industrie » a pris vers 1800 un sens étroit. Étymologiquement, il désigne l'ingéniosité dans l'action, la mise en œuvre efficace d'un savoir-faire : ce sens s'est conservé dans l'adjectif « industrieux » comme dans l'expression « chevalier d'industrie » qui désigne un escroc trop habile.

Aux alentours de 1800 la production mécanisée et chimisée était de loin la plus efficace : on lui a donc appliqué le mot « industrie » qu'elle a accaparé, et qui s'est trouvé ainsi bientôt connoté par des images d'engrenages, de cheminées d'usine etc. Si l'on revient cependant à son étymologie, on peut dire que l'informatisation est la forme contemporaine de l'industrialisation et que 1975 est la date de la troisième révolution industrielle.

Vers la maturité

(Ce texte appartient à la série D'un monde à l'autre)

Napoléon avait mesuré l'avantage que l'industrialisation pouvait procurer aux nations. Dans le traîneau qui le ramène de Russie en décembre 1812 il se confie à Caulaincourt : « On a beau faire, dit-il, c’est moi qui ai créé l’industrie en France. Le but du système continental est de créer en France et en Allemagne une industrie qui l’affranchisse de celle de l’Angleterre [10] ».

L'industrialisation avait démarré vers 1775, l'informatisation a débuté vers 1975 : pouvons-nous espérer que nos politiques auront en 2012 compris et sa nature, et son importance ?

On doit craindre plutôt qu'ils n'aient pas, sur ce point, un jugement aussi pénétrant que celui de l'empereur. Leurs initiatives restent en effet terriblement limitées en regard de l'ampleur du phénomène : tandis que les grands systèmes de la nation (enseignement, santé, justice etc.) s'informatisent dans le désordre et comme à reculons, le législateur se focalise sur les droits d'auteur des produits culturels.

Les économistes sont pour une part responsables de cette inconscience. Adam Smith avait dès 1776 publié, avec la Richesse des Nations, le modèle qui permettait de penser l'industrialisation. Mais ce modèle, ayant inauguré la théorie économique, a comme emmailloté celle-ci dans l'alliage de la main d’œuvre et de la machine.

Pour penser l'informatisation il faudra retrouver l'énergie créatrice qui en son temps a permis à Smith de modéliser l'industrialisation, puis appliquer cette énergie à l'alliage du cerveau d’œuvre et de l'automate que fait émerger l'informatisation. Ce travail n'est pas impossible mais il sera difficile car il suppose de rebâtir l'imposant édifice théorique, mathématique, statistique, comptable et institutionnel qui a été construit pour faire mûrir les germes que contient l’œuvre de Smith.

dimanche 22 mai 2011

Deux topiques

Francis Jacq m'a conseillé la lecture des Topiques d'Aristote (les « topiques » sont comme des boîtes dont certaines contiennent, toute faite, une façon de se représenter le monde). Cela m'a permis d'en repérer deux que j'ai souvent vu batailler : la descriptive et l'explicative.

La topique descriptive

Les adeptes de la représentation descriptive voient le monde comme une liste de choses posées les unes à côté des autres. Cette liste peut être éventuellement hiérarchisée en niveaux, des choses s'emboîtant (Word et Excel s'emboîtent dans le logiciel ; le lit, la table de nuit et l'armoire s'emboîtent dans la chambre etc.) : la description est souvent ensembliste et classificatoire comme en statistique.

À chaque chose elle associe en outre des propriétés et des poignées qui permettent de s'en servir : « voici comment il convient d'utiliser Word », « voici comment on doit conduire une voiture ».

L'approche descriptive est donc à la fois érudite et pratique : son détail satisfait les spécialistes (ingénieurs, médecins, juristes) qui se reconnaissent par la maîtrise ésotérique d'un vocabulaire spécial. Lorsque deux ingénieurs font connaissance, leur conversation commence ainsi par quelques phrases qui, riches en mots et acronymes techniques, permettent à chacun de savoir « à qui il a affaire ».

