En voulant ménager la chèvre et le chou, le gouvernement a perdu sur tous les tableaux. L’austérité light n’a servi à rien : ni à rétablir l’équilibre des finances publiques, ni à retrouver la compétitivité, ni à préserver le pouvoir d’achat et l’emploi.
Le couperet est en effet tombé : la France est en récession et vient d’enchaîner deux trimestres consécutifs de baisse, avec un recul de 0,2 % du PIB au 1er trimestre. Mais ce n’est même pas le plus grave. Le détail des chiffres montre clairement les défaillances de l’économie française. Il y d’abord les investissements des entreprises qui plongent pour le 5ème trimestre consécutif. Un investissement dans le rouge qui révèle à la fois l’absence de perspectives mais aussi l’écrasement des marges des entreprises. Fin 2012 ces marges étaient tombées à leur plus bas niveau depuis 1985.
Dans ces conditions, difficile de rester compétitif avec des équipements vieillissants et un coût du travail trop élevé. Le résultat se paie cash, comme le révèle notre contre-performance à l’extérieur. Non seulement, nos exportations ont reculé de 0,5 % mais nos importations ont augmenté de 0,1 % alors même que la demande intérieure, c’est un comble, reculait !
La conclusion est implacable : nos entreprises perdent non seulement des parts de marché à l’international mais cèdent aussi du terrain à l’intérieur. Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que le marché du travail soit bloqué. La montée du chômage est inexorable : on devrait s’approcher de 12 % de la population active fin 2013 selon les prévisions de Xerfi.
D’ailleurs les ménages broient du noir. Certes, le recul de la consommation n’est que de 0,1 % en début d’année. Mais attention : cette résistance doit pour beaucoup au rebond des dépenses exceptionnelles et désagréables d’énergie, conséquence d’un hiver particulièrement rude. Et soyons réalistes, la priorité des ménages, c’est d’épargner, pas de dépenser. C’est bien ce que montre l'écart entre l'opportunité d'épargner et celle de faire des achats qui ne cesse de se creuser pour s'installer à un niveau inédit depuis 1972.
Alors bien sûr, la sortie de crise sur laquelle mise le gouvernement viendra tôt ou tard. Certainement pas en 2013 selon notre scénario, qui prévoit une baisse de 0,5 % du PIB. Probablement en 2014, avec un tout petit +0,3 %. Pour la suite, soyons réalistes : le délitement de notre tissu productif et les pressions sur le pouvoir d’achat ne permettront pas de dépasser 0,5 % en moyenne pour les années à venir, c’est désormais notre croissance potentielle.
Après les erreurs du précédent quinquennat, cette première année ne prépare pas le rebond. Le virage décisif pour mener enfin les réformes indispensables se fait attendre. Il y a des récessions utiles, celles qui s’inscrivent dans une stratégie pour réparer les erreurs du passé et préparer le rebond. Mais il y a aussi, hélas, des récessions pour rien.
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Quelle conclusion tirer de l'exposé d'Alexandre Mirlicourtois ?
Penser que "la reprise finira bien par venir", c'est du fatalisme béât. Face à la crise économique et sociale la seule attitude raisonnable consiste (1) à comprendre que
la nature a changé, car elle a été transformée depuis 30 ans par le changement du système technique que provoquent l'informatisation et l'Internet ; (2) à définir en conséquence et l'orientation stratégique, et la tactique qui permet de bousculer, surmonter ou contourner les obstacles.
Tant que l'on ne saura pas faire cela, la crise se prolongera avec tous les dégâts qu'elle entraîne.