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Nous voulons proposer ici une explication de la crise économique actuelle, du ralentissement de la croissance et du chômage qui frappe plusieurs pays. Notre thèse s'appuie sur celle que Bertrand Gille a formulée dans son Histoire des techniques, publiée chez Gallimard dans la collection de La Pléïade en 1978.
Bertrand Gille propose de découper l'histoire de l'humanité en périodes caractérisées chacune par un système technique, synergie de quelques techniques fondamentales. Dès le paléolithique, les êtres humains ont su en effet se doter d'outils pour compléter l'action de leurs mains, et depuis lors les systèmes techniques se sont succédés.
Considérons les quatre derniers : le système technique essentiellement agricole de l'ancien régime fait place, à partir de 1775, au « système technique moderne » (STM) qui s'appuie sur la synergie de la mécanique et de la chimie. Vers 1875 ces deux techniques sont complétées par la maîtrise de l'énergie électrique, ainsi que celle du pétrole, donnant naissance au « système technique moderne développé » (STMD) dont la très grande entreprise est la créature la plus représentative. Le moteur électrique est inventé par Gramme en 1873, l'éclairage électrique par Edison en 1879, le moteur à combustion interne par Otto en 1884.
Vers 1975 enfin arrive le « système technique contemporain » (STC), qui s'appuie sur une synergie entièrement nouvelle : celle de la micro-électronique, du logiciel et de l'Internet. L'informatisation des entreprises s'organise autour d'un système d'information dans les années 1970, le micro-ordinateur se répand dans les années 1980, l'Internet et le téléphone mobile dans les années 1990, le téléphone « intelligent » (ordinateur mobile) dans les années 2000 ; dans les usines, la robotisation automatise les tâches répétitives qui étaient auparavant confiées à la main d’œuvre.
Les prochaines étapes sont déjà amorcées avec la synergie de l'accès mobile à haut débit, du cloud computing et de l'Internet des objets ; le corps humain s'informatise avec l'ordinateur mobile et les prothèses informatisées ; divers outils (imprimante 3D, scanner, etc.) permettent de passer du virtuel au réel et vice-versa.
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Chacun des passages d'un de ces systèmes techniques à l'autre a été nommé « révolution industrielle » : nous avons ainsi connu à partir de 1975 la « troisième révolution industrielle », celle de l'informatisation.
La mécanique, la chimie et l'énergie ne sont évidemment pas supprimées par l'informatisation, pas plus que l'agriculture n'a été supprimée par le système technique moderne : il l'a mécanisée et chimisée, avec le développement des machines agricoles et des engrais, et la part de l'agriculture dans l'emploi a fortement diminué en France : elle était de 66 % en 1800, de 3 % en 2000.
De même donc, l'informatisation ne supprime ni la mécanique, ni la chimie, ni l'énergie : elle les informatise, elle réduit aussi leur importance relative dans l'emploi.
Chacune des révolutions industrielles a fait émerger une société nouvelle, chacune a eu des conséquences anthropologiques profondes : le système technique moderne a fait naître au XIXe siècle la classe ouvrière, le capitalisme, l'urbanisation ; les nations industrialisées sont entrées en concurrence pour la maîtrise des marchés et des matières premières, elles ont rivalisé pour se construire des empires et cela a provoqué des guerres : celles de la Révolution et de l'Empire napoléonien après la première révolution industrielle, les deux guerres mondiales après la deuxième.
La transition entre deux systèmes techniques commence toujours par une crise car les institutions, les habitudes, la délimitation des classes sociales sont bousculées par l'apparition de possibilités nouvelles et, aussi, de dangers nouveaux. Cette crise de transition est causée par l'inadéquation des comportements des acteurs économiques à la situation que fait naître le nouveau système technique : les conditions pratiques de la production et du commerce sont en effet transformées, le changement de perspective a des effets sur la psychologie des personnes, la sociologie qui délimite les pouvoirs légitimes dans les institutions est elle-même modifiée, les représentations et les techniques de la pensée doivent prendre en considération la nouvelle nature à laquelle l'action se confronte : c'est comme si les êtres humains étaient arrivés sur un continent où ils sont confrontés à des plantes dont ils ignorent si elles sont aliment ou poison, à des animaux étranges, à une géographie inconnue.
Chaque crise de transition est un épisode de désarroi. La classe dirigeante étant désorientée, les décisions stratégiques sont désordonnées, les entreprises qui semblaient les plus puissantes se trouvent concurrencées par des entreprises plus petites, mais plus agiles et qui savent tirer parti des possibilités nouvelles. L'opinion se retourne contre les dirigeants, jugés incapables de comprendre le monde dans lequel la société se trouve plongée. Les lois, les règlements qui étaient adaptés à l'ancien monde, et qui avaient été mis au point au terme d'un patient arbitrage entre divers intérêts particuliers, sont jugés obsolètes sans que l'on sache par quelles lois, par quels règlements on peut les remplacer. Les principes auxquels s'attachent les régulateurs se révèlent obsolètes, voire contre-productifs.
Le trouble qui s'est emparé des esprits en France vers la fin du XVIIIe siècle est l'une des explications de la révolution. Les institutions ont été déconsidérées dans la décennie 1880 : la banque de l'Union générale fait en 1882 une faillite retentissante, le président de la République démissionne en 1887 suite à une affaire de corruption, la crise boulangiste débute en 1889, le scandale de Panama éclate en 1892, l'affaire Dreyfus en 1894, etc. Personne dans l'opinion publique ne voyait alors venir l'essor qui allait porter dès 1900 la France au premier rang des nations industrialisées.
