Votre expérience de la politique est riche, vous vous préparez à exercer la plus haute fonction, mais comme vous n'avez jamais travaillé dans une grande entreprise vous ne pouvez pas savoir ce qui s'y passe.
Les ingénieurs n'ont certes pas votre compétence en politique, cependant ils vivent dans l'entreprise. Nous allons tenter ici de décrire, sans prétention, les enseignements qu'apporte cette expérience-là sur la crise économique et sur la façon d'en sortir. Vous trouverez peut-être cette lettre un peu longue, mais il n'est pas possible de condenser tout cela en une note de deux pages.
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Il suffit de visiter des usines pour voir qu'elles sont souvent remplies de robots. Les rares emplois que l'on y rencontre sont consacrés à la supervision et à la maintenance des automates ainsi qu'à l'emballage des produits. Si, par hypothèse, vous obteniez que les productions qui ont été délocalisées reviennent en France, elles y adopteraient cette même organisation automatisée. Il ne faut donc pas compter sur les usines pour assurer le plein emploi : l'époque où l'emploi de masse était à la fois la condition et le débouché d'une production de masse est révolue.
Depuis le milieu des années 1970 le système productif s'est informatisé, et cela a conduit les entreprises à automatiser les opérations répétitives. On utilise le mot « numérique » pour désigner ce phénomène dont l'Internet est une des dimensions. Cependant les programmes, plans et projets des partis politiques ne considèrent que son amont (microélectronique, logiciel, réseau) et son aval (Web, médias etc.).
Ils ne parlent jamais de son cœur, qui est l'informatisation du système productif. Les seules entreprises dont ils évoquent l'informatisation sont les PME dont on suppose, avec quelque condescendance, qu'elles n'ont pas encore compris le parti qu'elles pourraient tirer du Web. La grande entreprise, par contre, semble être le domaine réservé de ses dirigeants : elle est protégée du regard par un tabou semblable à celui qui, au Moyen Âge, interdisait d'ouvrir le corps humain.
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Que voit-on donc dans le siège social d'une grande entreprise ? Des personnes qui, sauf quand elles sont en réunion, travaillent devant l'écran-clavier qui leur donne accès à un système d'information.
L'emploi ayant quitté l'usine, où se trouve-t-il ? Dans la conception des produits et dans la relation de l'entreprise avec le monde extérieur, donc pour l'essentiel dans la R&D et la « première ligne » qui assure le contact avec les clients, fournisseurs et partenaires.
Ouvrons ces deux tâches pour voir de quoi il s'agit. « Concevoir des produits », c'est aussi concevoir la façon de les produire : il faut définir, construire et programmer les automates qui réaliseront les tâches répétitives, puis organiser et outiller leur supervision par des êtres humains.
Comme l'ont écrit Bertrand Gille dès 1978, Benjamin Coriat en 1990 puis plusieurs auteurs [1], l'économie est passée vers 1975 d'un « système technique » à l'autre : alors qu'elle s'appuyait naguère sur la synergie entre la mécanique, la chimie et l'énergie, elle s'appuie désormais sur la synergie entre la microélectronique, le logiciel et l'Internet.
La mécanique, la chimie, l'énergie n'ont certes pas disparu mais tout comme l'agriculture au XIXe siècle elles ne contiennent plus la clé de l'efficacité économique. L'industrialisation, naguère synonyme de mécanisation, est désormais synonyme d'informatisation.
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La nature des produits en a été transformée. Considérez l'automobile, produit emblématique de l'industrie mécanisée : elle est devenue un assemblage de biens et de services. À la voiture sont associés des services financiers, de conseil, une garantie pièce et main d’œuvre, l'entretien, des alertes éventuelles, la location etc. L'informatisation et l'Internet ont par ailleurs réduit à presque rien le coût du transport (sauf pour les biens les plus pondéreux) : le marché est devenu mondial.
Cette situation est générale : pratiquement tous les produits sont devenus des assemblages de biens et de services offerts sur le marché mondial et dont la cohésion est assurée par un système d'information. Certains sont de purs assemblages de services : banque, assurance, santé, enseignement, transport etc.
