L'entreprise est une énigme pour la science économique, la sociologie et le droit1. Cependant elle existe dans sa diversité et sa complexité, et à défaut d'une théorie on peut la prendre à bras le corps pour agir envers elle et avec elle.
C'est un être vivant car on peut lui assigner une date de naissance et elle mourra un jour. Son cycle de vie peut obéir à divers scénarios que nous allons illustrer en déroulant l'un d'entre eux.
Un cycle de vie
L'entreprise est créée par des pionniers qui ambitionnent de changer le monde en y faisant surgir une institution2 nouvelle, leur entreprise, pour offrir un produit auparavant inexistant.
Si elle passe le cap de la mortalité infantile sa taille augmente et, avec elle, sa complexité : elle définit divers niveaux de responsabilité et délimite des directions spécialisées qu'elle doit coordonner. Bientôt les pionniers partent vers d'autres aventures. Ils sont remplacés par des organisateurs qui « rationalisent » l'entreprise.
Supposons que l'entreprise est prospère. La trésorerie s'accumule, il faut des compétences pour la gérer : le pouvoir de décision glisse dans les mains de financiers pour qui le maître mot est « rentabilité », et qui ne voient la physique de l'entreprise – agents, techniques, produits et clients – qu'à travers les comptes. La poursuite de la croissance passe alors par des fusions et des acquisitions.
L'entreprise, devenue énorme, est la tête d'une arborescence de participations. Ses effectifs se comptent par dizaines de milliers. Ses succès ont donné naissance à des traditions, ses échecs à des phobies, de sorte que son action est guidée par une ornière dont il lui serait difficile de sortir. La carrière des cadres est balisée par des réseaux d'allégeance à la fois flous mais toujours renouvelés qui, formés autour des syndicats, partis politiques et corporations, exercent sur le résultat une prédation discrète.
Arrivée à ce stade l'entreprise est vulnérable : il lui est difficile de sortir de l'ornière pour s'adapter à un changement de l'état de l'art des techniques, de la réglementation, ou à une initiative des concurrents.
Contrairement à un animal, cependant, l'âge ne condamne pas l'entreprise à la sénilité car il n'est pas impossible qu'un stratège la sorte de l'ornière pour lui donner une deuxième jeunesse3, mais il faudra qu'il sache surmonter l'obstacle des traditions, habitudes et réflexes incorporés à la sociologie intime qui délimite les pouvoirs et légitimités.
L'expert que l'entreprise appelle pour éclairer son évolution est semblable à un médecin dont le patient attend un diagnostic et une prescription. Il lui faut d'abord identifier l'étape du cycle de vie où se trouve l'entreprise : il ne convient pas de prescrire les mêmes démarches à l'entreprise pionnière et juvénile, à celle qui est saisie par l'organisation, à celle se trouve entre les mains des financiers, à celle qui est devenue la proie de réseaux qui la parasitent, etc.
Une cellule vivante
Pour accomplir sa mission l'entreprise se dote d'une organisation qui définit les pouvoirs légitimes et les procédures du travail de telle sorte que l'action collective puisse s'appuyer sur de la synergie des actions individuelles.
Ainsi l'entreprise apparaît comme une cellule qui baigne dans un milieu avec lequel elle communique à travers une membrane qui lui sert de filtre. L'intérieur de cette cellule, c'est l'organisation de l'entreprise, le milieu dans lequel elle baigne, c'est le marché. La membrane comporte les concepteurs qui innovent et la « première ligne » qui assure la relation avec les clients, fournisseurs et partenaires.
Tandis que la science économique s'est focalisée sur le marché, les sciences de la gestion se sont focalisées sur l'organisation. La dialectique du marché et de l'organisation échappe donc à chacune de ces disciplines alors qu'elle est au centre des préoccupations de l'entrepreneur4.
Le choc de l'informatisation
Les entreprises se sont au début du XXe siècle adaptées au système technique qui s'appuyait sur la synergie de la mécanique, la chimie et l'énergie. Elles ont dû à partir de 1975 s'adapter au système technique qui s'appuie sur la synergie de la micro-électronique, du logiciel et de l'Internet5. Cela les a contraintes à sortir de l'ornière de leurs habitudes, à rebâtir leur organisation et même à redéfinir leur mission.
