La majorité des économistes, qu'ils soutiennent ou contestent le capitalisme, disent que l'entreprise a pour but de « maximiser le profit ». On trouve pourtant une autre conception dans la littérature économique : c'est celle de Schumpeter. Selon cette ligne de pensée, qui est très minoritaire dans l'opinion, l'entreprise a pour fonction d'« innover et prendre des risques ». Mais maximiser le profit et prendre le risque d'innover, est-ce la même chose ?
Dire que l'entreprise a pour but de « maximiser le profit », c'est comme si l'on disait que le but du politique est de « gagner les élections ». Cela n'évoque aucunement les choix que l'entrepreneur doit faire en termes d'organisation, de technique, de produits, de commerce etc. et qui forment la trame de son emploi du temps.
Il doit en effet arbitrer en permanence entre les divers moyens qui contribuent à la pérennité de l'entreprise, et le profit n'est que l'un d'entre eux.
Réduire l'entreprise à « maximiser le profit », c'est d'ailleurs aller au devant de l'opinion des gens simples qui pensent, en France, que le seul souci du « patron » est de « produire de l'argent » pour s'enrichir toujours plus. Ces personnes ne font pas la différence entre l'entrepreneur et le prédateur, « celui qui vit de proies » comme dit le Littré.
Une image diffuse |
Pourtant cette différence existe. Tandis que l'entrepreneur a pour but de construire et de produire dans la durée, le prédateur détruit car rien n'est plus profitable que de détruire un patrimoine mal protégé. Il est facile par exemple de faire apparaître un profit dans le compte d'exploitation en brûlant des parts mal comptabilisées du patrimoine : c'est ce qu'a fait Bull en démantelant sa recherche, ce que fait France Telecom en dilapidant la compétence des salariés et la confiance des clients...
Le prédateur et l'entrepreneur se livrent ainsi un conflit radical qui, opposant deux conceptions des valeurs qui orientent le destin humain, est aussi violent qu'une tragédie de Shakespeare. Une expression comme « maximiser le profit » masque ce conflit en le recouvrant d'une unanimité fallacieuse : il faut la dépasser pour montrer le drame qu'elle cache.
Une distinction nécessaire |
L'onction que confère le conseil d'administration lorsqu'il élit un PDG ne s'accompagne pas d'une grâce d'état qui, miraculeusement, conférerait à celui-ci les qualités d'un entrepreneur. Parmi les dirigeants les vrais entrepreneurs sont donc en minorité, tout comme les vrais stratèges sont en minorité parmi les généraux. Mais il importe de voir à qui l'on a affaire car le style du dirigeant aura un effet déterminant sur l'entreprise, et plus généralement le style d'une classe dirigeante a un effet déterminant sur l'économie.
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Pour savoir ce qu'est un entrepreneur il faut d'abord savoir ce qu'est une entreprise, et donc considérer ce que celle-ci fait.
Le fait est que l'entreprise consomme des matières premières pour élaborer les produits qu'elle met entre les mains des consommateurs. Elle se trouve ainsi placée, dans la biosphère, à la charnière entre la nature où elle puise ses ressources et injecte des déchets, et la société à qui elle procure le bien-être matériel.
Et le fait est qu'il existe des personnes qui assument cette mission, qui ont pour passion d'aménager la nature pour rendre le monde habitable : ces personnes, ce sont les entrepreneurs.
Le maître mot de l'entrepreneur est « ingénierie » (ingénierie des affaires, des techniques, des besoins etc.), et sa fonction est d'orienter l'action de l'entreprise en lui indiquant ses priorités. Il est conscient d'avoir une responsabilité civique et de remplir une fonction utile, la res publica lui importe donc.
Il porte aussi le poids d'une responsabilité humaine envers les personnes avec lesquelles il travaille – ce qui ne veut pas dire qu'il leur fasse des câlins ! Le profit est pour lui un moyen qui lui permet d'investir en conservant son indépendance et sa liberté de décision : il n'est pas le but de son action.
Deux « mondes » s'opposent |
Si l'on accepte ce portrait, la différence entre l'entrepreneur et le prédateur saute aux yeux : s'il dirige une entreprise, le prédateur sera indifférent à l'utilité de ses produits pourvu qu'ils se vendent et que cela rapporte de l'argent, et peu lui importera ce que deviendront les déchets. C'est ainsi que des opérateurs télécoms pratiquent l'écrémage en n'équipant que les zones denses, que des banques contraignent les conseillers à gaver leurs clients de produits financiers frelatés...
