Conférence le 4 décembre 2013 à l'Ecole Polytechnique lors de la 19ème Journée nationale d’Intelligence Economique d’Entreprise
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Les industries issues de la seconde révolution industrielle, fondées sur la mécanique, la chimie et l’énergie, subissent des crises répétées alors que l’ « iconomie », basée sur la généralisation de l’informatisation, n’est en est qu’à ses balbutiements.
Comme chaque révolution industrielle la troisième, celle de l'informatisation, a transformé notre rapport à la nature et donc la nature elle-même. Dans les entreprises, en effet, l'exécution des tâches répétitives physiques ou mentales est confiée à des automates : robots dans les usines, logiciels de classement et de recherche documentaire dans les cabinets d'avocats etc. Il en résulte que le
cerveau d’œuvre remplace la
main d’œuvre dans le système productif : les compétences requises sont profondément modifiées.
Le cerveau d’œuvre forme avec la ressource informatique (l'automate programmable ubiquitaire que constitue l'ensemble des ordinateurs, logiciels, documents et réseaux) un
alliage qui, tout comme le fit en son temps le bronze (alliage du cuivre et de l'étain) concrétise dans les faits des propriétés jusqu'alors purement potentielles. Nous nommons « iconomie » (eikon, image, et nomos, loi) la société que cet alliage fait émerger. L'alliage du cuivre et de l'étain a fait émerger l'âge du bronze à la fin du néolithique : l'alliage du cerveau humain et de l'automate programmable fait émerger aujourd'hui
l'âge de l'iconomie.
Une telle émergence provoque des phénomènes économiques, psychologiques et sociologiques imprévisibles : ils prennent les institutions par surprise car elles sont déconcertées devant les possibilités et les risques que comporte l'âge de l'iconomie. La conscience des risques est obscurcie par des craintes imaginaires (« trop d'information tue l'information ») ou par la portée structurelle attribuée abusivement à un phénomène conjoncturel (« l'automatisation tue l'emploi »).
L'automatisation du système productif confère à celui-ci un caractère hypercapitalistique : la conception d'un nouveau produit suppose en effet un investissement très lourd, puisqu'elle doit comporter la conception et la programmation des automates. Il en résulte que l'iconomie est
l'économie du risque maximum : un seul échec commercial peut compromettre la survie de l'entreprise. L'iconomie est donc extrêmement
violente car la tentation sera forte, parfois même irrésistible, de corrompre les acheteurs et d'espionner les concurrents. Dans ce monde-là il faut savoir se protéger et s'informer : l'intelligence économique s'impose.