L'une des réactions possibles à ce choc pénible a consisté tout simplement à le nier.
C'est la raison pour laquelle on préfère masquer le phénomène sous un vocabulaire fallacieux : les mots « informatique » et « informatisation », qui le désignent exactement, sont remplacés par « numérique », « digital », « dématérialisation », « virtuel », « intelligence artificielle », « machine learning », « réseaux neuronaux », etc.
« Informatique » associe « information » et « automate ». Si l'on prend comme Gilbert Simondon « information » par l'étymologie « ce qui donne une forme intérieure6 », on comprend qu'« informatique » désigne exactement le couple que forment le cerveau humain et l'automate programmable.
L'essentiel des tâches répétitives ayant vocation à être automatisé, le travail des agents est consacré à ce qui demande du discernement et de l'initiative : design et ingénierie, relation avec les clients, réponse aux incidents imprévisibles, etc. La symbiose de la machine et de la main d’œuvre est remplacée par la symbiose de la ressource informatique7 et du cerveau d’œuvre.
Ce couple est devenu l'unité de base des entreprises où les agents passent l'essentiel de leur temps de travail devant un « ordinateur », interface vers une ressource informatique composée de logiciels et de documents (données, textes, images, sons, etc.) à laquelle l'Internet confère l'ubiquité.
Le processus, enchaînement des tâches qui contribuent à l'élaboration d'un produit, rassemble ces unités de base pour construire la synergie de leurs compétences et de leurs actions. La modélisation des processus relève de l'art opérationnel qui articule la gestion et la stratégie8.
Crise de l'entreprise
La brutalité du choc de l'informatisation a provoqué dans la sociologie intime des entreprises une crise qui se manifeste par le refus de l'informatisation, du cerveau d’œuvre et même de l'efficacité. Le néolibéralisme a fourni un alibi à ce refus et à l'émergence, parallèlement à l'échange équilibré qui focalise l'attention des économistes, d'une prédation qui parasite l'économie.
Refus de l'informatisation
L'expert appelé à secourir une entreprise découvre dans son système d'information (SI) des défauts qui contredisent de façon surprenante les exigences de la logique et du bon sens.
Les données sont le socle sémantique du SI. Lorsqu'elles sont mal définies l'algorithme le plus puissant ne peut rien donner qui vaille en raison du principe garbage in, garbage out9.
Beaucoup d'entreprises sont indifférentes à la qualité de ce socle : les êtres observés sont mal choisis (les opérateurs télécoms observent des lignes téléphoniques et non des clients), mal identifiés (identifiants comportant des attributs, réutilisés en fin de vie, etc.), le choix des attributs est peu pertinent, leur codage est soumis à des aléas (ressaisies manuelles, homonymes et synonymes, dialectes locaux, etc.).
Les processus sont souvent désordonnés : des dossiers se perdent dans les sables en raison d'erreurs d'aiguillage, le délai de production est aléatoire (piles last in, first out sur les bureaux), des travaux sont redondants, etc. Les processus qui s'appuient sur Excel et la messagerie sont excessivement fragiles car dans un tableur 3 % des cases sont erronées en moyenne.
Lorsque les données sont de mauvaise qualité et les processus désordonnés, l'agent qui travaille en symbiose avec son « ordinateur » doit faire un effort pénible pour compenser les défauts de l'organisation. Il en résulte l'épidémie de stress dont on a de nombreux témoignages10.
Le tableau de bord du comité de direction est le sommet du SI, mais la plupart des tableaux de bord sont illisibles. Les directions fournissent des « chiffres » incompatibles, ce qui occasionne des discussions pénibles et compromet la qualité de la décision stratégique. Les conventions comptables, notamment le principe de prudence, altèrent la signification des séries chronologiques et celles-ci ne sont généralement pas corrigées des variations saisonnières mais présentées sous la forme « mt/mt-12 » (quotient de la valeur du mois par celle du mois correspondant de l'année précédente) qui interdit de dégager la tendance conjoncturelle.