Alors que l'intellect de l'entrepreneur se condense dans l'ingénierie, celui du prédateur se condense dans le « marketing noir » : manipulation de la demande, corruption des acheteurs, des contrôleurs, des magistrats, des politiques... Le prédateur est vigilant et à l'affût. Il vit dans le monde archaïque, féodal, qui fleurit sur la décomposition des empires et où la richesse se gagne à la pointe de l'épée, où le pouvoir s'organise selon la relation de vassal à seigneur. « Celui-là sera riche qui prendra de bon cœur », disait Bertrand de Born au XIIe siècle, « sans cesse je me bats, m'escrime, me défends et me bagarre ».
Au prédateur répond, dans le corps la société, le révolté qui, ne voyant dans les institutions rien d'autre que de la prédation, souhaite les détruire toutes pour bâtir un monde qu'il croit idéal. Le révolté est en conflit avec le prédateur mais ils partagent la même conception guerrière de la société et ils conspirent en fait en vue de la destruction des institutions et de l'économie.
L'acolyte de l'entrepreneur, c'est l'animateur, ce personnages constructif et modeste qui, sans faire d'histoire, fait tourner l'entreprise en lubrifiant les relations humaines et en corrigeant dans l'action les défauts et lacunes de l'organisation. Les animateurs sont relativement peu nombreux mais c'est grâce à eux que les entreprises fonctionnent et que nous ne mourrons pas de faim.
* *
L'entrepreneur et le prédateur sont tous deux des dirigeants. Ils se ressemblent donc superficiellement : ils sont autoritaires, s'habillent de la même façon etc. Ce qui les distingue réside à l'intérieur d'eux-mêmes, dans la couche profonde de la personnalité où chaque être humain choisit le sens qu'il donne à son action et à son destin.
Le prédateur tend à ressusciter un ordre féodal dans la société contemporaine ; l'entrepreneur promeut et défend la République. Leur conflit est une lutte à mort : il ne s'agit pas seulement d'un conflit d'idées, il s'agit de deux mondes inconciliables, antagoniques et qui cherchent à se détruire mutuellement.
Si l'on parvient en France, dans l'ensemble et en moyenne, à se nourrir, se loger, se vêtir, se faire soigner, c'est grâce aux entrepreneurs et aux animateurs. Notre bien-être prouve donc que même s'ils sont en minorité parmi les dirigeants les entrepreneurs sont parvenus, chez nous, à contenir les effets de la prédation. Mais la crise actuelle de sous-emploi, d'inefficacité massive indique que les entrepreneurs risquent de ne plus avoir le dessus.
Le prédateur a toujours bénéficié d'une plus grande liberté d'action que l'entrepreneur car son initiative n'est pas limitée, comme l'est celle de l'entrepreneur, par les barrières qu'imposent la loi et la morale. Mais il se trouve qu'en outre l'économie contemporaine a offert aux prédateurs, avec l'informatique et les réseaux, l'arme imparable du blanchiment qui leur permet de faire communiquer l'économie « légale » et la prédation illégale ou même criminelle selon le principe des vases communicants.
Les prédateurs peuvent ainsi recycler, avec la complicité des banques et de certains pays, les profits que procurent le pillage des ressources naturelles des pays pauvres, le trafic des déchets, l'usure, la contrefaçon, les trafics d'armes ou de drogue, le racket etc. pour prendre le contrôle de pans entiers de l'économie légale et parfois dans certains pays de l'État lui-même.
Ils sont en position de force parce que l'entreprise légale que possède un prédateur n'aura jamais de problème de trésorerie, le blanchiment permettant de l'alimenter à tout moment en liquidités. Elle sera donc très compétitive ! Les doctrinaires qui voient dans la concurrence pure et parfaite le seul moyen de développer l'économie pavent, sans s'en apercevoir sans doute, la voie des prédateurs.
La force de l'entrepreneur réside dans son efficacité, son indépendance et son alliance avec des animateurs. Elle peut ne pas suffire puisque des secteurs économiques, des régions, des pays entiers sont tombés entre les mains des prédateurs. Il en résulte une destruction massive des ressources, une pollution généralisée de la nature et des esprits.