La représentation descriptive est, comme de juste, photographique : elle fige l'image d'un instant. Il lui arrive aussi d'être cinématographique, succession de photographies : les informaticiens aiment à se remémorer l'époque héroïque des cartes perforées et celle du PDP-11.

lundi 16 mai 2011

A propos de l'Internet des objets

Philippe Gautier m'a aimablement demandé une postface pour L'Internet des objets est-il soluble dans les Systèmes d'information ?, qu'il publie avec Laurent Gonzalez chez l'AFNOR. Je la reproduis ci-dessous.

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Pour anticiper les conséquences positives ou négatives d'une technique nouvelle il est utile de s'en remémorer d'autres, autrefois nouvelles, auxquelles nous sommes habitués.

Le pilote automatique d'un avion reçoit des signaux et émet des commandes qui mettent l'avion dans l'attitude où il consomme le moins de carburant. La maintenir serait pour un pilote humain aussi difficile que de tenir une assiette en équilibre sur la pointe d'une épingle. Peut-on dire que ce pilote automatique « décide » ? Non, mais il fait des chose qu'un être humain ne saurait pas faire. Est-il « intelligent » au sens de « doté de la faculté de comprendre » ? Non, mais il complète efficacement le cerveau du pilote humain.

Une centrale nucléaire est un gros « objet » doté de programmes qui réagissent automatiquement en cas d'incident. La probabilité d'un incident auquel le programme ne pourra pas répondre est d'un par période de trois ans, et il faut qu'alors un superviseur humain puisse prendre la main. Mais si un être humain reste sans rien faire pendant trois ans, sa capacité d'action s'annule. On a dû sous-automatiser délibérément ces centrales pour que le superviseur reste actif et vigilant.

On dit parfois à propos du Web que « trop d'information tue l'information ». C'était déjà le cas avec les livres car depuis l'invention de l'imprimerie personne ne peut avoir tout lu. Le livre n'est-il pas d'ailleurs un objet communicant ? Il a un identifiant (ISBN), des attributs (titre, nom de l'éditeur, date, nombre de pages), une forme (typographie), une interface (page) et un contenu « virtuel », le texte. Sa lecture a des effets fastes ou néfastes sur le lecteur dont elle peut aiguiser ou égarer le discernement.

lundi 18 avril 2011

Sylvestre Frézal, Modèles et mesures, Ellipses, 2010

Ce petit livre, d'une clarté lumineuse, explore la dimension intellectuelle et pratique de la mesure (notamment en statistique et en comptabilité) et de la modélisation (notamment en économie mais plus généralement dans la pensée).

Il s'appuie sur une riche expérience professionnelle et, on le sent, sur une vaste culture : cela lui permet de conjuguer précision et sobriété. Beaucoup de ses pages sont admirables, il ne serait pas possible de mieux écrire.

J'ai pourtant senti une lacune. Venant d'un auteur qui maîtrise si bien son sujet, il ne peut s'agir que d'une lacune de fond, d'une de ces lacunes qui se creusent dans l'intellect et s'y nichent pour devenir une évidence partagée, collective. Je crois utile de m'en expliquer.

Frézal dit que le choix de ce que l'on modélise, ou que l'on mesure, vise à « mieux appréhender le réel ». « Modéliser, dit-il p. 72, c'est l'art de perdre à bon escient de l'information qualitative, de retenir l'essentiel en fonction de ce que l'on souhaite appréhender. Mesurer, c'est l'art de perdre de manière consciente et intelligente de l'information quantitative, en fonction de ce qui nous intéresse, avec la précision pertinente ». Et il ajoute, p. 92, « faire un choix éclairé, ce n'est pas faire un choix objectif et intelligent, puisque de tels choix n'existent pas dans l'absolu, mais c'est faire un choix conscient de sa subjectivité ».

