« Il nous faudrait un projet », vous dit-on. Vous en proposez un. « Il nous faudrait un projet », vous dit-on encore. Votre proposition n'a pas été entendue. On ne vous dit pas que ce projet n'est pas le bon, ni qu'il faudrait l'améliorer, car on n'y entre pas : on l'ignore. Vous souhaiteriez une discussion, on vous la refuse.
Vous dites « il faut s'orienter vers l'iconomie ». On vous répond « qu'est-ce que l'iconomie ? ». Vous énoncez une définition, la même personne demande encore « qu'est-ce que l'iconomie ? ». Vous répétez la définition, et de nouveau : « qu'est-ce que l'iconomie? », etc.
Après avoir dit « il nous faudrait un projet », on ajoute « nous n'avons pas besoin d'une théorie : ce qu'il faut, c'est avancer à petits pas dans la bonne direction ». Mais comment trouver « la bonne direction » si l'on n'a pas examiné la situation et tiré au clair des relations de cause à effet – ce qui, qu'on le veuille ou non, constitue une théorie ?
Ces personnes qui vous interrogent voudraient bien avoir un projet, une orientation, mais pas au point de faire l'effort d'entendre, de lire, de réfléchir, pas au point de faire l'effort de penser. La situation n'est apparemment pas encore assez dramatique.
Il ne faut pas croire qu'une démonstration puisse convaincre, qu'une définition puisse se partager : cela n'est vrai que pendant les cours de maths, et encore. Dans la vraie vie, seuls les démagogues se font entendre car ils savent, eux, comment il convient de répondre à des interrogations sans objet, des inquiétudes sans sujet, de vagues désirs sans urgence.
Tout cela me rappelle un sketch d'Anne Roumanoff : un enfant pose des questions à sa maman et chaque réponse est suivie d'un nouveau « pourquoi ? » jusqu'à ce que Maman, excédée, réponde « Merde ! ».
La réponse de Maman est souvent la bonne !
RépondreSupprimerCela me remémore des cas du même type, vécus il y a N années. Nous proposions des orientations, des projets, pour "changer les choses" dans la manière de faire et considérer l'informatique.
RépondreSupprimerCas 1 - un chef de projet bien capé me prévient : ça n'est pas acceptable si ça vient de toi, fais-toi voler tes idées. J'ai fait l'expérience finalement assez souvent, c'est évidemment lassant et parfois risqué, les idées pouvant "revenir" complètement déformées, tordues (ainsi par exemple concernant l'urbanisme des SI !)
Cas 2 - Réponse immédiate à nos propositions : silence et raillerie. Mais plus d'un an après un patron téléphone, se souvenant de ce qui était proposé, demandant si nous étions "prêts à y aller". Il faut du temps et les bonnes circonstances pour que les idées germent.
Cas 3 : On nous a dit que "les autres" font mieux que nous, qu'il suffit d'acheter ce qu'ils font. Et c'est ainsi ... que nous avons acheté à l'extérieur un produit que nous avions développé en interne.
Vos idées ne seraient-elles pas mieux accueillies si elles étaient publiées aux USA ?
J'ai souvent utilisé le cas n° 1, tout au moins tant que je n'étais pas responsable de troupes qu'il faut défendre et valoriser. J'appréciais particulièrement qu'on vienne me proposer la nouvelle idée que j'avais glissée quelques temps auparavant dans une oreille oublieuse et je n'ai jamais revendiqué la paternité. Mais c'est parfois un peu frustrant ; il ne faut pas avoir une mentalité de propriétaire. Néanmoins, la mise en concurrence des collaborateurs entre eux qui est devenue monnaie courante ne doit plus permettre ce genre de comportement.
RépondreSupprimerPareille, j'ai un cas personnel de quelques mois. Le plus frustrant, c'est juste dans le cas ou l'équipe qui a eu 'l'idée' se gargarise un peu trop. Je le fait surtout pour le bien être financier de mon entreprise, si elle va bien, je vais bien.
SupprimerUn sous traitant ma fait remarquer que les lauriers iront probablement à la mauvaise personnes, ça l'a un peu surpris de voir mon détachement à ce niveau.
Tout le système français fonctionne comme cela. Dans le monde de l'Education, on ne demande pas l'avis des enseignants qui sont avant des professionnels dans leur spécialité. On décrète qu'il faut innover les méthodes d'enseignement parce que c'est comme ça. Au lieu de demande aux profs "selon vos expériences, qu'est-ce qui marche ?", on décrète comment il faut enseigner : "Pour avoir un meilleur taux de réussite, il faut faire passer le plus de monde possible dans le supérieur. On supprime ce qui est difficile, on supprime les punitions, on supprime les exigences, on supprime les notes...". Pour la formation des enseignants, on ne demande pas non plus ce qu'ils ont besoin. Là aussi, on décrète qu'il faut de la formation continue. Il faut tant de stages, et après, on se demande quel intitulé choisir. On crée le récipient, et après, on se demande avec quoi on va le remplir. Et c’est pour tout pareil. On achète des ordinateurs avant de se demander ce qu’on va en faire. Et quand un prof dit que ça ne lui sert à rien, au lieu de se poser la question et de remettre en cause le processus de décision, on décrète que le prof est dépassé, qu’il a du mal à s’approprier les outils modernes & merveilleux, qu'il râle tout le temps, qu'il n'arrête pas de faire grève, et ainsi de suite. C’est quand même exaspérant.
RépondreSupprimerPersonnellement, pratiquement rien de ce que propose la structure officielle ne m’est utile, à part les programmes (bon, là, on ne peut pas faire sans.) Ce qui m’est précieux, ce sont les documents que les collègues proposent gracieusement sur internet. La palme, ce sont les accompagnements du programme. Non seulement ils sont inutiles en l’état, il faut tout réécrire (disponibles seulement en pdf, fichiers impossibles à modifier et adapter), mais bien souvent, ils sont totalement déconnectés du niveau des élèves. Et certains sont complètement hors-programme, c’est quand même un comble.
Un bon exemple : l’espérance de la loi géométrique tronquée, dans le doc « ressource pour la classe de première » (page 17). Alors que les élèves n’ont pas, ou viennent de voir, la dérivation, on propose de dériver une fonction donnée sous deux formes, avec paramètre, puis chercher la limite de la suite (tiens, faut des suites), utilisant une majoration par une suite géométrique (en gros le critère de d’Alembert), alors que les limites ne sont abordées qu’en terminale, et que le théorème des gendarmes n’est plus franchement au programme. Franchement, ça intéresse qui, ce genre de truc? Pourquoi ne pas parler des intégrales elliptique ou des corps finis?
Et on paye des gens à ça ?
" un sketch d'Anne Roumanoff "
RépondreSupprimer... ou un morceau de P.Katerine !
http://youtu.be/3QSU6rteafA