samedi 8 décembre 2012

L'emploi face aux robots


Le mot « iconomie » désigne, rappelons-le, une économie et une société parvenues à la maturité en regard des possibilités qu'apporte l'informatisation comme des dangers qui les accompagnent.

Dans l'iconomie les tâches répétitives sont automatisées, qu'elles soient physiques ou mentales. La marche vers l'iconomie s'accompagne donc de l'automatisation. Faut-il pour défendre l'emploi taxer les robots, comme cela a été proposé dans un forum sur l'Internet ?

La production, en France, est moins automatisée qu'en Allemagne ou en Italie : taxer les robots ne ferait qu'aggraver ce retard. La mission de l'entreprise est d'ailleurs de produire efficacement des choses utiles et non de gérer une garderie de salariés. Il ne convient pas pour maintenir l'emploi de la contraindre à utiliser des techniques obsolètes : il faut plutôt multiplier le nombre des entreprises efficaces.

Mais la question reste posée : le plein emploi est-il conciliable avec l'iconomie ? Pour lui répondre on peut se référer à la théorie économique. Un fort chômage est, comme disent les économistes, un symptôme de déséquilibre, c'est-à-dire d'une inefficacité qui résulte de l'immaturité du comportement des entreprises et des consommateurs en regard de la réalité du système productif. Puisque l'iconomie est mûre par hypothèse, elle connaît le plein emploi, cqfd.

Une telle démonstration ne pourra bien sûr convaincre que ceux qui aiment les raisonnements formels. On peut cependant l'étayer par une comparaison : l'agriculture, qui employait 66 % de la population active au début du XIXe siècle, en emploie moins de 4 % aujourd'hui. Personne assurément n'aurait pu en 1800 prévoir quels emplois remplaceraient ceux que l'agriculture avait perdus ! Il est tout aussi difficile, aujourd'hui, de se représenter le futur.

Mais si les tâches répétitives sont toutes automatisées, où réside donc l'emploi dans l'iconomie ? Il se trouve dans les travaux de recherche et d'ingénierie qui précèdent la production, ainsi que dans les services qui permettent au consommateur de bénéficier des « effets utiles » du produit.

Or les travaux de conception, comme les services, sont confrontés à une nature physique, humaine et sociale extérieure à l'organisation de l'entreprise. Les salariés de l'iconomie doivent donc pouvoir faire preuve de discernement, de jugement, d'initiative, bref en bon français de débrouillardise. Il faut aussi que l'entreprise leur reconnaisse une légitimité qui corresponde aux responsabilités qu'elle leur délègue, qu'elle sache les entendre.

Tout cela suppose dans les organisations, dans les compétences et dans le système éducatif une évolution aujourd’hui à peine entamée et dans laquelle les institutions ne s'engagent qu'à reculons. La transition sera pénible : s'il est théoriquement certain, nous l'avons dit, que l'iconomie connaîtra finalement le plein emploi, il n'est que trop clair que le chemin vers l'iconomie passe par une période de fort chômage.

On comprend que cela fasse peur aux dirigeants et qu'ils hésitent à s'y engager. Pour atteindre le plein emploi à terme ils devront cependant y aller résolument, d'autant plus résolument qu'il faut tout faire pour réduire la durée de la transition – et pendant celle-ci il faudra limiter les souffrances que provoque un sacrifice humain.

Une telle politique ne pourra cependant être conduite que si la société dans son ensemble partage une vision claire, qui l'encourage à s'orienter vers l'iconomie.

12 commentaires:

  1. Si l'emploi "se trouve dans les travaux de recherche et d'ingénierie qui précèdent la production, ainsi que dans les services qui permettent au consommateur de bénéficier des « effets utiles » du produit", une question demeure posée à tous les dirigeants : à quoi employer toutes les personnes qui n'ont pas les capacités intellectuelles requises pour ces emplois ?
    Les Chinois pensent que conserver des "journaliers" est une solution pour les 5 à 10% de la population qui ne peut suivre l'évolution des emplois.
    Quelle solution pour ces personnes ?

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    1. La plupart des gens ont un cerveau capable de fonctionner : s'ils sont convenablement instruits et formés ils auront les capacités requises.
      Il restera cependant toujours un petit pourcentage de travail répétitif nécessitant l'intervention de "journaliers". 5 à 10 %, c'est peut-être beaucoup : à la louche, je dirais plutôt 3 ou 4 %.

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    2. Bonjour,

      Nombre de personne "peu intelligentes" mais mû par la passion sont capables de choses magnifiques (voiture, train électriques, aéromodélisme, internet, etc.).
      La motivation et une formation adaptée devraient permettre de rendre "capable" la très grande majorité des gens.

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  2. Il me semble que la question est importante et la réponse est relativement complexe. Nombre d'interfaces (au sens le plus large de ce terme) de computers (robots et autres machines pilotées) présentent une apparence de complication réflètant la prétendue complication (ou intelligence) du travail à effectuer et les connaissances spécialisées de ceux et celles qui ont conçu ces machines. Pour des raisons variées, manque de connaissances dites techniques, manque de connaissances à propos du prétendu symbolisme des opérations à effectuer, de la "vérité" des représentations à utiliser, méconnaissances importantes de la part des concepteurs des biais cognitifs générés par leurs interfaces, les robots et machines pilotées sont inaccessibles à une part importante de la population dont celle dite des "journaliers". Les journaliers étant parfois caractérisés par un prétendu QI bas. Tant que les interfaces ne seront pas d'abord faites pour "ma concierge" ou toute personne qui n'a aucune connaissance technique, alors on aura un volant important des travailleurs qui seront exclus de ce niveau d'emploi. Bien sûr le risque est de paupériser ces emplois puisque apparemment il ne faudra plus être intelligents pour les occuper (ce que je dis est tout autant valable pour la maintenance de ces produits, la mise en oeuvre des effets utiles, etc.). j'ai pu montrer il y a pas mal d'années qu'un outil de supervision de réseaux prétendument accessibles qu'aux seuls ingénieurs ou techniciens expérimentés pouvait être piloté par une interface BD mettant en scène des personnages et des actions comprises par pratiquement n'importe qui et impliquant des réponses aux événements façon "drag and drop" (les évènements étant en nombre finis et connaissables par avance).

