jeudi 14 mars 2013

Eric J. Hobsbawm, L'ère des révolutions, Pluriel, 2011

Ce livre qui couvre l'histoire du monde de 1789 à 1848 (un monde alors dominé par l'Europe) est le premier d'une série de quatre ouvrages : il est suivi par L'âge du capital (1848-1975), L'âge des empires (1875-1914) et L'âge des extrêmes (1914-1995).

Comme tout travail d'histoire couvrant un très large périmètre celui-ci est encyclopédique : il s'appuie autant ou davantage sur des lectures et sources de seconde ou troisième main que sur les recherches propres de l'auteur. Son apport réside donc moins dans le compte rendu des faits que dans la vigueur de la synthèse et la qualité de sa présentation.

De ce point de vue, on est comblé. Il existe peu de livres d'histoire aussi intéressants. Les diverses dimensions de la vie économique, sociale, diplomatique, intellectuelle, artistique, religieuse, scientifique etc. sont présentées et toutes sont articulées autour de ce que l'on peut appeler le style propre à chaque époque, ce style que l'on sent lorsqu'on lit les romans, écoute la musique et regarde l'architecture d'une époque, que l'on rencontre jusque dans les travaux scientifiques, mais que l'on aurait tant de mal à définir.

La sensibilité très vive d'Hobsbawm lui permet de faire revivre pour nous les sociétés qu'il décrit et, dans chacune, les couches sociales qu'elle a mises en relation. Il nous fait voir ainsi les ressorts de la double révolution (industrielle en Grande-Bretagne, politique en France) entre 1789 et 1815, puis les épisodes du conflit social bouillonnant qui s'est condensé dans les révolutions de 1830 et, surtout, de 1848. Il montre le gigantesque sacrifice humain qu'a provoqué l'industrialisation lorsqu'elle a contraint les paysans, devenus des ouvriers, à renoncer à la protection que leur avait procurée la tradition rurale pour s'exposer sans défense à la brutalité du marché.

On se représente mal, aujourd'hui, la rudesse explicite de cette époque : les « classes inférieures » étaient considérées comme une espèce animale dont la violence, expression du désespoir, effrayait les classes moyennes et tempérait leur première impulsion révolutionnaire. La rudesse de notre époque est dissimulée par le politiquement correct, forme contemporaine de la bien-pensance, mais est-elle moins inhumaine ?

L'ère des révolutions est tellement passionnant qu'il supplante, pendant quelques jours, toutes les autres lectures. Ce livre une fois terminé j'ai enchaîné par L'âge du capital. Je crains de rester pendant quelques semaines captif de ces quatre livres : c'est la rançon du plaisir de lire...

4 commentaires:

  1. Je garde toujours comme livre de référence "Les Grands Economistes" de R.L. Heilbroner. Il commence a être un peu ancien, son angle d'approche est plus réduit, il couvre une période plus vaste et est donc moins détaillé...mais difficile de faire plus passionnant et instructif !

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  2. Je suis en train de commencer à lire ces trois livres (achetés en verson kindle), en commençant par l'age des révolutions. C'est passionnant et éclairant. Comme quoi il faut toujours se référer à ceuwx qui nous ont précédé.

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  3. Je suis passionné de découvrir les 3 volumes de la trilogie d'Eric Hobsbawn et le 4è "l'âge des extrêmes". [lien].
    Cordialement.

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  4. Le dernier ouvrage comporte comme sous-titre : "Histoire du Court Vingtième Siècle", un concept qui se révèle très opérant.
    de wikipedia : Eric Hobsbawm, né le 9 juin 1917 à Alexandrie et mort le 1er octobre 2012 à Londres, est un historien britannique. Membre à partir de 1936 du Parti communiste de Grande-Bretagne, il collabora jusqu'en 1991 à la revue Marxism Today.

    Je voudrais citer quelques lignes tiré du Monde Diplomatique
    "Contributeur de longue date du Monde diplomatique, Hobsbawm y a publié son premier article en octobre 1966. A la fin des années 1990, cette collaboration prend un tour nouveau. Son livre L’Age des extrêmes. Histoire du court XXe siècle (1914-1991), paru en anglais en 1994 et traduit en plusieurs dizaines de langues, ne trouve pas d’éditeur français. Il fallait, se justifiait alors Pierre Nora (Gallimard), « tenir compte de la conjoncture intellectuelle et idéologique » — c’est-à-dire de l’anticommunisme symbolisé par l’ouvrage de l’historien François Furet, Le Passé d’une illusion. Contre cette censure non dite, Le Monde diplomatique et l’éditeur belge Complexe décidèrent de publier eux-mêmes l’ouvrage. Ce fut un immense succès de librairie, preuve que l’intérêt pour une histoire globale et engagée n’aspirait qu’à renaître. A cette résurgence, Hobsbawm aura profondément et durablement contribué."

    Hobsbawm a aussi publié une autobiographie, que je n'ai pas lue, mais qu'on dit passionnante.

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