Tout cela est fort bien dit mais je m'interroge : quel est le critère qui permettra, quand on fait un choix qui en effet ne peut être que subjectif, de savoir si ce choix est pertinent ? Ou pour poser la question autrement, que signifie « appréhender le réel » ? Est-ce accéder à son essence, c'est-à-dire à une vérité qui peut échapper à l'évidence mais qui lui est essentielle ? Ou est-ce autre chose ?

mercredi 13 avril 2011

Éthique et informatisation

(Article destiné aux Cahiers de la documentation, revue de l'Association belge de documentation).

Résumé

L'informatisation a donné naissance à un alliage entre le cerveau humain et l'ordinateur et fait émerger un continent, le « cyberespace », où se manifestent des possibilités et des risques nouveaux. Il en est résulté une transformation des techniques de production, du contenu des emplois, de la sociologie et de l'organisation de l'entreprise. Il en résulte l'exigence d'un « commerce de la considération » dans les rapports des entreprises avec leurs agents opérationnels, leurs partenaires, leurs fournisseurs et leurs clients. Rares sont cependant les entreprises qui ont pris la mesure du phénomène.

Cette évolution, que l'on peut juger positive, s'accompagne par ailleurs de dangers nouveaux : la concurrence est très violente, la fraude et la criminalité tirent parti de l'informatique avec la complicité de quelques « pays voyous » et banques « fantômes ».

L'exigence éthique se manifeste donc en plein, qu'il s'agisse du corps des règles et des lois ou des comportements individuels.

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Étapes de l'informatisation

Pour poser correctement les questions d'éthique que soulève l'informatisation, il faut d'abord avoir une conscience exacte de la nature du phénomène et de sa situation historique.

lundi 11 avril 2011

Informatisation et compétitivité

Je reproduis ci-dessous le texte de mon exposé le 4 avril 2011 à la fondation Res Publica, think tank qu'anime Jean-Pierre Chevènement.

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Le monde a changé, mais le savons-nous ?

Dans beaucoup d'entreprises, l'informatique est considérée comme un « centre de coûts », comme une dépense qu'il convient de comprimer. Pour beaucoup de dirigeants, il s'agit d'une question technique qu'ils jugent indigne de retenir l'attention d'un stratège.

Pourtant l'informatisation a changé le monde, et donc notre façon d'agir et de penser.

Elle a changé le monde parce que les réseaux, l'Internet en particulier, ont supprimé les effets de la distance géographique : la relation entre mon ordinateur et un serveur quelconque est la même, qu'il soit situé dans le même immeuble ou à l'autre bout du monde. Étant également accessible de partout, le « cyberespace » est ubiquitaire. L'informatique ayant par ailleurs permis d'automatiser la logistique des containers, le coût du transport des biens non pondéreux est devenu négligeable. Tout cela concourt, pour le meilleur et pour le pire, à une mondialisation de l'économie qui a complétement transformé les conditions de la concurrence comme de l'équilibre économique.

Nous reviendrons sur d'autres aspects du phénomène : il est utile, dans cette introduction, de considérer une analogie éclairante.

À la charnière des XVIIIe et XIXe siècle la richesse relative des nations a été bouleversée par l'industrialisation – ou, pour être plus précis, par la mécanisation et la chimisation du système productif d'abord en Grande-Bretagne, puis en France et en Allemagne.

mercredi 30 mars 2011

Entrepreneurs et prédateurs : conflit frontal

Voici la vidéo et le texte de l'exposé que j'ai fait pour Xerfi Canal le 6 avril 2011.


La majorité des économistes, qu'ils soutiennent ou contestent le capitalisme, disent que l'entreprise a pour but de « maximiser le profit ». On trouve pourtant une autre conception dans la littérature économique : c'est celle de Schumpeter. Selon cette ligne de pensée, qui est très minoritaire dans l'opinion, l'entreprise a pour fonction d'« innover et prendre des risques ». Mais maximiser le profit et prendre le risque d'innover, est-ce la même chose ?