Refus du cerveau d’œuvre
L'organisation hiérarchique11 attribue aux dirigeants le monopole de la légitimité (droit à l'écoute, droit à l'erreur). Elle a pu convenir pour diriger une main d’œuvre dont l'entreprise laissait les facultés mentales en jachère, mais elle ne convient plus avec le cerveau d’œuvre : une personne qui travaille avec son cerveau ne peut être efficace que si elle possède la légitimité qui répond aux responsabilités dont l'entreprise la charge.
Attribuer une légitimité aux agents implique un « commerce de la considération », la considération consistant à faire l'effort de comprendre ce qu'a voulu dire celui qui parle (le mot « commerce » indique que la considération doit être réciproque) : les spécialités et les niveaux de responsabilité doivent savoir dialoguer. Or c'est souvent le contraire : les spécialités s'ignorent, la direction générale soumet le « terrain » à des consignes absurdes.
Il est en effet très difficile pour une entreprise de renoncer à l'organisation hiérarchique qui s'est gravée dans ses habitudes. Malgré tout ce que l'on peut dire sur les bienfaits de la coopération, de l'« organisation transverse » et des « réseaux sociaux », les directions sont souvent des silos étanches, eux-mêmes divisés en étages étanches car le directeur qui parlerait à un agent opérationnel semblerait court-circuiter le manager qui se trouve en position hiérarchique intermédiaire.
Les indicateurs de qualité, délai et charge de travail que produit automatiquement un processus informatisé sont utilisés non pour améliorer l'organisation de l'entreprise et la formation des agents, mais pour « fliquer » ces derniers et les contraindre à toujours plus de « productivité » : cela contribue à l'épidémie de stress et nuit à l'efficacité du cerveau d’œuvre.
Malgré des déclarations sentimentales comme « mettre le client au cœur de l'entreprise », les clients sont traités avec la même indifférence. Beaucoup d'entreprises supposent que la relation de service, composante essentielle de la qualité des produits, pourra être rendue efficacement par des personnes incompétentes et mal payées (vendeurs dans les magasins, centre téléphonique, maintenance des installations, etc.) : elles perdent ainsi des indications qui leur permettraient de mieux connaître les besoins.
La relation de sous-traitance est souvent préférée au partenariat, qui implique un rapport d'égal à égal, et les donneurs d'ordre semblent parfois s'être donné pour but la ruine de leurs sous-traitants.
Refus de l'efficacité
L'institut de l'iconomie a bâti le modèle d'une société informatisée par hypothèse efficace : il a pu mettre ainsi en évidence les conditions nécessaires de l'efficacité12. Ce modèle a fait apparaître que l'iconomie est à la fois l'économie du risque maximum, l'économie de la compétence et l'économie de la qualité.
Comme les tâches répétitives sont automatisées, l'essentiel du coût de production est dépensé lors de la phase initiale de conception et d'ingénierie et avant que la première unité du produit soit vendue, que les initiatives des concurrents puissent être connues : le risque de l'entreprise est porté au maximum.
La concurrence est donc violente et l'entreprise sera tentée de corrompre les acheteurs, d'espionner les concurrents et de débaucher leurs compétences. Il faudrait contenir cette violence, mais ceux qui adhèrent au néolibéralisme préfèrent la déchaîner.
L'action du cerveau d'oeuvre exige que chaque agent possède une compétence, capital personnel qui s'acquiert par la formation et l'expérience. L'intervention de la compétence dans l'action productive étant pratiquement instantanée, l'essentiel du temps de travail des agents est consacré à l'accumulation de leur compétence. La synergie des compétences individuelles est le premier résultat de l'efficacité de l'organisation, mais une entreprise qui refuse le commerce de la considération refuse ipso facto de reconnaître la compétence de ses agents et se prive a fortiori de la synergie des compétences.