La conception du produit englobe, outre l'organisation de l'atelier qui élabore les biens, la définition des services et l'informatisation du processus de production. La compétitivité d'un tel assemblage dépend autant de la qualité de la relation avec le client – rapidité des dépannages, clarté de la communication, traitement des cas particuliers – que de celle du bien qui est sa composante matérielle : si chez votre concessionnaire automobile le chef d'atelier est désagréable vous changerez de marque de voiture, et une PME changera de photocopieuse si les dépannages sont trop lents.
Un raisonnement économique dont l'exposé serait trop long ici, mais que l'intuition appréhende aisément, montre que dans une telle économie la compétition se fait selon le rapport qualité/prix du produit et non selon le prix seul, chaque produit répondant aux besoins pratiques et symboliques d'un segment de clientèle sur lequel l'entreprise s'efforce de bénéficier d'un monopole [2].
L'entreprise est alors confrontée à des risques extrêmes : sur un marché mondialisé l'innovation la mieux conçue, l’investissement le plus massif peuvent être déjoués par l'initiative d'un concurrent qu'elle n'aura pas vu venir. Il lui sera d'ailleurs souvent difficile de réunir toutes les compétences nécessaires. La production sera donc répartie entre des partenaires qui se partagent le risque et dont un système d'information assure l'interopérabilité. Le montage et l'animation du partenariat requièrent une « ingénierie d'affaires » où culmine l'art de l'entrepreneur.
Lorsque les tâches répétitives sont automatisées le travail humain se focalise sur l'innovation, la réponse à des incidents imprévus, le traitement des cas particuliers etc. Ainsi, alors que l'industrie mécanisée associait à la machine une main d’œuvre, l'industrie informatisée emploie un cerveau d’œuvre auquel elle délègue des responsabilités. Comme un cerveau cesse de fonctionner s'il n'est pas écouté, on ne peut pas utiliser avec le cerveau d’œuvre le mode de commandement autoritaire que l'on avait cru devoir utiliser avec la main d’œuvre : un nouveau type de relation s'impose.
L'« entreprise contemporaine », celle qui sait tirer parti des possibilités que présente le système technique contemporain et qui répond à ses contraintes, est donc un réseau de partenaires qui produit des assemblages de biens et de services. Les usines sont automatisées, l'essentiel de l'emploi réside dans la conception et la première ligne, l'entreprise écoute ses agents. Un système d'information assure à la fois la cohésion de l'assemblage et celle du partenariat.
Si vous avez eu la patience de lire cette lettre jusqu'ici, nous vous suggérons de faire une courte pause avant de continuer cette lecture pour vous représenter, par l'imagination, à quoi ressemble cette entreprise.
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Il saute aux yeux qu'aujourd'hui nombre d'entreprises ne sont pas conformes au schéma de l'« entreprise contemporaine ».
Le passage au nouveau système technique a en effet transformé les conditions physiques, pratiques, de la production comme du rapport de l'entreprise avec le monde extérieur. Il a déstabilisé l'organisation des institutions, l'échelle des degrés de légitimité, la structure des priorités et orientations : il en est résulté de profonds effets anthropologiques (c'est-à-dire tout à la fois économiques, sociologiques, psychologiques, moraux, stratégiques etc.). Il est naturel que les esprits privés de leurs repères habituels s'affolent et que les stratégies soient, dans l'attente de la maturité, définies au rebours de l'efficacité.
Le slogan de la « création de valeur pour l'actionnaire », à la mode depuis le début des années 1980, a ainsi incité beaucoup de dirigeants à trahir l'entreprise en se détournant de la qualité des produits, de l'efficacité de la production, de la satisfaction des clients et des compétences des salariés pour se focaliser sur le cours des actions et sur leurs propres stock-options [3]. Il en est résulté un faisceau de décisions qui, toutes, conspirent sous prétexte de « faire des économies » à détruire le potentiel productif.
Beaucoup d'entreprises préfèrent ainsi avoir des sous-traitants qu'elles peuvent pressurer plutôt que des partenaires avec lesquels il leur faudrait parler d'égal à égal. S'épuisant dans la concurrence par les prix, elles négligent la qualité de leur produit, notamment celle des services rendus aux clients – certaines croient d'ailleurs ces services parasitaires. Elles se débarrassent de leurs déchets sans se soucier de leur traitement, qui leur semble toujours trop coûteux : le sol est pollué par des produits toxiques, l'atmosphère par des gaz à effet de serre.