Dire que l'entreprise a pour but de « maximiser le profit », c'est comme si l'on disait que le but du politique est de « gagner les élections ». Cela n'évoque aucunement les choix que l'entrepreneur doit faire en termes d'organisation, de technique, de produits, de commerce etc. et qui forment la trame de son emploi du temps.

Il doit en effet arbitrer en permanence entre les divers moyens qui contribuent à la pérennité de l'entreprise, et le profit n'est que l'un d'entre eux.

Réduire l'entreprise à « maximiser le profit », c'est d'ailleurs aller au devant de l'opinion des gens simples qui pensent, en France, que le seul souci du « patron » est de « produire de l'argent » pour s'enrichir toujours plus. Ces personnes ne font pas la différence entre l'entrepreneur et le prédateur, « celui qui vit de proies » comme dit le Littré.

Une image diffuse

samedi 12 mars 2011

De quoi parle-t-on quand on dit "croissance" ?

Le texte ci-dessous est une contribution au groupe de travail "Économie" de Laser.

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Si on aime le quantitatif, on peut creuser la théorie des indices (voir "À propos des indices") pour comprendre ce que signifie "croissance". Mais on peut aussi, de façon légitime, en rester au qualitatif : la croissance, c'est ce qui accroît la satisfaction du consommateur.

Citons en effet Adam Smith : "La consommation est le seul but de la production et les intérêts du producteur ne doivent être respectés que dans la mesure où c'est nécessaire pour promouvoir ceux du consommateur. Cette maxime est tellement évidente qu'il serait absurde de tenter de la démontrer" (Richesse des Nations, Livre IV, chapitre 8).

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On utilise le PIB, indice du volume de la somme des valeurs ajoutées brutes des entreprises, comme indicateur de croissance. Mais tout indicateur peut avoir des effets pervers, et celui-ci a malheureusement orienté la politique économique vers un productivisme qui n'a rien à voir, aujourd'hui, avec la satisfaction du consommateur.

Cette satisfaction dépend certes de la consommation (encore faut-il savoir la définir), mais d'abord et surtout de la "fonction d'utilité" de la personne et cette fonction se forme lors de l'éducation. Deux exemples :
1) celui qui aime à lire jouira autant qu'il le veut d'un plaisir peu coûteux : acquérir l'amour de la lecture accroît donc la satisfaction à revenu égal ;
2) former le discernement permet de mieux choisir les produits que l'on consomme, donc là aussi d'accroître la satisfaction à revenu égal.
Un imbécile ne pourra jamais se sentir satisfait : le ressort de la croissance réside ainsi autant ou plus dans l'éducation de la personne, dans son accession à la maturité, que dans le système productif.

mercredi 9 mars 2011

Chronopost ne sait pas lire une carte de France

Le hameau cévenol où je réside a une quinzaine d'habitants.

Il est tout petit, certes, mais son nom figure sur la carte Michelin - et si on le cherche sur l'Internet, on le trouve et on peut trouver aussi l'itinéraire qui permet de l'atteindre. Mon adresse postale, complète et suffisante, est composée du nom de ce hameau suivi du code postal et du nom de la commune dont le hameau dépend.

Mais elle ne suffit pas à Chronopost, filiale à 100 % de la Poste qui apparemment ne sait pas lire une carte et qui, en raison sans doute de la mystérieuse complexité des relations à l'intérieur d'un groupe, ne peut ni se renseigner auprès du bureau de poste du coin, ni lui confier un colis qu'elle ne sait comment acheminer jusqu'à son destinataire.

vendredi 4 mars 2011

La France est-elle réellement endettée ?

English version

Pour savoir si la France est ou non endettée, et à quel niveau, ce n'est pas le rapport « dette de l'Etat / PIB » qu'il faut regarder – ce rapport est une chimère, voir « Un indicateur fallacieux » – mais la dette de la France tous acteurs réunis et donc en additionnant la dette des entreprises, des ménages et de l’État envers des acteurs situés hors de nos frontières.