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Il manque quelque chose à notre schéma : entre le monde de l'entrepreneur et celui du prédateur s'intercale, en France, un troisième monde, celui du « mondain ». La structure de ce monde-là n'est ni celle de la république, ni celle de la féodalité, mais celle plus archaïque encore de la tribu, antérieure à la formation des empires comme à leur décomposition féodale.
Un troisième « monde » |
Nous connaissons tous de ces gens qui, appartenant au « bon milieu » des « grands » corps de l’État ou des « grandes » familles, prospèrent dans les cabinets ministériels et les conseils d'administration et trouvent tout naturel de diriger des entreprises dont ils ne comprennent ni les produits, ni les techniques, ni les clients : depuis quelques décennies l'élite dirigeante, en France, se recrute parmi des gens qui ont été formés aux subtilités du jeu politique et du droit.
Au beau milieu du conflit entre l'entrepreneur et le prédateur, le mondain est « lou ravi », ce santon inconscient qui sourit béatement, content de soi, de son réseau de relations, de sa tenue à table et de son tailleur.
Les mondains poussent ainsi comme des champignons sur les entreprises qu'ils parasitent. Leur arme, ce sont les médias devant lesquels ils sont à l'aise car ils parlent bien, et qui confortent leur image et leur légitimité. Toute leur stratégie se condense dans des opérations de fusion et d'absorption qui se discutent entre mondains, dans le cadre à la fois feutré et brutal des conseils d'administration.
Le mondain dirige, mais sans être conscient des risques ni des opportunités autres que ceux qui se manifestent dans sa tribu. Pour survivre à un tel dirigeant il faut que l'entreprise soit très solide, qu'elle jouisse d'une situation géographique ou d'acquis techniques très avantageux : le Crédit Lyonnais, Vivendi, France Telecom ont montré que cela pouvait ne pas suffire. D'autres grandes entreprises françaises sont sur la même pente.
Tandis que le révolté répond au prédateur et l'animateur à l'entrepreneur, le salarié passif répond au mondain : que peut faire dans l'entreprise, en effet, un salarié qui n'a pour lui que sa compétence mais qui n'est pas sorti de la cuisse de Jupiter, et qui se trouve en outre soumis à l'influence de médias dont l'admiration s'achète à coup de contrats publicitaires ?
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Mais quel est le schéma qui éclaire le mieux notre système productif ? Le fonctionnement d'une économie ne dépend-il pas du « monde » auquel appartient la majorité de ses dirigeants ? Si les entrepreneurs disparaissent, la société se partagera entre les passifs et les révoltés : comment croire que cela n'ait d'influence ni sur l'efficacité, ni sur l'innovation ?
Notre schéma permet d'interpréter la lutte que les entrepreneurs livrent, en Italie, pour sortir de la griffe des prédateurs mafieux. Il explique comment les richesses naturelles de l'Afrique ont pu être exploitées au détriment de sa population après la fin du régime colonial. Il explique comment des prédateurs se sont emparés du pouvoir politique dans les ruines de l'empire soviétique. Il explique aussi la destruction massive de capital que provoque le dogmatisme libéral auquel adhèrent les mondains.
Il faut cependant apporter quelques nuances à ce schéma, car on ne doit pas classer des personnes selon leur origine comme on classe des bouteilles de vin selon leur étiquette. Même parmi les inspecteurs des finances, il peut se trouver un entrepreneur ! Il peut arriver aussi qu'un mondain ou un prédateur se transforment sur le tard en entrepreneur, tout comme il arrivait qu'un courtisan, sous Louis XIV, se révèle un stratège efficace sur le champ de bataille.
Le même individu doit d'ailleurs savoir jouer plusieurs personnages : un dirigeant français qui ne se plierait pas au cérémonial des mondains ou qui refuserait absolument d'utiliser certains des procédés guerriers du prédateur mettrait son entreprise en danger.
Pour savoir à qui l'on a affaire, il faut donc percer la carapace des apparences et observer les comportements. On peut d'abord regarder ce qu'un dirigeant fait de son revenu : tandis que l'entrepreneur investit son revenu pour développer l'entreprise, le prédateur le dépense en résidences, fêtes, bateaux et avions privés et le mondain, lui, accumule une fortune pour ses enfants dont il souhaite faire des aristocrates. Le système d'information fournit un autre critère : alors qu'il est devenu l'outil essentiel de l'entrepreneur, le prédateur ne s'y intéresse que pour masquer ses opérations financières et le mondain, considérant que « c'est de la technique », le méprise comme il méprise en général tout ce qui est technique.