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  3. Krugman l'évoque dans sa dernière tribune : revenons-nous dans une économie marxiste dans laquelle on opposerait capital et travail ? Le début de réflexion sur la concentration des profits dans les grands groupes (qui aux Etats-Unis ne réinvestissent pas l'économie, je doute que ce soit différent en Europe) est intéressante car les rapports de force sont complètement différents, les « ouvriers » n'étant plus une force de contestation mais exclu simplement du système productif.

    http://www.nytimes.com/2012/12/10/opinion/krugman-robots-and-robber-barons.html

    On peut voir certains bons côtés : pourquoi produire là-bas quand on peut produire ici pour alimenter les marchés en échappant aux coûts de transport même faibles et peut-être plus important en échappant aux contraintes de temps ? D'autant que l'on a gardé de la première vague de la mondialisation les entreprises les plus hautes dans la chaîne de valeur.

    Parmi les mauvais : l'emploi (souvent répétitif) qui est substitué, les entreprises de robots qui ne sont pas chez nous (c'est un problème vraiment inquiétant) cumulées à l'inadéquation du système scolaire qu'il faut faire évoluer dans une société sclérosé qui vit mal sa situation actuelle sans vouloir paradoxalement en changer ou tenter d'imaginer de le faire !

    Mais la conclusion est implacable : lancée à pleine charge le système capitaliste actuel produit de l'efficacité et des inégalités. Devant son éternelle contradiction qui est de trouver des débouchés alors que les salaires se retrouvent comprimés pour satisfaire à ladite efficacité engendrant des inégalités croissantes, nous nous trouvons dans une situation qu'un « simple » ajustement au nouveau système technique qui vient ne suffira pas.

    Les économies sont avant tout régionales comme le montre les terres d'exportations allemandes dans la zone euro (Merkel se fait en ce moment la porte parole des traités de libre-échange avec le Canada, le Japon, les USA, etc. pour trouver à ses entreprises de nouveaux marchés) et nos décideurs politiques, en plus de casser les banques et favoriser le talent avant les rentes et l'héritage, devraient aussi se frotter à cette question majeure.

    La tâche est immense. Le réalisent-ils eux-mêmes ?

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  4. Comme la réflexion se place à long terme, il me semble que l'iconomie des robots (sans doute notre prochaine révolution) devrait créer beaucoup d'emplois "humains", c'est à dire l'emploi à la personne (santé, éducation, bien-être, services en tout genre). C'est un peu comme l'éducation : 1 million d'emplois, non directement créés par les révolutions industrielles du XIX, mais liés d'une certaine manière. Il ne faut pas négliger l'augmentation croissante de ces besoins, ce que l'on peut voir comme "le siècle des religions" de R.Aron.

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  5. Hyper intéressant votre article,ça change un peu des autres sujets banals qu'on trouve souvent dans le net..par contre votre article va surement plair à tout le monde quoi que ce soit leurs âges ou leurs pensées..bonne continuation !!

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  6. " Le mot « iconomie » désigne, rappelons-le, une économie et une société parvenues à la maturité en regard des possibilités qu'apporte l'informatisation comme des dangers qui les accompagnent.
    (...)
    on peut se référer à la théorie économique. Un fort chômage est, comme disent les économistes, un symptôme de déséquilibre(...). Puisque l'iconomie est mûre par hypothèse, elle connaît le plein emploi, cqfd."

    C'est en effet tellement formel que ca pourrait marcher avec d'autres termes que iconomie et informatisation !!

    Je me méfie encore plus de la "théorie économique" (laquelle?) qui sert d'appui au raisonnement.

    ça n'est pas mon billet préféré, il mérite des éclaircissements (j'avais pourtant lu les précédents)

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  7. Dire que l'équilibre implique le plein emploi, c'est en effet une tautologie. Mais il est nécessaire de l'énoncer pour répondre à ceux qui pensent que l'automatisation détruit définitivement l'emploi.

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  8. Qu'est-ce qui nous garanti que l'iconomie lorsqu'elle sera mûre amènera à un équilibre stable et "juste" (sans misères/exploitations massives)...
    L'europe a-t-elle connu un équilibre pendant l'esclavage ?

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    1. Formellement, rien ne le garantit : l'efficacité économique n'impliquant pas l'équité, l'économie n'a pas réponse à tout.
      On peut cependant observer que la mobilisation du cerveau d'œuvre se concilie mal avec l'esclavage : le commerce de la considération semble être une condition de l'efficacité dans l'iconomie. Il ne suffit cependant pas à assurer l'équité...
      L'économie ne suffit pas à tout : ceux qui prétendent le contraire tombent dans le travers de l'économisme - et sans s'en rendre compte, ceux qui lui demandent d'assurer l'équité en sus de l'efficacité font de même.

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  9. Bonjour,
    vous avez beaucoup d'affiches gratuites, documents sur l'idée de faire payer les robots pour les hommes. voir

    http://mouv4x8.perso.neuf.fr/FrLstROS.htm

    Yours

    John

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