La Banque de France publie chaque année un « compte des transactions courantes » qui décrit les échanges de biens, de services, de revenus et de transferts courants avec l'extérieur. Le solde de ce compte représente ce que la France a emprunté (ou prêté) chaque année. Son examen va nous montrer que la France n'est pas endettée, du moins pour l'instant...

samedi 19 février 2011

À propos de la gouvernance de l'Internet

La gouvernance de l'Internet occasionne beaucoup de discussions qui semblent un peu trop marquées par un formalisme bureaucratique. Je tente ici d'aller directement au cœur de la question.

Qu'est devenu l'Internet en quelques années ? Une ressource documentaire, avec le Web ; un outil de communication interpersonnelle, avec la messagerie et les réseaux sociaux ; une place de marché enfin, équipée pour réaliser et enregistrer des transactions.

C'est donc un lieu virtuel, situé hors de l'espace géographique, universellement accessible, où des personnes se rencontrent et échangent : un gigantesque marché, qui couvre la planète entière.

Or aucun marché ne peut fonctionner sans règles du jeu : il faut que la fidélité des contrats soit garantie, que la sécurité des personnes et des transactions soit assurée.

L'Internet peut servir de moyen pour toute la panoplie des délits classiques (atteintes aux personnes et aux biens, escroquerie et abus de confiance, pédophilie etc.), qu'il complète par quelques délits proprement informatiques que l'on qualifie de cybercriminalité (vol d'identité numérique, intrusion et piratage ou destruction de données etc.). Enfin, il apporte à certains délits une facilité inédite : fraude fiscale, blanchiment de l'argent illicite etc.

Il importe donc bien que des règles soient instaurées et que ceux qui les enfreignent puissent être sanctionnés. L'Internet étant par nature mondial, il faut que ces règles soient elles-mêmes définies et appliquées au niveau mondial.

jeudi 17 février 2011

Crise de transition du système technique

Laurent Faibis m'a convié à enregistrer sur Xerfi Canal un exposé sur la « crise de transition du système technique » en considérant son incidence sur les relations entre pays « avancés » et pays « émergents ».

Voici la vidéo et le texte :


Le monde a changé dans le courant des années 70. C'est le moment où, dans les pays avancés, les entreprises ont sérieusement commencé à s'informatiser – tandis que la Chine sortait de la longue crise qui a caractérisé le règne de Mao Ze Dong...

Mais restons un instant sur l'informatisation. Elle a fait émerger ce que Bertrand Gille a nommé le « système technique contemporain », STC, qui s'appuie sur la synergie entre la microélectronique, le logiciel et les réseaux.

Le STC a fait suite au « système technique moderne » qui s'appuyait, lui, sur la synergie entre la mécanique, la chimie et l'électricité, et qui lui même avait fait suite au « système technique classique » dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Années 1970 : le monde change

samedi 12 février 2011

Le langage des traîtres

Bernard Kouchner a dit paraît-il « l'anglais est l'avenir du français ». Cette phrase est stupide - comment une langue pourrait-elle être l'avenir d'une autre langue ? - mais elle révèle une tournure d'esprit et illustre une mode, la mode de la trahison.

Comment qualifier en effet l'attitude de ceux qui jettent aux orties notre langue maternelle et avec elle une littérature, une histoire, notre République enfin ?

Dans le bureau de poste de Génolhac, chef-lieu de canton dans les Cévennes, on voit sur une affiche la publicité pour « La Poste Asset Management ». Cela veut évidemment dire « La Poste Gestion d'Actifs ». Faut-il donc que l'on s'adresse à nous en anglais jusqu'au fond des Cévennes ?