Si les Français n'aiment pas les entreprises et ne comprennent pas les entrepreneurs, c'est parce qu'ils croient le monde des dirigeants homogène, qu'ils ne perçoivent pas les différences et les conflits qui le divisent.
Quand ces différences sont mises en évidence l'utilité sociale des entrepreneurs apparaît ainsi que celle des animateurs. La société peut alors s'affranchir du couple stérile que forment la passivité et la révolte, seule réponse qui subsisterait cependant en face d'une classe dirigeante qui ne comprendrait que des mondains et des prédateurs.
Merci pour cette belle mise au point.
RépondreSupprimerCe qui "meut" l'entrepreneur parle aussi de ses valeurs. En écho, lire : Les "valeurs", fondement de l'action ou alibi social ?
à http://bit.ly/fGFd21
Bravo Michel, et merci d'eclairer une fois de plus ma lanterne (magique:-))
RépondreSupprimerDifférenciation des plus utiles. Comme d'habitude vos termes sont les + simples possibles et donc précis. Merci pour cet éclaircissement.
RépondreSupprimerLe "mondain" complète bien le tableau. Par ex. Messier n'est pas vraiment un prédateur, pas un entrepreneur mais bien un mondain.
Dans le "nouvel esprit du capitalisme", les auteurs introduisent le "faiseur", qui exploite sa sa situation dans un "réseau", il a un air de famille avec votre "mondain" ...
Alain
Cette différentiation est utile. Un prolongement possible serait maintenant de s'interroger sur sa génétique : comment devient-on plutôt entrepreneur, prédateur ou mondain ?
RépondreSupprimer« La technique, moi, je n’en ai rien à foutre » disait Michel Bon (ancien président de France Telecom)
RépondreSupprimerInterprété différemment ici :
http://www.christian-faure.net/2006/06/25/proltarisation-informatique/
Que pensez-vous de cette thèse (prolétarisation des salariés à cause des ERP) ?
Je suis l'auteur d'un essai critique d'un billet de Jean-Peyrelevade sur le thème de la prédation (voir mon blog), et quelques commentaires associés à ce billet faisaient l'éloge de vos travaux.
RépondreSupprimerC'est donc avec intérêt que j'ai pris connaissance du présent billet, mais je découvre que nos référentiels ne sont pas les mêmes. J'aurais besoin de plusieurs relectures pour me faire une idée. En attendant, quelques remarques rapides:
( ENTREPRENEUR = PREDATEUR ) = FAUX
J'ai bien peur que vous n'enfonciez des portes ouvertes. Est-ce l'«opinion» qui est mise en cause?
«Dire que l'entreprise a pour but de « maximiser le profit », c'est comme si l'on disait que le but du politique est de « gagner les élections » »
Il faudrait d'abord démontrer que la seconde proposition (le but du politique est de « gagner les élections ») est elle même une idée reçue, surtout si on s'adresse à «l'opinion».
«La majorité des économistes, qu'ils soutiennent ou contestent le capitalisme,»
La majorité des économistes ne conteste pas le capitalisme.
«Le profit est pour lui un moyen qui lui permet d'investir en conservant son indépendance et sa liberté de décision.»
Le profit peut être aussi une mesure de l'attrait du produit, de la satisfaction du client, de l'efficacité de l'entreprise.
Jean-Peyrelevade, dans le billet critiqué a toutefois raison de dénoncer l'équation supposée entre profit et bienfait social comme légitimation, en toutes circonstances, de ce premier, mais il échoue à développer cette idée.
«Il doit en effet arbitrer en permanence entre les divers moyens qui contribuent à la pérennité de l'entreprise et le profit n'est que l'un d'entre eux.»
Peu convaincant. La maximisation dynamique du profit (par opposition à sous hypothèse d'horizon fini) s'accommode très bien de «contribuer à la pérennité» de l'entreprise.
