L'attentat de Manchester a fait 22 victimes. De nombreux hommages leur sont rendus, l'émotion est forte, la télévision nous montre le chagrin de leurs parents et amis.
La semaine dernière les accidents de la circulation ont tué de l'ordre de 80 personnes en France (4 000 morts par an, cela fait 80 par semaine). Aucun hommage ne leur est rendu et personne n'est ému – sauf bien sûr les parents et amis des victimes, mais leur chagrin n'intéresse pas les médias.
Notre voiture est beaucoup plus dangereuse que le terrorisme. Qui le dit ? Qui le sait ?
Certes mais les premières sont les victimes d'un homicide volontaire ou d'un assassinat alors que les secondes sont au pire les victimes d'un homicide involontaire, non ? Ceci explique-t-il cela ?
RépondreSupprimerOui, c'est une explication. Mais les "émotions", "témoignages", "hommages aux victimes", ainsi que le déploiement théâtral de la "sécurité", réjouissent les terroristes (car ils sont le signe de leur victoire) et suscitent des vocations criminelles.
SupprimerLes maladies nosocomiales tuent autant que les accidents de la route (hypothèse basse : 4 fois plus, hypothèse haute). Qui s'en soucie ? On parle au contraire régulièrement des morts sur la route et on s'en soucie (divisés par quatre depuis 1970)... encore plus depuis que la voiture est devenue le bouc émissaire des écologistes.
SupprimerLes maladies nosocomiales tuent autant que la route (hypothèse basse. 6 fois plus hypothèse haute. Qui s'en soucie ?
SupprimerAu contraire, on parle régulièrement des morts sur la route et on s'en soucie (nombre divisé par 4 depuis 1970)... surtout depuis que la voiture est devenue le bouc émissaire des écologistes
Les maladies nosocomiales dans les hôpitaux tuent 6 fois plus que les accidents de la route. Qui le dit ? qui le sait ?
RépondreSupprimerDes causes de décès évitables plus mortelles que la voiture existent et ne sont pas si rares. Au moins, les décès sur la route ont été drastiquement diminués ces 20 dernières années après une prise de conscience qui n'existe pas pour les autres causes.
J'aurais pu parler aussi de l'alcool (50 000 morts par an) et du tabac (60 000), mais notre chère voiture m'a semblé fournir le meilleur exemple pour illustrer la disproportion de nos "émotions".
SupprimerL'exploitation des seuils émotionnels, pas toujours très saine, fait malheureusement partie du "business" de plusieurs medias. Nous avons un besoin urgent de medias suscitant également de vraies réflexions.
RépondreSupprimerCela doit faire 10 ans que j'ai écrit mon précédent commentaire ici :)
RépondreSupprimerL'absence d'analyse ici force à réagir. Mais les explications sont longues et complexes. C'est un sujet que je trouve très intéressant car nous pourrions être tentés d'analyser un peu hâtivement alors que les ressorts sont nombreux et intriqués.
On nous parle de loi de morts/km (je la trouve totalement biaisée), de limite d'émotion lorsque le nombre de morts est trop important (cela me semble effectivement réaliste de ne pas être 1000 fois plus peiné par 1000 morts qu'un seul) et de différents biais cognitifs.
Avant tout, il est évident que les gens ne se sentent, la plupart du temps, jamais responsable des accidents de la route. La majeure partie des conducteurs restent persuadée de conduire mieux qu'autrui.
Ensuite, les morts sur la route sont sporadiques : il est assez rare d'avoir 20 morts dans un unique accident de voiture.
Et pour finir, l'évidente, constante et, me semble t'il, alarmante responsabilité des médias "mainstream", qui se concentrent systématiquement vers le sensationnalisme.
Personnellement, la loi du mort-km ne me parait pas juste. Il faudrait au moins y ajouter le facteur "pays occidental" (valeur 1, sinon arbitrairement valeur 0,01), voire le facteur "pays apprécié" (le Tibet, c'est loin, mais Les Gens donc (ou à cause) Les Médias, Les Personnalités, y sont davantage sensibles que, disons parmi tant d'autres, la Turquie). Ainsi, 10 tués à Rabat ne "valent" pas, émotionnellement, médiatiquement parlant, 10 morts à Melbourne ou à Lhassa.
Concernant la responsabilité, comme nous n'avons pas le choix, pensons-nous, que de subir le terrorisme, ces morts-là paraissent bien plus injustes. Or, il est évident que c'est faux ! Car un mort sur la route est rarement dû au hasard. Alcool, médicaments (nous restons lamentablement très dur envers le cannabis alors que le problème est bien ailleurs), sensation de toute-puissance au volant...