Pour beaucoup d'habitants de notre canton « Asset Management » évoquera sans doute le ménage que l'on fait quand on nettoie des assiettes - image étymologiquement exacte que des connotations entoureront d'éviers et de lessives et qui est loin de celle que la Poste cherche à éveiller. Comme l'exactitude étymologique est pour la pensée un soutien plus ferme que la mode, je donnerai raison à ces personnes contre la Poste...

jeudi 10 février 2011

On peut me suivre sur Twitter

Je publie désormais sur Twitter un condensé de mes activités, lectures, conversations, publications etc. avec le cas échéant des liens qui peuvent être utiles.

Les lecteurs de volle.com sont invités à me suivre sur Twitter.

Il faut bien sûr avoir ouvert un compte, puis suivre la démarche suivante :
- cliquer sur l'onglet "Who To Follow",
- taper "michel volle" dans le cartouche "Find users by name" puis sur le bouton "Search".
Vous verrez apparaître ma photo suivie de quelques lignes, il suffira de cliquer sur le bouton "Follow".

Mille excuses pour le franglais ! Et bienvenue...

mercredi 9 février 2011

Josh Fox, Gasland

Les Cévennes sont en émoi : il est question d'exploiter le gaz de schiste que leur sous-sol contient. Les associations se réveillent, les militants se mobilisent. Lors des réunions on projette Gasland et les témoignages que ce film présente inquiètent la population. Nous aurons peut-être bientôt des manifestations avec banderoles, mégaphones et slogans, voire même des blocages de route.

*     *

J'ai donc regardé ce film. Il est construit selon un schéma américain classique : un sympathique joueur de banjo, installé en pleine forêt dans une maison en bois que ses parents, hippies des années 70, lui ont laissée en héritage, reçoit par courrier l'offre d'une entreprise qui propose de louer ses 39 hectares pour 100 000 $ afin d'en exploiter le sous-sol.

lundi 7 février 2011

Les effets d'un modèle erroné

Beaucoup d'entreprises, notamment artisanales (je pense aux pâtissiers, boulangers etc.), calculent le coût de production de leurs produits en multipliant le coût des matières premières par un coefficient, lui-même évalué à partir de la comptabilité générale en divisant le coût total de production (frais de personnel, amortissements, matières premières etc.) par le coût des matières premières.

Cette évaluation est facile à faire mais elle a des effets pervers : elle pousse l'entreprise à « faire des économies » sur les matières premières. Ainsi les croissants au beurre seront parfois de ces croissants à la margarine qui laissent une sensation désagréable sur le palais...

jeudi 3 février 2011

Sociologie du paysage

Je regarde le paysage par la fenêtre du TGV qui file entre Paris et Nîmes. Une chose me frappe : ce paysage, superposant sans les fusionner trois logiques différentes, parle selon trois langages.

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D'abord le langage des villages, forêts, champs et prairies. Les maisons, blotties les unes contre les autres, se serrent autour du clocher à moins qu'elles ne soient orgueilleusement isolées, des étables et des granges groupées autour de l'habitation. Les champs, les forêts, sont ingénieusement découpés : en France, l'agriculteur a été un jardinier. Quelques maisons récentes, souvent juchées sur un terrassement malencontreux, se surajoutent aux villages sans altérer sensiblement leur contour.

Ce langage est celui d'une France rurale, locale, découpée en petites unités incrustées dans un sol qu'elles cultivent et aménagent – naguère à force de bras, aujourd'hui avec tracteurs et engrais. Certes la part de cette France est devenue minoritaire dans notre population, mais sa part dans le paysage reste importante.

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Puis le langage des réseaux : pylônes, lignes électriques et transformateurs ; routes, autoroutes et échangeurs ; voies ferrées, gares, trains et wagons.

lundi 31 janvier 2011

Le DSI face à son DG

Article publié dans Best Practices Systèmes d'Information n° 60, 31 janvier 2011, propos recueillis par Philippe Rosé.

BPSI Pourquoi existe-t-il un si grand fossé entre les DSI et les directions générales ?

