(Contribution au séminaire « Renaissance industrielle » de l’Institut d’études avancées de Nantes, 30 septembre 2021).
Industrialiser = informatiser
Bertrand Gille a proposé un découpage de l’histoire en périodes caractérisées chacune par un « système technique », synergie de quelques techniques fondamentales1. Il nomme ainsi « système technique moderne » celui qui a émergé à partir la fin du XVIIIe siècle en s’appuyant sur la synergie de la mécanique, de la chimie et de l’énergie.
On a nommé « industrialisation » ce phénomène auquel a été associée l’image d’une cheminée d’usine ou d’un engrenage. L’industrialisation n’a pas supprimé l’agriculture, jusqu’alors principale source de la richesse, mais elle l’a mécanisée, chimisée, et a fortement réduit sa part dans la population active (65 % en France en 1806, 4,5 % en 19962).
Si l’on prend le mot « industrie » par sa racine étymologique, « projection à l’extérieur d’un souffle intérieur » (Pierre Musso), on conçoit qu’il peut également être associé à d’autres systèmes techniques.
Vers 1975 a émergé3 ce que Bertrand Gille a nommé « système technique contemporain », qui s’appuie sur la synergie de la microélectronique, du logiciel et du réseau. Ce nouveau système technique ne supprime pas la mécanique, la chimie et l’énergie mais il les informatise, l’essentiel de leur évolution et de leurs progrès passant désormais par l’informatique (avec par exemple en mécanique la modélisation et la simulation 3D, la production addictive, etc.). La biologie elle-même s’appuie sur une bioinformatique4.
On peut donc dire que l’informatisation est la forme contemporaine de l’industrialisation.
Alors qu’« informatique » désigne un alliage de l’information avec l’automate qu’est l’ordinateur, « informatisation » désigne la dynamique du déploiement des applications de l’informatique et de leurs conséquences. Dans l’alliage, « information » doit être pris selon le sens précis que lui donne Gilbert Simondon :
« L'information n'est pas une chose, mais l'opération d'une chose arrivant dans un système et y produisant une transformation. L'information ne peut pas se définir en dehors de cet acte d'incidence transformatrice et de l'opération de réception » (Gilbert Simondon, Communication et information, Les éditions de la transparence, 2010).