Dans l'iconomie, le marché de la plupart des produits obéit au régime de la concurrence monopolistique et non à celui de la concurrence parfaite. La stratégie de l'entreprise sera de produire la variété du produit qui lui procure un monopole temporaire sur un segment des besoins. Chaque produit étant par ailleurs un assemblage de biens et de services13, la qualité du produit dépend souvent des services qu'il comporte.
Le vocabulaire des entreprises distingue cependant les « produits » des « services » : seuls les biens résultant, pensent-elles, d'une action productive, les services leur semblent parasitaires et elles négligent leur qualité.
Sous le régime de la concurrence monopolistique un chef d'entreprise doit être attentif au choix des techniques, à la qualité des produits, à la satisfaction des clients et à l'efficacité de l'organisation : c'est un entrepreneur au sens de Schumpeter14, un animateur de l'entreprise considérée comme interface entre les ressources que fournit la nature et le bien-être matériel de la population.
Il y a loin entre cette figure de l'entrepreneur et celle, aujourd'hui dominante, du dirigeant dont la mission serait de « produire de la valeur pour l'actionnaire15 ».
Dans l'« économie de la compétence », les agents doivent avoir reçu une formation approfondie : la plupart d'entre eux ayant fait des études universitaires, l'écart social qui existait naguère entre la main d'oeuvre et l'encadrement ne se retrouve pas entre le cerveau d'oeuvre et les personnes qui exercent une fonction de commandement. L'iconomie est donc une société de classe moyenne dans laquelle les écarts de prestige et de rémunération sont faibles.
La croissance des inégalités16, la rémunération extravagante de certains dirigeants, la baisse du niveau de vie de la classe moyenne sont autant de symptômes d'une société qui, tournant le dos à l'efficacité, se refuse à évoluer vers l'iconomie.
Le néolibéralisme
La théorie néolibérale est complexe, il en existe d'ailleurs plusieurs versions. Ce n'est donc pas elle que nous considérerons ici mais la doctrine17 qui porte le même nom et s'exprime en quelques dogmes :
- l'efficacité ne peut résulter que du libre jeu du marché : la concurrence parfaite et le libre échange s'imposent ;
- chaque marché doit s'autoréguler ;
- la valeur d'une entreprise se constate sur le marché de ses actions ;
- l'entreprise appartenant à ses actionnaires, la mission de son dirigeant est de « créer de la valeur pour l'actionnaire ».
La doctrine néolibérale a été disséminée par l'organisateur d'un réseau de think tanks, Antony Fisher, et par un économiste talentueux, Milton Friedman. Devenue dominante dans les années 1970 elle a inspiré les politiques de Margaret Thatcher et Ronald Reagan.
L'émergence du néolibéralisme comme force politique est corrélative des débuts de l'informatisation. Il se peut que ce soit une coincidence, il se peut aussi qu'il y ait là une relation de cause à effet car les certitudes du néolibéralisme ont opportunément répondu au désarroi que provoquait l'informatisation.
Une doctrine qui voit dans le marché la seule source de l'efficacité économique incite cependant à ignorer l'intérieur de l'entreprise, son organisation18. Le dirigeant agent des actionnaires obéit en effet, tout comme l'agent du Gosplan, à une autorité extérieure dont il reçoit des incitations. Ainsi de façon paradoxale la doctrine néolibérale aboutit au même résultat que celle à laquelle elle prétendait s'opposer : pousser à l'extrême l'empire du marché conduit à détruire l'organisation et, finalement, à supprimer l'entreprise et l'entrepreneur.
Un monde de la prédation
L'ubiquité et la puissance de la ressource informatique ont ouvert à la Banque des possibilités inédites : une banque peut jouer simultanément sur toutes les places financières, l'algorithmique lui permet de définir des « produits dérivés » qui seront vendus et achetés de façon automatique.
La multiplication de leurs échanges ayant rendu les banques aussi solidaires qu'une cordée d'alpinistes, la sensation du risque s'est éteinte (mais non le risque lui-même !) et l'arbitrage rendement-risque, cœur des métiers de la finance, a fait place à une course au rendement : les traders sont incités à « produire de l'argent » sous la seule contrainte « pas vu, pas pris19 ».