N'ayant pas trouvé la formule qui permet de distribuer la légitimité sans compromettre le pouvoir des dirigeants, elles refusent aux agents l'écoute qui leur permettrait d'assumer les responsabilités qu'elles leur délèguent. Alors que le système d'information, qui concrétise une écologie mentale, devrait être le levier de leur stratégie, elles se donnent pour seul but de réduire le coût de l'informatique. Elles préfèrent enfin délocaliser la production vers des pays à bas salaires pour éviter l'effort que demande l'automatisation.
Dans le secteur financier, par exemple, l'informatique et l'Internet ont favorisé l'unification mondiale du marché des actifs et l'automatisation a été poussée au point où personne – ni les dirigeants, ni même les mathématiciens qui conçoivent les algorithmes – n'est capable de maîtriser ses effets. On ne doit donc pas attribuer aux « marchés » un jugement ni une volonté : la finance est devenue un automate déchaîné qu'aucune supervision ne contrôle. N'est-il pas étrange d'ailleurs que l'on accorde tant d'autorité à des « marchés » qui se tournent contre les États qui les ont sauvés de la faillite en 2008, et à des agences qui ont contribué à celle-ci en donnant la meilleure note à des produits empoisonnés ?
Les politiques, eux aussi déconcertés, ont cru trouver dans le déchaînement de la concurrence le remède à tous les maux : les marchés nationaux se sont ouverts sans discrimination à toutes les importations, les économies d'échelle que comportent les réseaux et les externalités positives qu'ils apportent ont été compromises.
Les consommateurs, de leur côté, choisissent encore souvent les produits selon le prix et non selon le rapport qualité/prix. Ainsi ni les entreprises et plus généralement les institutions, ni les consommateurs, ni les politiques ne savent comment tirer parti du système technique contemporain. Il en résulte une inefficacité massive ou, comme disent les économistes, un « déséquilibre » générateur de crises qui se répéteront, sous des formes diverses, aussi longtemps que l'économie ne sera pas parvenue à l'équilibre, aussi longtemps que les entreprises, les institutions et les consommateurs tourneront le dos à l'efficacité.
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Considérons le chômage : s'il est élevé, cela signifie que le pays ne sait pas utiliser la totalité de sa force productive et donc que son système productif est mal organisé. Certes, la mission de l'entreprise n'est pas de « créer des emplois » : elle est de produire efficacement des choses utiles, non d'être une garderie de salariés. Par contre l'exigence du plein emploi s'applique au système productif dans son entier : c'est donc l'affaire des institutions qui agissent au plan de la macroéconomie, de l’État, des syndicats, des partis politiques et du patronat.
L'usine s'étant vidée de ses ouvriers l'essentiel de l'emploi réside, nous l'avons dit, dans la conception et la première ligne : c'est dans ces deux fonctions que la force productive doit pouvoir se manifester. Mais tant que les entreprises, tant que les politiques persévéreront à croire que les services sont parasitaires, que seule compte la production des biens et que le réalisme consiste à maltraiter le client, les emplois de la première ligne seront négligés et la force productive sera étouffée.
Considérons le commerce extérieur. On s'inquiète du déficit de la balance commerciale, on préconise de développer ou rapatrier les usines en France car ce sont les biens qui s'exportent et non les services. C'est oublier que ce qui importe n'est pas tant la balance commerciale que la balance des transactions courantes, somme de la balance commerciale et des autres flux de revenus.
Revenons au schéma de l'entreprise contemporaine, point d'aboutissement des tendances qu'implique le système technique contemporain. Ses usines, automatisées, doivent être localisées dans le monde selon un compromis entre la maîtrise des dépenses de logistique, d'une part, et les exigences de l'articulation entre R&D et production d'autre part (expérimentation, supervision, contrôle etc.).
Ce compromis s'oppose autant à une délocalisation qui vise à réduire le coût de la main d’œuvre en évitant l'automatisation, qu'à une concentration indifférente aux dépenses de logistique et qu'à une dispersion indifférente aux exigences de la conception.
