Beaucoup d'entreprises, notamment artisanales (je pense aux pâtissiers, boulangers etc.), calculent le coût de production de leurs produits en multipliant le coût des matières premières par un coefficient, lui-même évalué à partir de la comptabilité générale en divisant le coût total de production (frais de personnel, amortissements, matières premières etc.) par le coût des matières premières.
Cette évaluation est facile à faire mais elle a des effets pervers : elle pousse l'entreprise à « faire des économies » sur les matières premières. Ainsi les croissants au beurre seront parfois de ces croissants à la margarine qui laissent une sensation désagréable sur le palais...
Supposons que dans le coût de production, mesuré sur l'ensemble de l'entreprise, la part des matières premières représente 20 %, et que pour un de ses produits la structure de coût soit :
- matières premières : 20 €,
- temps de travail : 70 €,
- amortissement : 10 €.
Le coût de ce produit, évalué selon la formule trop habituelle « coût des matières premières * coefficient », sera 20 € * 5 = 100 € : en l'occurrence, c'est exact.
Mais l'entreprise, fascinée par la formule, sera incitée à croire que le coût peut diminuer fortement si elle utilise des matières premières moins coûteuses. Supposons qu'elle se rabatte sur une matière de moins bonne qualité qui ne coûte que 10 €. Appliquant la fameuse formule, elle croit que le coût devient 10 € * 5 = 50 €, économie considérable qui procure un fort accroissement de la marge unitaire !
Mais en réalité le temps de travail est le même, l'amortissement aussi : le coût de production est donc de 90 €, la marge a cru beaucoup moins que l'entreprise ne le pense et en fait elle risque d'y perdre parce que certains clients, sentant que la qualité du produit a baissé, iront voir ailleurs.
J'expliquais l'autre jour à un artisan que pour évaluer le coût d'un produit il fallait une formule additive et non pas multiplicative (je reconnais que cette phrase maladroite trahit le matheux que je suis) ; que la mauvaise qualité de ses produits lui ferait perdre des clients ; que son temps de travail, denrée précieuse, était d'ailleurs gaspillé car c'est avec de bons ingrédients que l'on fait les bons produits, honneur du travailleur.
Rien n'y fit. La comptabilité n'est pas bonne conseillère quand on l'utilise sans comprendre ce que l'on fait : en l'écoutant, on prend de ces mauvaises habitudes qui deviennent une seconde nature.
Combien d'artisans, combien de grandes entreprises peut-être, prennent leurs décisions à partir d'une évaluation erronée de leurs coûts de production ! Cela provoque des dégâts lorsque le coût des matières premières varie car la formule multiplicative fait varier les prix bien plus qu'il ne le faut. Quand le coût des matières premières augmente comme aujourd'hui, elle aggrave l'inflation ; quand il baisse, elle risque de conduire l'entreprise à sa perte.
Ajout du 23 février 2011 : dans le prix du litre de carburant, le coût du pétrole brut, celui de la distillation et celui du transport s'additionnent.
À titre d'indication : le baril de pétrole brut coûte aujourd'hui 106,41 $, l'euro vaut aujourd'hui 1,3708 $, un baril contient 158,9837 litres. Un litre de pétrole brut coûte donc aujourd'hui 0,49 €. Le prix d'un litre de fioul domestique, livré ce même jour dans les Cévennes, est de 0,86 €. A-t-il été établi par addition ou par multiplication ?
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