Michel Volle Dans chaque entreprise, quelqu’un oriente l’action, définit les priorités et arbitre entre les projets : c’est le plus souvent (mais pas toujours) celui qui porte le titre de directeur général. Il remplit la fonction de stratège, du grec strategos qui désigne le général à la tête d’une armée. Son rôle est de définir les priorités, d’orienter l’entreprise. C’est une fonction vitale pour toute institution : une organisation sans stratège va inévitablement dans le mur, tout comme une automobile sans conducteur ! Il y a dans toute entreprise quelqu’un qui joue ce rôle et les DSI le connaissent. Le problème actuel, c’est que l’orientation et la stratégie d’une entreprise dépendent fondamentalement de son système d’information et que le stratège ne s’en rend pas toujours bien compte. D’où l’opinion si répandue parmi les DG selon laquelle l’informatique n’est qu’un « centre de coût ». Pour le comprendre, rappelons que la place du système d’information dans l’entreprise s’analyse à trois niveaux.

Cours sur les systèmes d'information

Pour accéder à la version écrite du cours sur les systèmes d'information donné aux ingénieurs-élèves du corps des Mines, cliquer sur : http://www.volle.com/travaux/2011mines.pdf (506 Ko). 

Le cours oral a été donné les 17 et 24 janvier. Il n'a pu couvrir qu'une partie du sujet.

mercredi 26 janvier 2011

Maîtriser l'informatisation

Laurent Faibis a dirigé l'édition de La France et ses multinationales, Xerfi 2011. La contribution ci-dessous à cet ouvrage met en ordre des réflexions qui sont déjà familières aux lecteurs de volle.com. Je prépare un ouvrage qui posera solidement cette synthèse sur ses fondations théorique et statistique.

Il s'agit d'éclairer le phénomène de l'informatisation, de montrer son effet sur l'économie, les entreprises et la vie en société ainsi que ses conséquences géopolitiques.

Barack Obama lui-même dit que c'est l'informatisation qui a changé le monde, et non la finance ni la politique. Mais comme son propos manque de précision les conséquences pratiques qu'il convient d'en tirer n'apparaissent pas clairement (voir « L'ordre économique mondial a changé, selon Obama », Challenges, 27 janvier 2011). Or c'est de précision que nous avons besoin pour agir de façon judicieuse dans un monde que l'informatisation a bouleversé.

Voici la vidéo de ma présentation (dix minutes) :


Pour voir toutes les vidéos relatives à cet ouvrage, cliquer sur La France et ses multinationales - vidéos.

Maîtriser l'informatisation pour renforcer la compétitivité de la France


La France, comme les autres grands pays avancés, subit une crise provoquée par la transformation de son système productif. L’informatisation fait en effet émerger depuis le milieu des années 1970 un « système technique contemporain » (STC) fondé sur la synergie de la microélectronique, du logiciel et du réseau. Les pays avancés, qui s'appuyaient naguère sur la synergie entre la mécanique, la chimie et l'énergie, sont en cours de transition vers ce nouveau système technique.

Le politique et l'informatisation

Un de mes amis, expert en systèmes d'information, est en même temps l'un des conseillers de quelqu'un qui, si cela se trouve, pourrait accéder à la « magistrature suprême » en 2012.

« Il faut que tu lui parles de l'informatisation, de l'informatique et des réseaux, c'est important  ! », lui dis-je. Mais il répond : « Non, c'est une bête politique, il n'a pas à être un expert ».

C'est justement parce qu'il s'agit d'une bête politique et non d'un expert qu'il faut lui parler de l'informatisation ! Napoléon, qui n'avait pas que des défauts, ne s'était-il pas donné comme priorité l'industrialisation de l'Europe continentale ? Or l'industrialisation d'aujourd'hui, c'est l'informatisation.

