mardi 20 août 2019

Automatiser le travail répétitif

Voici le texte de la vidéo diffusée aujourd'hui sur ma chaîne YouTube :

L’ordinateur est un automate programmable, fait pour exécuter tout ce qu’il est possible de programmer.

Les tâches répétitives sont éminemment programmables : elles sont bien définies et ne donnent pas de place à l’incertitude. L’une des conséquences de l’informatisation, ce sera donc d’automatiser les tâches répétitives mentales et physiques.

Dans les usines, des robots s’activent pour remplacer les ouvriers qui jadis, comme Charlot dans les Temps modernes, répétaient toujours le même geste. Dans les bureaux les logiciels ont transformé les tâches administratives comme, par exemple, la recherche des avocats dans la jurisprudence.

Faut-il déplorer l’automatisation des tâches répétitives ? On les jugeait naguère aliénantes et maintenant on déplorerait leur disparition ! Non, il ne faut pas les regretter. Mais que reste-t-il à faire pour l’être humain ?

Eh bien il lui reste le travail non répétitif : les tâches de conception, d’organisation, d’ingénierie, qui réclament une créativité ; la réponse aux incidents et événements imprévisible, qui réclame de l’ingéniosité ; la relation de service avec les clients, qui nécessite de comprendre ce que dit une personne qui n’utilise pas le langage de l'entreprise, etc.

L’emploi se transforme : alors qu’il était naguère majoritairement occupé par la main d’œuvre qui accomplissait des tâches répétitives, il est maintenant majoritairement occupé par un cerveau d’œuvre à qui l’entreprise demande d’accomplir le travail non répétitif. La production des services emploie actuellement les trois quarts de la population active !

Un tel changement a évidemment des conséquences psychologiques et sociologiques. L’image qu’une personne se fait d’elle-même, de son rôle dans la société et de son destin, n’est pas la même qu’autrefois. La répartition des responsabilités, pouvoirs et légitimités n’est elle aussi pas la même. Ce changement a aussi des conséquences économiques : nous verrons que la définition des produits n’est plus la même et que le régime du marché, la forme de la concurrence ont été eux aussi transformés. Nous reviendrons plus en détail sur ces transformations.

Ces conséquences économiques et sociologiques sont tellement importantes que l’on pourrait être tenté d’y voir l’essentiel des effets de l’informatisation. Mais il faut leur ajouter la rapidité avec laquelle les processeurs calculent, que l’on nomme « intelligence artificielle » et qui transforme notre relation avec le monde des choses qui existent dans la nature physique, humaine et sociale.

Dans cette relation le cerveau d’œuvre que nous sommes n’agit pas seul : il s’appuie sur la ressource informatique composée de documents, logiciels et puissance de calcul, il pense et il agit, comme le disait Joseph Licklider en 1960, en symbiose avec l’ordinateur.

Organiser intelligemment cette symbiose est l’un des défis d’aujourd’hui., et il n’est pas sûr que nous soyons en voie de le réussir. Dans les entreprises nombre de directions générales entourent de consignes et de règles le travail des êtres humains sur le terrain, nient la valeur de leur expérience et s’efforcent de les programmer comme si leur cerveau était un ordinateur, tandis que des chercheurs tentent de faire réaliser par l’ordinateur des choses que notre cerveau fait tout naturellement. L’une comme l’autre de ces tentatives tournent le dos à la symbiose qu’il s’agit de réussir.

Dire qu'il faut informatiser les tâches répétitives est donc insuffisant. La règle d'efficacité, plus subtile, est plutôt qu'il convient dans chaque cas d'articuler au mieux de leurs capacités respectives ce que savent faire l'automate programmable et le cerveau humain. Cela suppose un examen attentif de chaque cas particulier : l'informatisation est un art.

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