Ce système repose en effet sur la confiance. La confiance est une affaire d'image et l'image d'une banque peut s'effondrer en un instant, entraînant par le mécanisme des dominos les autres à sa suite : d'où l'importance de la communication.
Pour conserver une image favorable, les banques doivent tout faire pour paraître sérieuses et donner l'impression qu'elles font passer l'intérêt du client avant tout. Cette image étant fragile, elles veillent à ne rien faire qui puisse la mettre en danger.
Frédéric Oudéa a donc demandé à Le Bret de ne pas publier son livre. Le Bret l'a publié quand même, car il estimait devoir faire connaître au public la façon dont les choses se passent à la tête des grandes entreprises : il a dû démissionner de Boursorama, filiale de la Société Générale dont il était le président.
Le livre a du succès, mais Le Bret se retrouve sur le sable de la traversée du désert. Quand un dirigeant démissionne, les amis se font rares et les ceux auxquels il a rendu service lorsqu'il était puissant n'en conservent aucun souvenir.
Le Bret vit de l'épargne qu'il avait accumulée, le futur l'inquiète. Puis il décroche un contrat de conseil, un autre, enfin ses affaires redémarrent. C'est à ce moment-là qu'il fait la connaissance de Ryad Boulaouane et que l'aventure de NoBank commence.
Ryad Boulanouar est un ingénieur passionné par l'électronique et l'informatique. Il été le chef de projet du passe Navigo et le directeur technique du projet de porte-monnaie électronique Monéo. Il a l'idée d'un compte de paiement, NoBank, qui tirerait intelligemment parti de l'informatique pour simplifier la vie de l'utilisateur, le tenir au courant par SMS de la situation de son compte, et pour lequel les bureaux de tabac tiendraient lieu d'agence.
L'idée est ingénieuse mais pour la mettre en œuvre l'expertise en informatique ne suffit pas : il faut aussi bien connaître la Banque, ses contraintes de sécurité, ses règles, il faut savoir négocier avec les régulateurs. C'est là le rôle de Le Bret.
Le nom NoBank sera finalement abandonné, parce que « no » est négatif et que le système en question, réduit à un compte de paiement, n'est pas vraiment une banque : ce sera finalement le « compte Nickel » (http://www.compte-nickel.fr).
Il a fallu trouver un système de carte de crédit : c'est MasterCard. Il a fallu une banque qui sécurise les dépôts en jouant le rôle d'un coffre-fort : c'est le Crédit Mutuel Arkéa. Il a fallu obtenir l'agrément de l'ACPR (« Autorité de contrôle prudentiel et de résolution » de la Banque de France), qui vérifie soigneusement tous les détails techniques.
Tout est vérifié, tout va bien... mais l'ACPR fait tourner le modèle d'affaires en posant des hypothèses pessimistes, et conclut que le projet ne pourra être lancé que si le capital est augmenté de quelques millions d'euros.
Le Bret se lance dans la course pour trouver des investisseurs. Tous les fonds d'investissement et toutes les grandes entreprises refusent. Finalement le capital sera trouvé auprès de personnes ou d'entrepreneurs que le projet séduit assez pour qu'ils y investissent leurs propres ressources.
L'agrément de l'ACPR arrive enfin en avril 2013. Il faut encore qu'elle agrée chacun des buralistes chez lesquels l'accès au compte Nickel sera installé. Le système est ouvert au public en janvier 2014.
* *
L'intérêt du livre réside dans les détails de cette aventure, dont Le Bret partage les péripéties avec le lecteur de façon très vivante. Il est aussi dans la leçon que l'on peut en tirer.
Les systèmes d'information des banques sont désuets, lourds, et elles hésitent à les refaire parce que l'investissement est coûteux. Un informaticien expérimenté comme Ryad Boulanouar, qui connaît aussi bien l'électronique que la programmation, est en mesure de concevoir un système qui facilite la vie de l'utilisateur et lui rende des services qu'aucune banque ne sait offrir.
Mais il faut surmonter des obstacles réglementaires et monter des partenariats : cette ingénierie d'affaires exige un négociateur expert, et c'est là qu'intervient Hugues Le Bret.
Le lancement du compte Nickel résulte de l'alliage des deux compétences. Sans l'informaticien, pas de système, car il faut que la plate-forme physique fonctionne. Sans le négociateur, pas de système non plus, car il faut s'insérer dans le contexte institutionnel.
Voici donc la formule du succès : une compétence pointue en informatique, alliée à une compétence également pointue en ingénierie d'affaires, se mettant toutes deux au service d'un projet assez motivant pour qu'elles aient l'énergie et la patience qui permettent de surmonter les obstacles.
C'est un exemple à méditer.
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