«Réduire l'entreprise à « maximiser le profit », c'est d'ailleurs aller au devant de l'opinion des gens simples qui pensent, en France, que le seul souci du « patron » est de « produire de l'argent » pour s'enrichir toujours plus.»
Si vous pensez ceci, vous êtes simple. Sophisme.
«Ces personnes ne font pas la différence entre l'entrepreneur et le prédateur, « celui qui vit de proies » comme dit le Littré.»
Quelles personnes?! Un exemple, peut-être.
«Il est facile par exemple de faire apparaître un profit dans le compte d'exploitation en brûlant des parts mal comptabilisées du patrimoine : c'est ce qu'a fait Bull en démantelant sa recherche, ce que fait France Telecom en dilapidant la compétence des salariés et la confiance des clients…»
Mais les chercheurs qui détournent l'entreprise à leurs seul «profit», ça existe aussi. Un corporatisme chasse l'autre.
IBM et Bull sont soumis aux même lois du marché, et des règles comptables similaires. Pourtant le premier compte à son actif (justement) brevets et prix nobels à son actif, et pas l'autre (autant que je sache). Est-on bien certains que la recherche du profit est le mal en cause?
@°C
RépondreSupprimerCe texte vous ayant agacé, vous avez commis en le lisant plusieurs contresens.
1) Je n'ai pas dit que "gagner les élections" était une "idée reçue" comme définition du politique. C'est justement parce que cette définition est évidemment fausse que je la compare à "maximiser le profit". Ceci dit, j'ai entendu Nicolas Sarkozy l'énoncer lors d'un déjeuner organisé par l'Expansion.
2) Je n'ai pas dit que la majorité des économistes contestait le capitalisme, mais que tous les économistes, quelle que soit leur opinion sur le capitalisme, disent que l'entreprise a pour but de maximiser le profit.
3) L'entrepreneur doit arbitrer entre le profit (immédiat) et des dépenses immédiates (recherche, formation des salariés, qualité coûteuse des produits etc.). S'il est judicieux cet arbitrage permettra, peut-être, de réaliser un profit (futur), mais le futur est essentiellement incertain.
4) Oui, beaucoup de gens pensent que le seul but du "patron" est de s'enrichir. N'avez-vous jamais entendu exprimer cette opinion-là, si simple ?
Pourtant quand on parle avec un entrepreneur on découvre autre chose.
5) Dire que le "patron" ne pense qu'à s'enrichir, n'est-ce pas le considérer comme un prédateur ?
6) Oui, certains chercheurs ambitionnent dans leur corporation un prestige que l'on peut considérer comme leur "profit". Mais il n'est pas malin, lorsqu'on est une entreprise qui produit des technologies, de démanteler sa recherche même si cela améliore temporairement le compte d'exploitation.
Merci pour vos éclaircissements.
RépondreSupprimer«Ce texte vous ayant agacé»
Non, il ne m'a pas agacé. J'ai dit qu'il me faudrait plusieurs relectures pour le saisir.
«, vous avez commis en le lisant plusieurs contresens. »
C'est toutefois possible, et merci de les relever.
«1) Je n'ai pas dit que "gagner les élections" était une "idée reçue" comme définition du politique. C'est justement parce que cette définition est évidemment fausse que je la compare à "maximiser le profit".»
Pour moi, une idée reçue EST une idée fausse mais répandue. Il se peut j'adhère (en partie) à une idée reçue sur ce sujet (forcément sans le savoir).
«2) Je n'ai pas dit que la majorité des économistes contestait le capitalisme»
Je ne le contestais pas, j'apportais simplement un complément.
«3) L'entrepreneur doit arbitrer entre le profit (immédiat) et des dépenses immédiates (recherche, formation des salariés, qualité coûteuse des produits etc.). S'il est judicieux cet arbitrage permettra, peut-être, de réaliser un profit (futur), mais le futur est essentiellement incertain. »
Je ne vois toujours pas en quoi cela est incompatible avec une maximisation dynamique du profit. Rajoutez «stochastique», si vous voulez.
«4) Oui, beaucoup de gens pensent que le seul but du "patron" est de s'enrichir. N'avez-vous jamais entendu exprimer cette opinion-là, si simple ? Pourtant quand on parle avec un entrepreneur on découvre autre chose. »
Certes, dans une certaine mesure. Mais ce n'est pas suffisant à mes yeux, pour rejeter l'hypothèse que l'entreprise ait pour but de maximiser le profit. J'adhère avec le coeur mais j'attends une argumentation implacable. Le PDG de CAC 40 est-il un entrepreneur? Quoiqu'on puisse le déplorer, il ne faut pas non plus se leurrer, la maximisation de la valeur de l'action, est une obsession permanente. C'est le fait du système .
