Un article du Monde [1] décrit une entreprise qui, me semble-t-il, gère comme il le faut son système d'information : "Petra Friedmann, directrice d'Odopo, numéro deux du voyage en ligne en France, a choisi de gérer directement la relation client et l'informatique".
Les activités qu'un stratège "gère directement" sont celles qu'il considère comme stratégiques. Dans d'autres entreprises les activités stratégiques sont la finance et la communication ; dans celle-ci, c'est la relation client et l'informatique.
Enfin un dirigeant qui pose les pieds par terre, qui se préoccupe de la solidité de son entreprise ! Mme Friedmann décrit ainsi le rôle de son système d'information :
"Tous les aspects de notre activité passent par l'informatique - un service clients efficace ne peut exister sans outils adaptés (...) Pour réagir rapidement aux changements du marché, pour innover, il faut supprimer tous les tiers intervenants. L'internalisation de l'outil informatique garantit d'abord la possibilité de définir et maîtriser sa propre philosophie de développement par un dialogue permanent entre les équipes utilisatrices et les informaticiens. Elle offre une réactivité incomparable et la réversibilité de toute modification. Chez nous, aucun projet ne dure plus de trois mois. L'internalisation a aussi favorisé l'utilisation de logiciels "libres" (les développeurs peuvent intervenir librement sur le logiciel), facteurs de souplesse et d'économie".
En quelques phrases tout est dit : Odopo a pris en main son informatique en tournant le dos à la pratique la plus courante, qui est de se fier à un ERP, à des progiciels, à des SSII, les informaticiens de l'entreprise étant des acheteurs d'outils et de solutions, des gestionnaires de contrats qui perdent progressivement leur expertise et leur savoir-faire.
Les développeurs d'Odopo sont, eux, de véritables informaticiens : capables de lire et d'écrire du code, de concevoir l'architecture d'une solution, d'intégrer ses divers éléments. J'aimerais beaucoup voir de près comment ils travaillent.
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Les logiciels libres favorisent ce retour à l'informatique, à la vraie informatique où les compétences se forment, se consolident, s'enrichissent. Car alors que les progiciels sont des boites noires dont on ne voit qu'une interface éventuellement trompeuse, et dont on ne connaît pas le fonctionnement intime, le code source d'un logiciel libre est lisible, ceux qui possèdent un savoir-faire suffisant peuvent le modifier.
L'informaticien n'est alors plus quelqu'un qui empile des boites noires comme autant de briques, composant une architecture qu'il ne pourra pas maîtriser, mais un responsable capable de comprendre les conséquences de ses décisions.
Capable en principe, bien sûr : même si l'on peut lire le code d'un logiciel libre il faut du travail le comprendre, et plus encore pour comprendre l'interaction entre divers logiciels. Mais au moins cette compréhension est possible à condition de travailler tandis que celui qui ne fait que gérer des contrats cesse rapidement de comprendre quoi que ce soit et devient captif de ses fournisseurs, seuls maîtres des techniques.
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[1] François Bostnavaron, "L'internalisation permet une réactivité incomparable", Le Monde, 12 mai 2009
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