- S'efforcer de comprendre l'informatisation ;
- Percevoir les transformations qu'elle suscite dans l'anthropologie ;
- Faire apparaître les conditions nécessaires de l'efficacité ;
- Éclairer l'intuition du grand public ;
- Indiquer une orientation aux dirigeants de l'économie et de la politique.
L'informatisation est une dynamique car l'informatique évolue tant dans la physique des processeurs, mémoires et réseaux que dans la logique des programmes. Il en résulte une évolution permanente des possibilités qu'elle offre, des dangers qui les accompagnent, ainsi qu'une incitation renouvelée à l'innovation.
Cette évolution concerne toutes les dimensions de l'anthropologie : la technique, l'économie, la psychologie des personnes, la sociologie des pouvoirs et institutions, les procédés de la pensée, jusqu'aux valeurs qui indiquent aux personnes et aux institutions le but de leur action.
L'iconomie exige donc une approche pluri-disciplinaire. Cependant si l'on s'accorde en général pour juger la pluri-disciplinarité souhaitable, en pratique chacun, croyant sa discipline plus intéressante que les autres, est tenté de les mépriser : le sociologue taxera ainsi l'informaticien de "technicisme", l'informaticien prétendra que "l'économie n'est pas une science", etc.
L'iconomie nous contraint à écouter ce que dit chaque spécialité pour noter son vocabulaire, identifier ses concepts et méthodes, évaluer son apport et ses limites, concevoir enfin ses relations avec les autres. Cela suppose d'adopter le point de vue de l'historien qui, focalisé sur une période ou un phénomène, doit pour l'éclairer prendre ses outils dans diverses disciplines.
Le phénomène que nous considérons est d'ailleurs tellement profond qu'il est culturel : la mise à jour des représentations doit s'opérer non seulement dans l'intellect des spécialistes, mais aussi dans l'intuition du grand public. C'est d'ailleurs une condition nécessaire pour que les décisions des dirigeants soient bien orientées car, même s'ils forment une couche particulière, leur culture ne diffère pas de celle de la population.
L'efficacité se résume par l'expression "faire au mieux avec ce que l'on a", c'est-à-dire "tirer le meilleur parti des ressources dont on dispose en évitant les pièges qu'elles comportent". Il faut bien sûr avoir défini le but que l'on veut atteindre "au mieux" : pour la science économique, par exemple, il s'agit de maximiser le bien-être matériel du consommateur. Le bien-être matériel n'étant pas le bonheur, l'économie ne répond pas à tout. Il n'en reste pas moins qu'il serait bien bête de gaspiller des ressources ou de tomber dans des pièges.
Même si elle laisse ouverte la question du but, l'efficacité est donc pour l'action une exigence minimale. Les conditions nécessaires de l'efficacité ont cependant une portée universelle : quel que soit le but que l'on s'est donné, les décisions qui violent les contraintes de la logique ou qui s'appuient sur des hypothèses contraires à l'état de la nature font toujours courir un risque d'inefficacité.
Or le fait est que l'informatisation a transformé les conditions pratiques de la production et de l'organisation des entreprises, des institutions : un dirigeant dont les méthodes, l'orientation et les valeurs sont encore celles qui avaient pu convenir dans l'économie mécanisée pourra-t-il prendre aujourd'hui des décisions judicieuses ? Celui qui sait que le monde a changé, mais dont les idées restent confuses, est-il logé à meilleure enseigne ? Et leurs errements sont encore bénins, comparés aux dégâts que font ceux qui voient tout à travers les lunettes de la finance.
Il n'est certes pas facile pour les dirigeants de trouver leurs repères dans un monde que l'informatisation fait émerger et que l'innovation travaille : nous voulons leur faciliter la tâche. Une fois qu'ils auront trouvé ces repères, il leur restera à voir les mille opportunités et obstacles qui se présentent chaque jour : la conduite des affaires exige une vigilance continue, une attention aux détails et des réactions rapides, qu'il s'agisse d'une entreprise, d'un service public ou de l'Etat.
Notre ambition est donc modeste car les repères que nous indiquons ne suffisent pas à tout. Elle obéit à une exigence à la fois scientifique et civique : scientifique, car il s'agit de comprendre le monde dans lequel nous vivons et la dynamique de son évolution ; civique, car il faut tout faire pour réduire la durée de la crise de transition vers l'iconomie et l'ampleur du sacrifice humain qu'elle provoque.