Le flux de la richesse dépend en fait moins des échanges de biens que du partage des recettes et dépenses entre les partenaires. Ce partage est défini et contrôlé par l'entreprise qui, ayant conçu le produit, la façon de le produire et l'ingénierie d'affaires, anime le partenariat dont elle assure l'interopérabilité et l'intermédiation financière. Un pays qui veut conserver son influence et son droit à la parole dans l'économie contemporaine doit donc susciter la formation de telles entreprises.
Cependant un risque se présente : si les entreprises pratiquent l'optimisation fiscale, elles détourneront le flux de richesse et en priveront le pays. C'est ce qui se passe déjà aujourd'hui avec l'encouragement des banques et la complicité de certains partis politiques auxquels les paradis fiscaux, qui sont aussi des « paradis du blanchiment », procurent un financement illicite mais discret.
Ainsi apparaît le problème politique essentiel. S'adressant au marché mondial, l'entreprise contemporaine est internationale même si ses racines sont nationales. Dès lors elle entretient avec le pays le même rapport que les grands seigneurs à l'époque de la Fronde : pour promouvoir leurs intérêts et ambitions un Turenne, un Condé etc. ont servi tantôt la France, tantôt ses ennemis.
L'économie la plus moderne, et potentiellement la plus performante, est donc confrontée à une résurgence de pouvoirs prédateurs dont l'émergence économique et politique des structures mafieuses est une illustration. Tout comme les grands féodaux ont su utiliser des ressources qui échappaient au contrôle des États à commencer par l'or, des réseaux privés mondiaux utilisent des systèmes d'information pour dissimuler et blanchir le résultat d'activités délictueuses.
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La France a été bâtie par des hommes d’État qui voyaient clairement les contraintes et possibilités de leur époque : Louis XI, Catherine de Médicis, Henri IV, Richelieu, Mazarin, de Gaulle, Mendès-France etc. Au début du XIXe siècle Napoléon avait vu dans la mécanisation une priorité [4]. Quels sont, parmi les politiques d'aujourd'hui, ceux qui voient que la priorité est de réussir l'informatisation du pays, de son économie ?
Nous avons besoin d'hommes d’État qui sachent utiliser les ressources de la diplomatie comme de la force pour instaurer l'équilibre économique du système technique contemporain, tourner au profit du pays son rapport avec les entreprises et contenir les prédateurs tout en tenant compte de l'action des autres pays et des institutions internationales (Europe, ONU etc.).
Pour pouvoir agir de la sorte, il faut avoir compris les transformations anthropologiques qu'a provoquées le changement de système technique, percevoir les possibilités qu'il ouvre comme les risques qui les accompagnent.
Qui serez-vous donc une fois élu, Monsieur le président de la République : un Mazarin ou un Louis XV ?
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[1] Bertrand Gille, Histoire des techniques, Gallimard, La Pléïade, 1978 ; Benjamin Coriat, L'atelier et le robot, Christian Bourgois, 1990.
[2] Michel Volle, e-conomie, Economica, 2000.
[3] C'est le président de General Electric, Jack Welch, qui a lancé la mode de la « shareholder value » lors d'un discours à l'hôtel Pierre de New York en 1981. Il a changé d'avis par la suite : « Shareholder value is the dumbest idea in the world. Shareholder value is a result, not a strategy... your main constituencies are your employees, your customers and your products » (Francesco Guerrera, « Welch rues short-term profit ‘obsession’ », Financial Times, 12 mars 2009).
[4] Dans le traîneau qui le ramène de Russie en décembre 1812 l'Empereur se confie à Caulaincourt « On a beau faire, dit-il, c’est moi qui ai créé l’industrie en France. Le but du système continental est de créer en France et en Allemagne une industrie qui l’affranchisse de celle de l’Angleterre ».(Caulaincourt, Mémoires, Plon, 1933, vol. 2, p. 215 et 261).
Michel, ton texte est excellent. Puisse-t-il être lu par les candidats, et surtout mis en application par celui qui sera élu ! Il y faudrait, outre de la lucidité, du courage et de l'abnégation. Je te laisse le soin d'estimer l'espérance mathématique d'une telle conjonction au sommet de l'État.