«5) Dire que le "patron" ne pense qu'à s'enrichir, n'est-ce pas le considérer comme un prédateur ?»
Les polytechniciens fraîchement diplômés, futurs patrons ou du moins «Managing Directors» qui se vendent à la banque la plus offrante pour faire de la fusion & acquisition (bien éloigné de la science, ou seulement de l'ingénérie) ne pensent-ils pas qu'à s'enrichir? S'il faut condamner le désir de s'enrichir, cela va faire beaucoup de (beau?) monde à tomber sous le coup de cette accusation.
Je préfère donc une définition plus restreinte : est prédateur celui qui s'enrichit, volontairement, au dépends d'autrui : ses clients, ses bailleurs de fonds, ses employés. En sus du mobile, encore faut-il démontrer le modus operandi. C'est
une critique fondamentale que j'exprime sur mon blog. L'écueil, c'est de désigner un bouc émissaire, et donc de se tromper de cible.
«6) Oui, certains chercheurs ambitionnent dans leur corporation un prestige que l'on peut considérer comme leur "profit". Mais il n'est pas malin, lorsqu'on est une entreprise qui produit des technologies, de démanteler sa recherche même si cela améliore temporairement le compte d'exploitation.»
Bien sûr, dans certains cas. Je n'en ferais pas une généralité. Chaque département tente de tirer la couverture vers soi, sans que l'équilibre soit optimal.
République, Tribu, Féodalité... serait-ce une typologie de "régimes de gouvernance pour entreprise" ?
RépondreSupprimerPour les managers de systèmes d'information d'entreprise, cette approche rappelle celle des professeurs P. Weill et J. Ross (MIT) pour la gouvernance de SI ("IT Governance").
Ces derniers identifient une famille de 6 régimes de gouvernance informatique (Business Monarchy, IT Monarchy, Federalism...)qu'ils désignent génériquement par "Archétype" : il est vrai que nos amis américains n'ont connu en 200 ans de leur histoire qu'un seul régime, leur Constitution.
Excellent article !!!
RépondreSupprimerJ'aurais moi aussi quelques réserves de détail, mais sans grande importance.
Je pense qu'il faudrait ajouter que, dans une société à peu près libre, les prédateurs ne durent pas très longtemps car ils sont tôt ou tard rejetés. Le vrai danger vient des mondains quand ils sont soutenus par leurs semblables les politiques, comme nous en avons hélas trop d'exemples en France.
Ce texte est très intéressant.Il souffre, à mon sens , d'un défaut, banal, qui l'appauvrit. On n' y perçoit pas assez la distinction entre les concepts ("l'animateur, "l'entrepreneur", ...) utilisés pour "modéliser" l'expression de sa thèse et les généralisation (hâtive, trop hâtive comme toutes les généralisations) du style "tous les économistes ...".
RépondreSupprimerQuand vous parlez de France Telecom et des ses profits vous oubliez une chose c'est une entreprise publique qui a fait faillite dans un premier temps et qui a survécu grâce à l'argent publique.Michel Bon qui se foutait de la technique a ouvert les portes de l'enfer à ses salariés les plus fragiles notamment certains fonctionnaires,cette même entreprise a été reprise par un gestionnaire d'entreprises publiques en l'occurrence Thierry Breton qui n'est pas avouons un entrepreneur mais un gestionnaire d'entreprises publiques en difficultés une sorte de Tapie du publique sans foi ni loi prise de risque zéro pas d'inspection du travail j'imagine avec toutes les relations qu'ils avait une fiscalité très douce
RépondreSupprimerje fais partie de ces gens simples je pose la question: qui sont les entrepreneurs? mon boulanger? mon épicier? mon ébéniste? les énarques ou polytechnicien du CAC 40? quels sont les entrepreneurs qui vont créer des emplois au fin fond de toutes les provinces françaises?
