Certains informaticiens s'intéressent aux systèmes d'information, d'autres non.
Il m'est arrivé de participer à des réunions où d'honorables académiciens débattent sur le programme d'un enseignement de l'informatique dans le secondaire. Je leur conseille d'y introduire la conception du système d'information de la classe : gestion d'une bibliothèque de prêt, du cahier de textes, du cahier de notes, de la correspondance avec les parents, documentation des cours, etc.
Cela permettrait aux élèves de voir à quoi l'informatique peut servir. Cette idée est toujours jugée excellente mais elle est oubliée par la suite : je ne la retrouve dans aucun des textes consacrés à ce programme.
La réaction exaspérée d'un de mes amis – grand informaticien qui m'a appris une foule de choses et à qui je dois beaucoup – m'a indiqué la piste d'une explication sur laquelle nous reviendrons.
Le phénomène est général. L'excellent cours d'informatique donné au Collège de France par Gérard Berry ne contient aucune allusion aux systèmes d'information. Donald Knuth ne leur a pas consacré une ligne dans son monumental traité sur l'art de la programmation1. Maurice Nivat, grand théoricien de l'informatique, a été assez modeste pour me dire « ce que tu me dis sur les systèmes d'information est intéressant, je n'y connais rien ». Gilles Dowek et Serge Abiteboul viennent de publier un livre2 où l'expression « système d'information » figure, mais en passant et sans rien en dire.
Ceux des informaticiens qui ignorent les systèmes d'information s'intéressent aux algorithmes, à la structure des langages de programmation, aux compilateurs, à la conception physique et logique des processeurs et des mémoires, aux protocoles des réseaux, à l'« informatique embarquée » qui équipe les avions, automobiles, satellites et, de plus en plus, toutes les machines. Ils ne manquent donc pas de travail, ils font œuvre utile, mais les systèmes d'information sont dans la tache aveugle de leur intellect. Pourquoi ?
mardi 24 janvier 2017
vendredi 6 janvier 2017
Anatomie de l'entreprise : pathologies et diagnostic
(Contribution au colloque « Les métamorphoses des relations Etat-Entreprise » le 7 décembre 2016 à l'Institut d'études avancées de Nantes)
L'entreprise est une énigme pour la science économique, la sociologie et le droit1. Cependant elle existe dans sa diversité et sa complexité, et à défaut d'une théorie on peut la prendre à bras le corps pour agir envers elle et avec elle.
C'est un être vivant car on peut lui assigner une date de naissance et elle mourra un jour. Son cycle de vie peut obéir à divers scénarios que nous allons illustrer en déroulant l'un d'entre eux.
Un cycle de vie
L'entreprise est créée par des pionniers qui ambitionnent de changer le monde en y faisant surgir une institution2 nouvelle, leur entreprise, pour offrir un produit auparavant inexistant.
Si elle passe le cap de la mortalité infantile sa taille augmente et, avec elle, sa complexité : elle définit divers niveaux de responsabilité et délimite des directions spécialisées qu'elle doit coordonner. Bientôt les pionniers partent vers d'autres aventures. Ils sont remplacés par des organisateurs qui « rationalisent » l'entreprise.
Supposons que l'entreprise est prospère. La trésorerie s'accumule, il faut des compétences pour la gérer : le pouvoir de décision glisse dans les mains de financiers pour qui le maître mot est « rentabilité », et qui ne voient la physique de l'entreprise – agents, techniques, produits et clients – qu'à travers les comptes. La poursuite de la croissance passe alors par des fusions et des acquisitions.
L'entreprise est une énigme pour la science économique, la sociologie et le droit1. Cependant elle existe dans sa diversité et sa complexité, et à défaut d'une théorie on peut la prendre à bras le corps pour agir envers elle et avec elle.
C'est un être vivant car on peut lui assigner une date de naissance et elle mourra un jour. Son cycle de vie peut obéir à divers scénarios que nous allons illustrer en déroulant l'un d'entre eux.
Un cycle de vie
L'entreprise est créée par des pionniers qui ambitionnent de changer le monde en y faisant surgir une institution2 nouvelle, leur entreprise, pour offrir un produit auparavant inexistant.
Si elle passe le cap de la mortalité infantile sa taille augmente et, avec elle, sa complexité : elle définit divers niveaux de responsabilité et délimite des directions spécialisées qu'elle doit coordonner. Bientôt les pionniers partent vers d'autres aventures. Ils sont remplacés par des organisateurs qui « rationalisent » l'entreprise.
Supposons que l'entreprise est prospère. La trésorerie s'accumule, il faut des compétences pour la gérer : le pouvoir de décision glisse dans les mains de financiers pour qui le maître mot est « rentabilité », et qui ne voient la physique de l'entreprise – agents, techniques, produits et clients – qu'à travers les comptes. La poursuite de la croissance passe alors par des fusions et des acquisitions.
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