RépondreSupprimerCette volatilité des propriétaires de l'entreprise que vous décrivez, qui fait que leurs intérêts ne s'attachent à aucune nation en particulier, me fait venir deux remarques :
RépondreSupprimer- il existe des structures comme les SCOP qui font rempart à cette volatilité, non pas tant à cause d'un supposé amour patriote ou du prochain, mais plus prosaïquement par répartition des bénéfices sur l'ensemble des personnes qui composent l'entreprise, permettant donc mécaniquement une localisation des impôts dans le pays de la SCOP (je ne connais pas de SCOP internationale, mais on peut généraliser à l'ensemble des pays dans laquelle une SCOP existe).
- Plus généralement, votre billet peut poser il me semble le problème de la propriété de l'entreprise. Si les cerveaux doivent être entendus, si les responsabilités sont déléguées, si la légitimité ne vient plus d'une position mais plutôt d'un rôle, alors on peut remettre en question la propriété de l'entreprise, aujourd'hui concentrée dans les mains de ceux qui lui apportent un capital. On peut trouver des contre-exemples ancrés dans une volonté individuelle de ne pas suivre ce modèle, mais généralement le capital ayant peu d'attaches nationales, son seul but est la rentabilité, avec toute la difficulté qu'il y a à s'assurer que les richesses de l'entreprise bénéficient aussi au pays et aux personnes qui lui permettent de fonctionner.
Si la propriété de l'entreprise était répartie entre ceux qui lui apportent un capital et ceux qui lui apportent leur travail, il y aurait me semble-t-il une meilleure efficacité de fonctionnement car ceux qui sont concernés au premier chef sont aussi ceux qui peuvent agir dans l'entreprise (vous parlez du sens donné au travail, de la responsabilité face aux déchets, etc.) et une plus grande facilité à partager la richesse produite par cette entreprise, étant donné qu'une partie de ces propriétaires sont des personnes physiques facilement localisées géographiquement.
Je suis d'accord sur tout, ce qui m'empêche de donne un point de vue circonstancié.
RépondreSupprimerAu fond, vous faites passer l'idée que l'entreprise étendue, la marche en avant vers les services industrialisés, brouillent les pistes et les repères. On le vit et on l'observe dans le privé, dans nos secteurs. Beaucoup moins dans les cabinets ministériels.
Il faut faire un gros effort d'imagination, de connaissance, de volonté, de travail, d'honnêtté intellectuelle, sans tabou, en se fondant sur un benchmarking intelligent, vaste et varié. On en est loin. Je sensible à votre argumentation parce que je suis dedans, mais quid des politiques ? D'ailleurs vous vous en doutez un peu puisqu'au milieu de votre démonstration, vous leur faites un clin d'oeil en disant que s'il vous ont lu jusque là, c'est bon signe...
Il me semble que depuis quelque temps, Bayrou comprend un peu. Non ?
Pour avoir travaillé avec Bertrand Gille pendant les années 70, lors de la publication des la revue "culture technique", qui a été mise en ligne depuis par l'INIST, je peux témoigner que sa conception des systèmes techniques n'était à l'époque pas aussi globale.
RépondreSupprimerC'est à l'occasion de deux enquêtes dirigées par Philippe Roqueplo, auprès de 300 puis de 1200 ingénieurs de toutes spécialités, que l'idée d'un changement global de système technique comme changement de civilisation s'est imposée.
Dès lors, les discours que nous tenons depuis lors est le suivant : le système technique de la civilisation industrielle était dominé par l'axe matière-énergie ; celui de la civilisation cognitive du 21ème siècle est structuré par un axe qui va de la contraction du temps (la nano puis la femtoseconde) à la relation, actuellement en déséquilibre, avec la nature. Oublier ce second point, c'est persister dans l'affairisme et livrer à nos descendants une planète invivable.
Amitiés
@thierry gaudin
RépondreSupprimerJ'ignorais le rôle de Roqueplo dans la prise de conscience du changement de système technique, merci de l'avoir signalé.
L'entreprise n'est autre, en tant qu'institution, que l'interface entre la nature et la société. Il dépend d'elle que la relation avec la nature soit équilibrée ou non. Il est trop évident qu'aujourd'hui elle ne l'est pas.