Moi l'homme simple je pense qu'un prédateur a fait ENA ET X le seul risque qu'il encourt c'est de voir son égo froissé en cas d'échec mais les primes tomberont Et que malheureusement il est souvent proche du pouvoir politique du moment quel qu'il soit
Quand on suit régulièrement la presse française sans creuser plus que cela l'homme simple que je suis en arrive à ce constat
Très intéressante analyse, qui pose la question de la raison d'être de l'Entreprise et à ses finalités fondamentales.
RépondreSupprimerElle pose aussi la question de la responsabilité et du pouvoir. Car entrepreneurs, prédateurs ou mondains tous ont accédé au pouvoir et à la responsabilité, deux marches nobles de la société. Sont-elles cumulables ? ou n'y aurait-il qu'une seule alternative : être un responsable impuissant ou être un puissant irresponsable ? La question pourrait (leur) être posée...
Fidèle de vos publications, à la lecture de ce billet je me suis précipité sur votre livre du même sujet... Je me permets de soumettre cette URL à votre réflexion :
RépondreSupprimerhttp://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/une-guerre-invisible-contre-les-30550
Bien cordialement.
AR.
L'entrepreneur et le prédateur évoqués ici sont des modèles intéressants mais devenus théoriques à notre époque, au moins dans les grandes entreprises. La financiarisation et son cortège de managers interchangeables et court termistes nommés par l'actionnaire a fait son œuvre depuis trente ans y compris sur les organisations, sans parler bien sûr des délocalisations. Ces prédateurs se sont multipliés, en tant que mondains ou non, au détriment des ingénieurs, il n'est que de voir un cas récemment mis en exergue: Lagardère, un nom d'ingénieur tombé dans le people...Ces managers se méfiant des métiers (l'ingénierie que vous évoquez) qu'ils ne connaissent pas ont installé des systèmes de contrôle sophistiqués qui ont instillé la peur (pas de droit à l'échec sauf pour le top management, structures matricielles, reportings croisés, etc) et la solitude (individualisation, destruction du collectif), comme toutes le études l'indiquent. L'ingénieur ou le chercheur a le droit de travailler dans l'espace laissé et contrôlé par le "notaire", au service du top management, lui-même au service d'abord de l'actionnaire. Il reste évidemment des entrepreneurs mais, comme vous l'expliquez vous-même, beaucoup d'exemples montrent qu'ils n'ont pas le dessus: "des secteurs économiques, des régions, des pays entiers sont tombés entre les mains des prédateurs". C'est cela que les Français observent, ces réalités de plus en plus criantes et dont on ne voit pas l'indice d'un changement malgré les dégâts causés. Je suis bien d'accord avec vous pour dire que c'est une nécessité. Mais je vous trouve optimiste quand vous écrivez que cela pourrait changer sans une action déterminée et volontaire de nature politique. Le mal est trop profond et trop enraciné pour que la seule mise en évidence de l'utilité sociale des entrepreneurs et des animateurs permette de redonner du lustre aux valeurs de l'entrepreneur pour le bien commun, une notion qui correspond si peu à l'idéologie dominante.
RépondreSupprimer@Anonyme
RépondreSupprimerSi les entrepreneurs étaient une espèce complètement disparue en France, nous mourrions de faim. Or ce n'est pas le cas...
Mais j'accorde qu'une question se pose : vivons-nous en consommant ce que nous produisons, ou en consommant (et détruisant) notre capital humain ?
@ Michel Volle
RépondreSupprimerJe n'ai jamais dit que l'espèce "entrepreneur" ni même le goût pour l'aventure entrepreneuriale avaient complètement disparu. Je dis seulement qu'au moins dans les grandes entreprises on vit une époque de réduction tendancielle de leur influence sous la pression de la finance et qu'il ne suffit pas de dire "debout les morts!" pour que cela change.
J'ai lu votre livre Prédation & Prédateur et je l'ai trouvé intéressant. Je le cite dans mon dernier billet. Je n'ai pas visité votre blog depuis, auriez vous traité de la crise financière?
RépondreSupprimer@°C
RépondreSupprimerEn cliquant sur le mot "Finance" dans la colonne de gauche sur cette page, vous trouverez plusieurs textes dont certains évoquent la crise financière. Vous trouverez d'autres textes en cliquant sur "Prédation".
Le plus récent est intitulé "Trois témoignages sur la finance".
Je vous souhaite une agréable lecture !