Il en est résulté des « affaires20 » dans lesquelles sont impliquées les plus grandes banques21 et dont la réalité est attestée par le montant des amendes qu'elles acceptent de payer pour éviter un procès22. La Banque semble ainsi avoir abandonné sa mission d'intermédiation du marché du crédit et de création de monnaie pour se livrer à une prédation sur le système productif d'autant plus violente que le marché est censé s'autoréguler.
La méthode de travail, le style de vie et la rémunération des traders et de leurs dirigeants sont devenus une référence pour les dirigeants « agents des actionnaires ». Des procédés étranges mais tolérés par la loi sont devenus à la mode : rachat de leurs actions par les entreprises, distribution de dividendes financés par l'emprunt, LBO (Leveraged Buy Out), rémunérations enfin dont le montant, étant celui d'un patrimoine, ne peut être que le résultat d'une prédation et non le salaire d'un travail23.
Le monde que considère la théorie économique est celui de l'échange équilibré où personne ne peut être contraint d'acheter ni de vendre. La société actuelle lui accouple un autre monde, celui de la prédation où la richesse se prend par la force24.
L'informatisation a en effet fourni au blanchiment des outils dont l'opacité oppose aux enquêteurs un obstacle pratiquement insurmontable, et cela permet au crime organisé25 de recycler ses profits pour prendre le contrôle d'entreprises qui, par la suite, n'auront plus de problème de trésorerie et seront donc avantagées par rapport à leurs concurrents26.
Le couple que forment le néo-libéralisme et l'informatisation semble provoquer ainsi, dans la société la plus « moderne » qui soit, un retour vers la société féodale sous une forme nouvelle27 : si cette évolution se confirme, l'Etat de droit et la démocratie n'auront été qu'un épisode historique corrélatif du système technique qui s'appuyait sur la mécanique, la chimie et l'énergie.
Le rôle de l'Etat
Quel est le rôle de l'Etat dans l'iconomie, société informatisée dont l'économie est par hypothèse efficace ?
Il doit d'abord avoir informatisé raisonnablement les grands systèmes de la nation, dont il définit la mission et l'organisation : santé, éducation, justice, armée, etc. Cela suppose en regard de la situation actuelle une évolution plus profonde que ne le serait la distribution d'ordinateurs et de raccordements à haut débit : dans le cas de l'éducation, par exemple, l'informatisation est appelée à transformer la pédagogie elle-même.
L'Etat doit également contenir la prédation et combattre le risque d'un retour au régime féodal : cela implique de bâtir un édifice législatif au rebours du « laisser faire » néolibéral, de combattre les paradis fiscaux ainsi que la concurrence fiscale et sociale entre les nations, de former des magistrats compétents et de les doter de pouvoir d'enquête étendus, et aussi sans doute de frapper les entreprises prédatrices à la tête en sanctionnant leurs dirigeants eux-mêmes et non quelques exécutants.
Il faut enfin que l'action régulatrice de l'Etat soit adéquate au régime de la concurrence monopolistique, donc qu'elle s'affranchisse du dogme qui affirme l'efficacité de la concurrence parfaite, de la tarification au coût marginal et du libre échange.
Ce dogme a conduit les Etats à instaurer de force la concurrence dans les grandes infrastructures (électricité, chemins de fer, télécommunications) qui sont en fait des monopoles naturels car elles comportent des économies d'échelle, d'envergure et d'innovation : l'iconomie implique que l'Etat restaure ces monopoles pour que la société puisse bénéficier de ces économies, et qu'il les régule pour les mettre au service des consommateurs.
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1 Blanche Segrestin et alii, L'entreprise, point aveugle du savoir, Editions Sciences Humaines, 2014.
2 Alain Supiot estime que « l'entreprise n'est pas une institution, mais l'expression de la liberté d'entreprendre » (Le droit du travail, PUF, coll. Que sais-je ?, 2004). Cependant l'entreprise a été instituée par ses créateurs pour accomplir une mission ou, comme le disait Maurice Hauriou, un « idée d’œuvre » (« La théorie de l'institution et de la fondation. Essai de vitalisme social », Cahiers de la nouvelle journée, n° 23, 1925). Nous sommes donc libres, nous semble-t-il, de considérer l'entreprise comme une institution.