Très juste. Je partage l'avis de Laurent Bloch quant aux chances de voir ces idées aboutir. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut désespérer. Tentons d'agir comme vous le faites sur ce blog: merci!
RépondreSupprimerL'adresse à l'ensemble des présidentiables est une bonne idée. Le début de la Lettre explique très pédagogiquement la mutation du système productif. Par contre, il y aurait des compléments à apporter sur les développements du nouveau système productif qui impactent les modes de vie de nos concitoyens.
RépondreSupprimerLes politiques veulent le maximum des votes. Or ces votes résultent de la compréhension de femmes et d'hommes qui sont simultanément engagés dans toutes sortes de contrats sociaux et d'usages et plongés dans des incertitudes sur l'avenir de leurs ressources : quelle espérance d'emploi ? quel coût de l'immobilier ? quel coût des études des enfants ? quel coût des énergies (gaz, électricité, pétrole), quel coût des relations et des accès aux biens culturels ? quel coût de la santé arrivé le moment de la vieillesse ? quel coût sur le patrimoine au moment d'une catastrophe écologique ?
Quels impacts le nouveau système productif a sur l'évolution des coûts de ces ressources ? Michel, tu ne parles que d'impact sur l'emploi, mais il y a tous les autres domaines du quotidien à analyser.
Ce qui est paradoxal, c'est que les coûts de beaucoup de ressources classiques devraient baisser, or ils augmentent. Du coup, de nouvelles ressources potentielles issues du nouveau système productif ne trouvent pas de marché, puisque les acheteurs sont pauvres.
Une des racines de la crise actuelle a été l'augmentation artificielle des dépenses des ménages américains, grâce à des crédits distribués à tout va, puisque les dirigeants ne voulaient pas augmenter les salaires. De là s'en est ensuivi l'incapacité des ménages modestes à rembourser leurs crédits.
A mon avis, le nouveau système productif s'est accompagné d'une créativité dans l'ingénierie socio-économique (ex: subprime, tarification télécom, tarification des semences..). Jusqu à maintenant, les évolutions socio-économiques étaient plus ou moins cadrées par les lois, lois discutés par des députés qui devaient rendre des compte à leurs électeurs.
Maintenant, quand un consultant a une "idée", quand cette idée est validée par un manager, le système d'information l'implémente de façon plus rapide et plus profonde que le ferait une loi. Personne dans la population ne peut remettre en cause cette idée : le consultant et le manager reste anonyme.
Mon diagnostic personnel est que les politiques "ont perdu la main". Pour qu'ils retrouvent une maîtrise, il faudrait qu'ils disposent de leur propre système d'information, et que ce système d'information s'impose aux systèmes d'information des acteurs privés.
Prenons l'exemple de la crise de l'euro. Ce n'est pas simplement une question de crédits à accorder à tel ou tel pays. C'est l'impossibilité à envisager un système d'information qui serait unifié sous l'égide de la BCE.
Souvenons nous du retard de l'Airbus A 380 : 1 an. Deux systèmes de métrique de cablage étaient utilisés, l'une française, l'autre allemande. Les dirigeants d'EADS n'ont pas voulu les refonder dans une métrique unique. Résultat : lors de l'assemblage de la partie française et de la partie allemande, il a manqué 50 cm pour relier les connecteurs terminant les cables !!
Finalement, il a fallu concevoir une métrique unique et ré étudier le cablage. Retard : 1 an.
Les agences de notation ont leur propre système d'information. Pourquoi l'Europe n'aurait-elle pas "son" système d'information bancaire et ses propres méthodes d'évaluation.
@tous
RépondreSupprimerJe signale la "Lettre au président publiée par Thierry Gaudin en 1995.
J'adhère, ô combien, à ce texte limpide et pédagogique.
RépondreSupprimerJe me bats, également, dans mon blog, et partout ailleurs, pour faire reconnaitre que nous avons changé radicalement de système socio-technique. Nous sommes passé de l'ère de la main-d'oeuvre à celle du "cerveau d'oeuvre". Cela change tout. Ne trouvons pas dans le XXe siècle les réponses aux défis du XXIe siècle... J'ai écrit ce texte, que je ne vais pas paraphraser, pour tenter une publication dans la presse économique... Voici quelques extraits qui vont dans le même sens que Michel. C'est en cours, j'espère... Courage à tous, nous finirons bien par être entendus.
