Le livre entrelace plusieurs histoires : celle d'un garçon d'extrême droite dont les opinions changeront du tout au tout ; celle d'une formation militaire intensive ; celle du conflit institutionnel entre la France libre, autour de De Gaulle, et les chefs de la Résistance ; celle, enfin, de deux personnages qui ont servi de père de substitution à ce jeune homme et qu'il admirera profondément : De Gaulle et surtout Jean Moulin.
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L'éducation de Daniel Cordier lui avait inculqué la haine de la République et de la démocratie, l'antisémitisme et l'admiration pour Maurras. Ces opinions, prises telles quelles dans son milieu et adoptées, seront bousculées par l'expérience de la guerre et de la vie.
La défaite et l'armistice révoltent ce jeune nationaliste. Au grand scandale des gens de son milieu, il estime que Pétain est un "vieux con" et il s'éloigne de Maurras lorsque celui-ci se rallie au Maréchal. Puis, alors qu'il avait détesté les juifs sans les connaître, il estimera ceux qu'il rencontre ; enfin, dans le sillage de l'esprit républicain de De Gaulle, il finira par voir dans le monarchisme une illusion.
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Quand il arrive en Angleterre, Daniel Cordier n'a aucune qualification militaire. Il subira une formation intensive qui fera de lui un officier discipliné et un expert en sabotage, attentats, codage, transmission radio etc. : tout ce qu'il faut pour faire un agent secret, pilule de cyanure comprise...
Le récit des divers épisodes de cette formation, des rencontres avec De Gaulle, des opinions et réactions de ses camarades, des relations avec les "petites anglaises" qui aimaient bien ces jeunes Français - ainsi que de celles, d'une sentimentalité ambigüe, avec certains de ses camarades - est le plus vivant de tous ceux que j'ai pu lire.
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Quand il arrive en France Cordier n'aura pas l'occasion de réaliser son rêve, qui était de "tuer du Boche" pour venger la défaite, ni de saboter, ni de commettre des attentats : il recrutera une équipe pour assurer le secrétariat de Jean Moulin, tâche dangereuse qui comporte l'organisation de réunions dans des locaux clandestins, le transport de courrier vers des "boîtes aux lettres" secrètes, le codage et le décodage des messages échangés avec Londres par radio.
Il est ainsi le témoin des négociations que mène Jean Moulin pour unifier la Résistance sous l'autorité de De Gaulle.
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Les Français libres, soldats disciplinés, ont appris les techniques du combat subversif. Par contraste les résistants leur semblent des amateurs terriblement désordonnés, inefficaces et peu fiables. Si la base est parfaitement dévouée leurs chefs, dévorés par l'ambition, rivalisent entre eux et avec De Gaulle. Le plus virulent est Frenay.
Ils détestent tous Jean Moulin qui par ailleurs n'est guère soutenu par Londres malgré les ordres que donne De Gaulle : Brossolette et Passy font leur possible pour saboter ses efforts.
Jean Moulin se trouve ainsi, à une échelle d'une autre ampleur bien sûr, dans la situation que connaissent tous ceux à qui un dirigeant a fait confiance pour réformer une entreprise : soutien du grand patron et approbation tacite de la base, mais opposition sournoise et sabotage des hiérarchies intermédiaires. De ce point de vue la description des démarches de Jean Moulin pour former le Conseil national de la Résistance est une étude de cas très instructive.
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Le livre se termine à l'arrestation de Jean Moulin, catastrophe qui prive Cordier d'un père respecté - et qui prive aussi le lecteur d'un personnage attachant. Cordier ne dit pas ce que sont devenus ses collaborateurs et amis dont certains, arrêtés, ont disparu vers la torture, le camp de concentration et souvent la mort : Maurice de Cheveigné, François Briant, Suzette Moret, "Mado" etc.
Une recherche sur l'Internet m'a permis de voir que certains avaient survécu, mais nombreux sont ceux qui ont été tués.
Il faut lire les mémoires de Jacques Baumel : Résister (paru en livre de poche) en contrepoint de cette biographie. Quand Jean Moulin prend contact avec les mouvements de Résistance (Combat, Franc-Tireur, Libération)il n'en connaît rien. C'est Henry Frenay en particulier qui lui apprend tout de ce qu'ils font. Revenu plus tard en France, après sa rencontre avec De Gaulle, il est maintenant chargé d'unifier ces mouvements et de les placer sous l'autorité du Général. On peut comprendre que Frenay est ses compagnons aient eu un peu de mal à accepter cette autorité. Ils résistaient depuis 1940, avec le peu de moyens dont ils pouvaient disposer, et estimaient avoir autant de légitimité que les gens de Londres. Jacques Baumel est devenu gaulliste ; il a vite compris quel était l'intérêt de se rallier à
RépondreSupprimerDe Gaulle. Il n'en défend pas moins la mémoire de ces premiers résistants, en particulier d'Henry Frenay.
Voir ainsi ces chefs de mouvement, médiocres et "dévorés par l'ambition" me paraît tout à fait caricatural.
@René
RépondreSupprimerCordier n'a pas dit que les chefs de la Résistance étaient médiocres, mais il a en effet estimé qu'ils étaient dévorés par l'ambition.
J'ignore s'il a raison ou non, notamment en ce qui concerne Frenay à qui une polémique l'a opposé. Je n'étais pas là !
Tirer ce conflit au clair, c'est la tâche des historiens : le témoignage de Cordier sera pour eux une pièce du dossier, parmi d'autres.
Deux questions :
RépondreSupprimer1. Y est-il question de l'organisation par la Résistance de la fabrication et de la distribution de "faux papiers" ?
2. L'auteur donne-t-il des exemples de "leurres" destinés à tromper l'ennemi, restés dans les archives, et qui trompent aujourd'hui les historiens ?
@Michel-Louis Lévy
RépondreSupprimer1. Oui.
2. Non, me semble-t-il, mais il faudrait que je relise le livre pour en être sûr.
Daniel Cordier nous raconte sa vie de la défaite juin 40 à la France Libre
RépondreSupprimer:ils étaient si peu nombreux : sa formation militaire et d' agent secret ;
sa mission auprès de Jean MOULIN ;
De J Moulin, il déjà tout dit dans ses biographies méticuleuses , là , il
nous montre le quotidien des engagés de la France Libre , celui de sa mission de secrétaire et d' agent du BCRA, des coulisses de la Resistance .
C' est un témoignage vivant et très interressant