3 C'est ce qu'a fait Louis Gerstner à IBM à partir de 1993.
4 L'entrepreneur est un stratège qui oriente l'entreprise, le manager la gère : les expressions « management stratégique » et « pilotage stratégique » sont des oxymores.
5 Bertrand Gille, Histoire des techniques, Gallimard, coll. La Pléiade, 1978.
6 « L'information n'est pas une chose, mais l'opération d'une chose arrivant dans un système et y produisant une transformation. L'information ne peut pas se définir en dehors de cet acte d'incidence transformatrice et de l'opération de réception » (Gilbert Simondon, Communication et information, Éditions de la transparence, 2010, p. 159).
7 « The hope is that, in not too many years, human brains and computing machines will be coupled together very tightly, and that the resulting partnership will think as no human brain has ever thought and process data in a way not approached by the information-handling machines we know today » (Joseph Licklider, « Man Computer Symbiosis », IRE Transactions on Human Factors in Electronics, mars 1960).
8 Dans le métier des armes l'art opérationnel articule la tactique et la stratégie. La maîtrise de cet art a permis à l'Armée rouge de surclasser la Wehrmacht lors de la deuxième guerre mondiale (Георгий Самойлович Иссерсон, Эволюция оперативного искусства, 1932).
9 Ce principe a été évoqué pour la première fois dans « Work With New Electronic 'Brains' Opens Field For Army Math Experts », The Hammond Times, 10 novembre 1957.
10 Marie-Christine Laurent, « Stress et travail », Empan n° 55, 2004.
11 L'étymologie de « hiérarchie » est ἱερός (sacré) et ἀρχή (commandement) : la relation hiérarchique confère un caractère sacré à la fonction de commandement.
12 Michel Volle, iconomie, Economica, 2014.
13 Un service est la mise à disposition temporaire d'un bien ou d'une compétence (Magali Demotes-Mainard, « La connaissance statistique de l’immatériel », Contribution de l’INSEE au Groupe de Voorburg sur la statistique des services, Tokyo 6-10 octobre 2003).
14 Joseph Schumpeter, Theorie der wirtschaftlichen Entwicklung, 1912.
15 Milton Friedman, Capitalism and Freedom, University of Chicago Press, 1962.
16 Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Seuil, 2013.
17 Marie-Laure Djelic, « The 'Ethics of Competition' or the Moral Foundations of Contemporary Capitalism », in Moral Foundations of Management Knowledge, Edward Elgar, 2009.
18 La comptabilité analytique, qui est l'une des formes sous lesquelles le marché s'introduit dans l'entreprise, brise la synergie des entités qui la composent car l'évaluation du prix des services qu'elles se rendent mutuellement occasionne un conflit.
19 Jean-François Gayraud, Le nouveau capitalisme criminel, Odile Jacob, 2014.
20 Délit d'initié, exposition des clients à des risques non déclarés, fraude liée aux subprimes, manipulation de marché, évasion fiscale, blanchiment, etc.
21 Deutsche Bank, UBS, HSBC, Bank of America, JPMorgan, etc.
22 Mathilde Damgé, « Evasion fiscale : la justice française reste timorée envers les banques », Le Monde, 9 décembre 2016.
23 François Pilet, « L'homme qui valait moins 48 milliards », L'Hebdo, 24 décembre 2015.
24 Michel Volle, Prédation et prédateurs, Economica, 2008.
25 Jean-François Gayraud, Le monde des mafias : géopolitique du crime organisé, Odile Jacob, 2008.
26 Roberto Saviano, Gomorra, Mondadori, 2006.
27 Marc Bloch, La société féodale, 1939.
Très intéressant, merci beaucoup.
RépondreSupprimerJe ne voudrais pas donner l'impression d'abuser, mais avez-vous l'intention de traduire ce billet en anglais ?
Je le traduirai peut-être, mais pas dans l'immédiat.
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