L’entreprise doit apprendre à gérer ses actifs numériques
.../... l’informatique ne sera plus un élément d’infrastructure, piloté par les coûts, mais sera devenue l’essence même de l’entreprise, se confondant avec ses processus, nourrissant par un flux constant d’informations complexes tous les rouages de l’organisation.
Il s’agit là d’une autre aventure qui dépasse le champ de la technique et impose un changement radical dans l’attitude des dirigeants. Ils ont pu pendant des décennies déléguer la construction et le pilotage de la « mécanisation » des processus manuels historiques des entreprises, couches d’activités régaliennes, logiques transactionnelles que les ERP ont réussi à traiter efficacement non sans douleur initiale. La révolution informatique est ponctuée depuis cinquante ans de grandes phases de rupture où se mêlent innovation réelle et souvent emphase marketing. Mais le PC, les ERP, les logiciels de CAO ont changé de nature le traitement de l’information. Ces révolutions passées n’ont pas toutefois changé la nature de l’entreprise. Elles n’ont pas altéré le fonctionnement historique en silos et en pyramides, ni la segmentation des compétences.
Cette fois, ce sont les dirigeants et les métiers qui sont en première ligne. Les directions du marketing ont été les premières à en mesurer la portée. Connaitre et comprendre intimement le client est devenu le ressort vital de la compétitivité. Les entreprises nées dans le monde du web pour faire de l’e-commerce pratiquent à merveille la symbiose entre leur modèle marketing et les techniques du web. Les webanalytics sont le symbole de cette cohérence intime. L’information, minute après minute, est l’actif majeur de l’entreprise qui pilote son chiffre d’affaires comme en régate.
Jamais l’humanité n’aura produit, échangé, stocké autant d’informations. Le MIT estime qu’en une année nous produisons cent fois toute l’information produite depuis l’origine de l’humanité et ce chiffre croît de façon exponentielle. Ces informations sont la matière première de la décision dans tous les domaines de l’activité, que ce soit pour le consommateur final devenu son propre expert et s’appuyant sur l’avis de ses pairs, ou pour le fournisseur en entreprise étendue, partenaire en co-design de la conception et de la vente de produits complexes dont la totalité de la gestation est désormais numérique.
Mais rien ne pourra ralentir la transformation en cours. Elle est radicale. Elle va alimenter une nouvelle ère de performances économiques basée sur le rapprochement fertile d’informations naguère isolée et ignorées. Non seulement les hommes échangeront les informations pertinentes pour prendre, à chaque instant, des décisions informées, et en rendre compte, mais ils le feront en compagnie de machines elles-mêmes connectées en réseau, l’internet des objets.
Jean-Pierre Corniou, DGA Sia Conseil
Bonjour à tous
RépondreSupprimer1/ Cette lettre n'est pas que pour les présidentiables. C'est une synthèse parfaite de l'ensemble des idées de Michel Volle concernant l'informatisation de la société. Ceux qui ne connaissent pas les travaux de Michel peuvent creuser d'avantage dans ce site pour comprendre tous les raisonnements aboutissant à cette "lettre aux présidentiables". Un président seul, ne peut rien faire, il faut l'appui de la population et il est important que nous prenions connaissance de cette Transformation Silencieuse(au sens François Jullien).
2/ Maintenant que nous avons le constat et que nous comprenons cette Transformation Silencieuse de l'informatisation de la société. Que peut faire un président ? Créer un ministère spécifique dédié à ces questions (ou renforcer le ministère de l'économie/industrie), quel en serait la mission et les priorités car le chantier est immense. On pense à l'instruction des enfants et des adultes concernant la puissance de l'informatisation. On pense à la défense nationale. On pense à l'optimisation des services publics. On pense favoriser les projets économiques correctement structuré en système d'information etc.
Merci Michel
Olivier PIUZZI
Michel, merci pour ce texte très pédagogique. Je crains qu'il ne soit trop long pour nos politiques qui ne font que "surfer" sur l'évènement plutôt que de creuser les sujets.
