L'Opinion du 28 décembre a publié un entretien avec Jean-Hervé Lorenzi, fondateur et président honoraire du Cercle des économistes, président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence.
Cet entretien contient un paragraphe qui représente bien l'opinion de la majorité des économistes sur l'informatisation :
« Vous parlez des gains de productivité. En 1987, Robert Solow écrivait qu’"on peut voir les ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité". Et c’est toujours le cas…
« Tout à fait. C’est parce que la révolution numérique n’a pas encore véritablement eu lieu, contrairement à la santé dont les progrès incroyables ont un impact direct sur l’allongement de la durée de vie, ou l’astrophysique qui va permettre la conquête de nouveaux territoires pour le siècle à venir. Schumpeter a très bien décrit le fait que les révolutions industrielles sont toujours un moment particulier où une série d’innovations se renforcent les unes les autres pour créer un nouveau système technique, qui lui-même engendre un nouveau système de consommation avec la création de nouveaux objets. Exemple typique : l’électricité. En quoi les plateformes du numérique ont-elles produit des objets nouveaux ? Le numérique a apporté de grands changements dans l’organisation entre producteur et consommateur, mais rien de plus. Il n’a pas produit de biens fondamentalement nouveaux. Cela ne veut pas dire que cette révolution n’arrivera pas un jour, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. »
Selon Lorenzi les micro-ordinateurs, tablettes, smartphones, l'Internet et les robots ne seraient donc pas des « produits nouveaux » ; les produits que l'informatisation a transformés (automobiles, avions, équipements ménagers, etc.) n'auraient eux aussi rien de nouveau ; la bioinformatique n'aurait pas transformé la biologie ; la finance n'aurait pas été informatisée, pour le meilleur et pour le pire, etc.
Ces économistes-là sont donc aveugles devant la situation présente de l'économie et de la société. Ils n'en voient ni les possibilités, ni les dangers, mais les politiques les considèrent comme des experts et ils sont écoutés (voir « La trahison des clercs »).
Cela a des conséquences : il n'est pas surprenant que la France se trouve à la traîne devant le phénomène de l'informatisation, que ses dirigeants tardent à s'en forger une intuition.
oui c'est assez dingue de lire ça !!
RépondreSupprimerMais la France n'est pas la seule à la traîne
J'imagine la corporation des économistes ne s'arrête pas à l'hexagone.
Je me demande d'ailleurs comment l'astrophysique a un impact significatif sur le PIB ???
On se demande comment le télétravail aurait pu être rendu possible en temps de pandémie sans informatique ?
Et donc la question est de savoir comment mesurer ces gains là (vies sauvées) plutôt que de les nier !
merci de continuer tes écrits Michel !
Olivier Piuzzi
Jean-Hervé Lorenzi semble ignorer que Robert Solow s'est rétracté de sa boutade imprudente. Il faudrait retrouver la référence. En attendant on peut lire Irving Wladawsky-Berger, “A Novel Approach for Measuring the True Impact of the Digital Economy” : https://blog.irvingwb.com/blog/2017/10/a-novel-approach-for-measuring-the-impact-of-the-digital-economy.html
RépondreSupprimerOu encore : “The Solow productivity paradox stems largely from unrealistic expectations. In the early phases of general purpose technologies their impact on growth is modest because the new varieties of capital have only a small weight relative to the economy as a whole.” (Nicholas Crafts, “The Solow Productivity Paradox in Historical Perspective”, CEPR Discussion Paper , janvier 2002, https://wrap.warwick.ac.uk/1673/2/WRAP_Crafts_CEPR-DP3142[1].pdf).
La rétractation de Solow, par exemple ici, interview with Robert Solow by Douglas Clement (2002) :
RépondreSupprimerhttps://www.minneapolisfed.org/article/2002/interview-with-robert-solow
En fait la généralisation du microprocesseur, devenu suffisamment puissant, dans les années 1990 a provoqué une chute spectaculaire
des prix du matériel informatique, d'où sa généralisation, et celle des effets de l'informatisation.