Les faits : le 4 juin les douaniers italiens arrêtent à la frontière suisse, à Chiasso, deux Japonais qui tentaient de passer 134,5 milliards de dollars dans le double fond d'une valise : 249 "Federal Reserve bonds" de 500 millions, plus dix "Kennedy bonds" d'un milliard. De tels titres ne peuvent semble-t-il être négociés que par des États. Une liasse de documents bancaires leur était jointe.
Tout le monde est embarrassé. Les journalistes ne savent que penser : pour commencer, ces titres sont-ils vrais ou faux ?
Si oui, à quel État appartiennent-ils, et à quelle manœuvre voulait-il se livrer ? quelle est la banque suisse chargée de l'opération ? l'Italie osera-t-elle prélever les 40 % d'amende auxquels elle a droit, soit 40 milliards d'euros ?
Quand l'ordre de grandeur d'une somme est celui de la macroéconomie, les critères habituels ne jouent plus : la raison d'État peut exiger mort d'homme.
Le premier qui ait osé en parler dès le 8 juin est Adscriptum, un blogueur. Le Monde, prudent comme un chat, s'est enfin décidé le 12 juin à publier un petit article discret, "Le mystère de la valise à 134 milliards de dollars".
Si ces titres sont authentiques, c'est une affaire d'État et elle sera réglée par la diplomatie. Beaucoup de gens sont certainement très ennuyés en ce moment.
Si ces titres sont faux, c'est une affaire bizarre. Mais cela m'étonnerait beaucoup : contrefaire des titres que seuls des États peuvent négocier, à quoi cela rimerait-il ?
Peut-être n'entendrons-nous plus parler de cette affaire qui se règlera discrètement, peut-être fera-t-elle un bruit de tous les diables. Dans tous les cas, elle correspond bien à l'analyse présentée dans Prédation et prédateurs.
* *
Voulez-vous connaître ma petite intuition ? Oui ? Eh bien la voici : les titres sont vrais mais on dira, les journaux publieront qu'ils sont faux, que tout cela n'était qu'une mauvaise blague.
Puis l'Italie négociera en douceur le règlement de cette affaire (avec la Chine ? le Japon ? un autre État ?) et sa discrétion sera rémunérée - ce ne sera pas 40 milliards d'euros, certes, mais une jolie somme tout de même...
Ajout du 16 juin
D'après les dernières informations rassemblées par Adscriptor, les titres saisis seraient des contrefaçons. A moins qu'ils ne soient authentiques...
Ajout du 22 juin
Les autorités américaines l'ont affirmé : ces titres sont des faux grossiers (Peter Schelling, "134-Milliarden-Dollar-Wertpapiere waren gefälscht", Die Welt, 21 juin 2009). Ouf ! Cela vaut mieux ainsi.
Restent des questions : quid des documents bancaires ? Qui étaient ces "Japonais", quelles étaient leurs intentions ?... mais il ne faut pas chercher la petite bête.
Une autre affaire est en train de sortir de terre, plus empoisonnée encore : les nouvelles informations sur les causes de l'attentat du 8 mai 2002 contre les agents de la DCN ("Attentat de Karachi : les magistrats évoquent une piste militaire pakistanaise", Le Monde, 20 juin 2009). On y trouve des commissions illicites, des rétrocommissions à finalité politique, des meurtres et de la vengeance...
Michel, je suis tout à la fois estomaqué et malheureusement pas surpris !
RépondreSupprimerLa raison d'Etat a bon dos !
Peut-être des réglementations très simples, basées sur la matière, pourraient-elles lutter efficacement contre les fraudes. Du genre : "l'argent doit peser au moins un milligramme par dollar"...?
RépondreSupprimer@FrédéricLN : Bonne idée ! le million de $ pèserait 1 kg, le milliard une tonne. Pour transporter leurs 134 milliards les deux japonais auraient dû affréter une dizaine de très gros camions : c'est moins discret qu'une valise.
RépondreSupprimerEcoutez c'est incroyable !
RépondreSupprimerJe crois que vous pouvez recouper avec cette autre nouvelle presque que pas du tout commentée. c'est un auteur canadien qui lève le lièvre sur Agoravox.
voici le lien de l'article:
www.agoravox.fr/actualites/economie/article/on-a-egare-usd-9-000-000-000-000-56448
Si il s'agit bien d'une partie de la somme égarée c'est tout simplement un scoop !!!
Bonjour
RépondreSupprimerVraiment très curieuse, cette forme de "titres" dont on pouvait penser que la "dématérialisation" avait été compléte depuis longtemps
Merci pour vos "billets"
@herbe : Il n'est pas certain qu'il s'agisse vraiment d'une "somme égarée" : il s'agit peut-être d'une question de comptabilité, c'est-à-dire d'affectation d'une somme à un compte ou à un autre. Je me méfie un peu de ces nouvelles tellement sensationnelles...
RépondreSupprimerPar contre l'affaire des 134 milliards, elle, est concrètement et matériellement attestée par l'étalage de titres que vous pouvez voir sur la photo.
@michelvolle:
RépondreSupprimerOui je vous rejoins sur la prudence, le titre de l'autre article se termine par un point d'interrogation alors que le vôtre peut s'afficher comme affirmation.
Pour l'autre article l'auteur signale toutefois que le NYT en a parlé.
Ces deux affaires que j'ai mis en connexion (peut-être à tord mais bon ça on verra) ont quelques points en commun comme par exemple le montant inimaginable des sommes en jeu ( c'est surtout cela qui me fait dire incroyable!) et le coté surréaliste de leur histoire respective, j'en reste bouche bée ...
A l'ère des transferts électroniques d'argent, cela fait plaisir de voir que le transfert de fond "à l'ancienne" possède encore quelques adeptes.
RépondreSupprimerEn revanche, cela ressemble fort à une simple escroquerie. Sinon, l'histoire serait trop belle.