RépondreSupprimerIl ne faut pas se décourager et continuer à émettre des idées. Elles finissent par s'imposer.
Amicalement
Bernard Bougel
@bougel
RépondreSupprimerUn politique qui ne sait pas lire usurpe sa fonction : voir http://michelvolle.blogspot.com/2011/12/un-dirigeant-doit-savoir-lire.html
Bravo Michel pour ce texte, synthèse millimétrie de "ce qu'il faut comprendre" de l'entreprise d'aujourd'hui. J'espère que les présidentiables seront ainsi mieux armés pour poser les bonnes questions aux entrepreneurs et salariés auxquels ils rendent visite !
RépondreSupprimerMerci à Francis Jacq et Jean-Pierre Corniou pour leurs commentaires très instructifs. Je me suis permis de citer cette lettre sur mon blog ( http://demsf.free.fr/index.php?post/2011/12/16/Sortir-de-la-crise-en-trois-lectures-concretes ) sous l'angle de : c'est l'économie réelle qu'il faut regarder en priorité (plus que la finance, plus que la macro-économie).
Pour compléter votre présentation, quelles sont les décisions politiques récentes qui ont entravé la marche des entreprises françaises et quelles sont celles qu'il conviendrait de prendre pour la favoriser à l'avenir ?
RépondreSupprimerLes présidentiables devraient également prendre conscience que l'informatisation concerne aussi le coeur du "modèle français", à savoir la gestion de l'impôt sur le revenu et celle des différentes branches de la Sécurité sociale. Les administrateurs de l'INSEE que nous sommes avons de quoi être consternés par la piètre utilisation des informations colossales qui passe par les ordinateurs publics. On sait en quelques secondes s'il y a un gagnant au Loto, et où a été pris le ticket gagnant, et on n'est pas foutu d'équilibrer dans la transparence les budgets de l'État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale... Voir :
RépondreSupprimerhttp://www.hemmelel.fr/blog/2010/10/24/programme-pour-un-nouveau-gouvernement/
Une fois de plus, un texte pertinent, sensé et qui ne cache pas les problèmes auquels nous sommes confrontés !
RépondreSupprimerTon écrit doit être lu par nos politiques car cela leur permettrait de prendre la mesure du chantier qui les attend.
La diplomatie ? La France a quasiment disparu de la scène diplomatique internationale et sa position géopolitique d'aujourd'hui n'est guère enviable. La faute en incombe malheureusement, à quasiment 100 %, à nos politiques qui n'ont pas su représenter dignement la France aussi bien dans leurs actes que dans leurs décisions.
Les entreprises du CAC 40 ? Certaines ressemblent à des garderies !
Le chômage ? Va-t-il falloir attendre d'être dans une situation compable à celle de l'Espagne avant de réagir ? 46 % de chômage pour les jeunes de 16 à 24 ans fin 2011 et près de 22 % au global !!!
Alors ensuite, une question peut se poser, est-ce qu'il est trop tard ? Peut-on encore limiter les dégâts ? Est-ce que la France peut se relever toute seule ?
Faut-il être optimiste et peut-être un peu rêveur comme Jean-Claude Trichet qui dans une tribune ouverte dans le Journal suisse "Le Temps" daté du 29/12/2011 écrit "Nous ne devrions pas regarder en arrière. Il faut nous tourner résolument vers l'avenir - vers des opportunités d'amélioration collective et vers la possibilité pour chaque pays d'être le plus fort et plus prospère dans une union qui fonctionne bien" ou bien sombrer dans le pessimisme comme Joseph Stiglitz qui pense que 2012 marquera l'effondrement de l'UE et la fin de l'euro ?
En fait, si la France peut encore s'en sortir seule, est-ce que nos politiques et ceux qui seront élus en seront capables ? S'appuieront-ils sur les bonnes personnes et choisiront-ils les bons mécanismes ?
J'en doute !
Maintenant, tout n'est pas joué !
Les favoris d'aujourd'hui ne seront peut-être pas ceux de demain et une véritable alternance est possible !
Le rêve est permis, c'est le début de l'année ! Et en plus, 2012 est l'année du Dragon ! Des années de changements qui dégagent beaucoup d'énergie positive... mais qui peuvent aussi entraîner des désastres !!!