*     *

Quel est d'ailleurs le rôle du politique ? Contrairement à l'expert, qui focalise son attention sur une spécialité, le politique doit (1) pratiquer l'attention périscopique qui lui permettra de percevoir la « propension des choses » à l’œuvre dans la situation historique, (2) émettre par la parole, comme avec une antenne, les images et symboles qui, permettant à la Cité de partager une conscience de la situation, fondent l'action proprement politique (voir « Expertise et décision »).

vendredi 7 janvier 2011

Justice, science et vérités

Le système judiciaire et la science n'ont pas la même conception de la vérité.

Pour le système judiciaire celui qui a commis un crime ou un délit est présumé coupable tant qu'un jugement n'a pas été prononcé, et même si le crime ou le délit ont été commis dans des conditions telles qu'il n'existe aucun doute sur la matérialité du fait. Une fois le jugement prononcé, par contre, cette personne sera déclarée coupable même si la matérialité du fait n'a aucunement été prouvée.

Réponse à des commentaires : j'ai écrit « présumé coupable » parce que cela correspond à la réalité. La loi dit que celui qui n'a pas été condamné est « présumé innocent », mais elle n'est pas plus respectée que le secret de l'instruction : les médias parlent d'« assassin présumé », de « violeur présumé » etc. et il est notoire que le juge d'instruction considère le mis en examen comme un coupable. Ici, comme ailleurs, le politiquement correct entraîne un surcroît d'hypocrisie et une dégradation du vocabulaire (« mis en examen » pour « inculpé » et « présumé » utilisé à temps et contretemps).

Ainsi, tandis que la démarche expérimentale plie la théorie scientifique sous le joug des faits, la démarche judiciaire s'affranchit de leur constat avant comme après un jugement. Certes il arrive qu'un jugement s'appuie sur des faits prouvés et alors c'est tant mieux ; mais il arrive aussi qu'il se contente de « preuves » fallacieuses (le tribunal prend par exemple les aveux pour argent comptant alors qu'ils sont notoirement fragiles), ou qu'il tranche selon la seule « conviction intime » du juge ou des jurés et alors que rien n'a été prouvé.

Le sacrifice humain

Pour briser un être humain, il n'est rien de tel que de lui inculquer le sentiment de sa propre inutilité : la dignité du travailleur réside en effet tout entière dans l'utilité de son travail, la rémunération qui constate cette utilité n'intervenant qu'en second.

C'est particulièrement vrai en France où, comme le dit Philippe d'Iribarne, le sens de l'honneur professionnel est élevé (c'est une des conséquences de notre élitisme pour tous républicain).

Que peuvent donc penser les agents de la fonction publique et des agences de l’État lorsqu'on leur répète que la priorité des priorité, c'est de réduire leur nombre ?

Le gouvernement ne leur dit rien sur la qualité du service ni sur l'efficacité de sa production : il fait comme si elles allaient de soi, comme si elles ne dépendaient en rien des personnes qui produisent le service et à qui il envoie un seul signal : « vous êtes superflues ».

Le raisonnement budgétaire, focalisé sur un coût de production qu'il ambitionne de comprimer, est aveugle à la contrepartie utile de ce coût. Étant incapable de considérer la qualité et l'efficacité, il est parfaitement anti-économique même s'il prétend faire des « économies ».

Le raisonnement économique supposerait que l'on considérât d'abord la qualité du service, puis son rapport qualité / coût. Mais cela impliquerait une collecte d'information et des estimations qu'un budgétaire ne fait pas, qu'il se refuse même à prendre en considération.

Que peuvent donc penser des gens à qui l'on se contente de dire « vous êtes trop nombreux » ? Si personne au gouvernement comme dans leur hiérarchie ne se soucie de l'utilité du service, pourquoi se donneraient-ils la peine de l'améliorer ? Si personne ne se soucie de leur efficacité, pourquoi s'efforceraient-ils d'éviter les gaspillages et le temps perdu ? Il ne faut pas s'étonner si certains sont démoralisés et peu aimables envers le public, s'ils sont négligents et laissent traîner les affaires.