Parler des accidents de la circulation est plus juste car si l'alcool et le tabac tuent davantage, ils tuent avant tout ceux qui les consomment (bien entendu, l'alcool est toutefois responsable d'un grand nombre de morts au volant).
Nous aurions pu par contre parler du nombre de femmes tuées chaque année en France par leur conjoint. Du nombre de morts liés aux produits phytosanitaires (le mot est déjà une profonde insulte). Aux médicaments. Peut-être bientôt à l'absence de soins (homéopathie, anti-vaccination) et à la mode du faux manger-sain (pas lait de vache pour les nouveaux-nés, absence de nutriments essentiels pour les enfants).
Quant à la sphère médiatique, se pose toujours la question de l'origine de la responsabilité : les médias disent donner les informations que les gens souhaitent et donc sous-estiment et déresponsabilisent au maximum leur public, mais ce dernier boude les médias plus ouverts, critiques et intelligents.
Quoiqu'il en soit, la force de l'image est indéniable et l'analyse qui en est faite est la clef de tout. Si, chaque jour, nous montrions sur les chaînes télé à forte audience, nous parlions sur les radios les plus écoutées, nous publiions dans les journaux et sites les plus consultés, des informations sur ces femmes mortes, ces accidents mortels et bien d'autres drames, nous y serions probablement plus sensibles... un temps, avant que la lassitude nous fasse dire que l'on est noyé sous les informations déprimantes.
Pour - vraiment - terminer, en réponse au commentaire précédent, il ne faut pas oublier que la baisse des accidents est principalement dû aux normes de sécurité (ceinture de sécurité obligatoire, airbag, absorption des chocs) et à la baisse lente mais régulière de consommation d'alcool.
Bonjour,
RépondreSupprimerEvidemment, il est louable de rendre hommage à toutes ces victimes mais j'adhère à votre remarque sur la théâtralisation de l'émotion que la télévision / internet favorise.
C'est, je crois, le sens de votre remarque que de savoir réagir avec humanité mais aussi avec conscience et mesure, non pas pour atténuer notre indignation et notre compassion mais la mettre en perspective pour mieux la comprendre et surtout qu'elle nous serve à mieux orienter le jugement qui en découlera.
Sans cet effort, on ne peut qu'être limité par les médias à réagir uniquement par rapport à nos émotions, au sensationnel, à l'impressionnant, au dramatique plutôt que rapport à notre discernement.
Alors pour comprendre cette déformation des medias, on peut comme vous le faites, faire le parallèle que vous proposez avec les drames liés à la voiture, ou bien d'autres comme les maladies, l'alcool, le tabagisme.
J'en vois un autre qui m'interroge d'avantage : les victimes d'homicides sur lesquelles on choisit de nous faire réagir, sont souvent celles qui sont géographiquement et culturellement proches de nous.
La couverture médiatique, o combien moindre d'autres attentats récents -comme en Turquie (80 victimes en 2017,300 en 2016), Afghanistan (90 victimes récemment), Mali (50) ....- laisse à penser que l'indignation est sélective et déformée. Elle conduit nos consciences à être plus sensibles à certaines victimes qu'à d'autres.
Les "autres" disparaissent de notre inconscient collectif.
Ne sont il pas aussi humains que nous ? ne souffrent il pas autant des mêmes maux ?
J'ai peur que la dichotomie de traitement de la souffrance telle qu'elle nous est donnée à voir, nous fasse davantage nous auto-centrer sur nous mêmes, sur-représenter ceux qui nous ressemblent, en dissolvant les perspectives universelles et humanistes qui sont, si j'ai bien compris, ce que nous devrions continuer d'entretenir.
Je m'étonne souvent de l'importance démesurée des moyens d'information et des technologies de l'information, qui me semblent davantage être mis au service d'une concentration excessive sur soi ou de ce qu'on considère comme soi, qu'une meilleure compréhension du plus grand nombre.
Bien d'accord. Ma génération a vu des soldats allemands dans les rues de Paris et fait 27 mois de service militaire en Algérie. Elle a donc des raisons de penser que notre époque est remarquablement peu violente.
RépondreSupprimerOn ne peut pas non plus rester insensible.
Quant à la presse, elle applique depuis toujours la règle "morts/kilomètres" (un événement mérite d'autant plus de lignes qu'il y a de morts, et d'autant moins qu'il sont loin du lectorat).