Ce retour vers le passé aide à interpréter la situation présente. L'informatisation fait apparaître un monde de techniques et de méthodes entièrement nouveau : la transition du système technique moderne développé au système technique contemporain est donc beaucoup plus brutale que celle de 1875, qui n'avait fait qu'ajouter la maîtrise de sources nouvelles d'énergie à la synergie de la mécanique et de la chimie.
Le désarroi que l'on constate aujourd'hui, le discrédit qui frappe les institutions, s'expliquent par la brutalité de cette transition. La plupart des dirigeants sont désorientés, et pas seulement en France : le scandale qui frappe Volkswagen, les difficultés que rencontrent Siemens et la Deutsche Bank, montrent que le phénomène n'épargne aucun pays. De nombreuses personnes semblent vouloir revenir à l'époque des chasseurs-cueilleurs ; d'autres ne voient le salut que dans la transition énergétique, alors que celle-ci est la réponse à une contrainte et non la conquête de possibilités nouvelles.
Par ailleurs les prédateurs, qu'aucune règle ni aucun scrupule ne retiennent et qui sont en permanence à l'affût, sont les plus rapides dans l'utilisation des possibilités nouvelles : le crime organisé sait tirer parti de l'informatique pour blanchir ses profits et conquérir des positions de force dans l'économie légale, la Banque n'a pas su résister aux tentations qui s'offraient à elle : la « production d'argent » à laquelle elle se livre exerce une prédation sur le système productif et on a pu dire que le trading de haute fréquence n'était qu'un délit d'initié systémique.
La crise économique actuelle s'explique donc non par quelque déséquilibre survenu dans les paramètres de la macro-économie, mais par le fait que l'informatisation a changé la nature à laquelle les actions et les intentions humaines sont confrontées. Les missions et l'organisation des institutions, qui étaient adaptées au système technique antérieur, se trouvent frappées d'obsolescence ainsi que les recommandations de la plupart des économistes. Les comportements des acteurs économiques, qu'il s'agisse des entreprises, des consommateurs ou des États, ne répondent pas aux exigences de la situation présente, à la « nouvelle nature » que l'informatisation fait émerger.
Pour sortir d'une crise, il faut savoir où aller. L'institut de l'iconomie que j'ai l'honneur de présider s'est donné pour mission de construire le modèle d'une économie informatisée qui serait efficace et dans laquelle les comportements des agents économiques seraient donc raisonnables en regard de la réalité du système technique et de la nature qu'il fait émerger. Nous nous sommes ainsi attachés à faire apparaître les conditions nécessaires de l'efficacité.
Il ne s'agit pas d'une prévision : les conditions nécessaires de l'efficacité ne sont pas des conditions suffisantes et le futur est essentiellement imprévisible. Il s'agit seulement de placer à l'horizon des intuitions un repère qui permette d'orienter les décisions, de fédérer les volontés autour d'un but partagé, de mettre un terme aux comportements destructeurs que l'on constate aujourd’hui et, en particulier, de contenir la prédation.
Ce modèle, ce repère, nous l'avons nommé iconomie. C'est la représentation d'une économie et d'une société informatisées qui seraient par hypothèse sorties de la crise de transition. Il s'agit de rendre évidentes, répétons-le, les conditions nécessaires de l'efficacité : une société qui ne les respecte pas ne pourra jamais atteindre l'efficacité dans le STC.
Nous allons maintenant présenter les traits essentiels de cette iconomie, puis revenir à la situation présente afin de la situer dans la perspective de l'iconomie.
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Voici les principales caractéristiques de l'iconomie :
Les tâches répétitives sont automatisées, qu'il s'agisse des tâches physiques ou des tâches mentales : dans les usines, les robots effectuent les opérations jusqu'alors exécutées par une main d’œuvre qui était l'auxiliaire de la machine : l'emploi de la main d’œuvre ayant pratiquement disparu, on ne voit dans les ateliers que des équipes de maintenance qui entretiennent les robots et des superviseurs qui contrôlent leur fonctionnement.
Les tâches mentales sont également automatisées : la recherche des avocats dans la jurisprudence est efficacement remplacée par des automates, le travail des dessinateurs et techniciens de l'architecture est transformé par des programmes qui facilitent la production des plans et de la documentation nécessaire aux travaux. De même, la conception des produits industriels est accélérée par des outils de modélisation 3D et de simulation.
La production industrielle étant la reproduction répétée d'un prototype, son coût est pour l'essentiel celui de cette répétition. Si les tâches répétitives sont automatisées, si la main d’œuvre est supprimée, le coût de cette reproduction se réduit au coût des matières premières et celui-ci est généralement faible : comme le disent les économistes, « le coût marginal est pratiquement nul ».
C'est le cas des micro-processeurs et des mémoires, c'est aussi le cas des logiciels : une fois le programme écrit, sa répétition par gravure sur des CD ou par téléchargement ne coûte pratiquement rien. Il en est de même pour les téléphones mobiles, tablettes et ordinateurs qui sont construits en entourant les circuits intégrés et les logiciels d'une carrosserie qui présente à l'utilisateur une interface commode.
La part de l'informatique et de l'automatisation croît dans les automobiles, les avions, les réseaux, la production et le transport de l'électricité : on parle de « compteur intelligent » et de « smart grids ». Plus les produits sont informatisés, plus leur production est automatisée, plus leur coût marginal est faible.
Le coût de l’investissement initial est par contre important. Il recouvre la conception du produit, celle de l'ingénierie de sa production, donc des automates qu'il va falloir mettre en place et de leurs programmes. Il recouvre aussi une ingénierie d'affaire dont nous parlerons dans un instant. Mettre en production un nouveau microprocesseur coûte de l'ordre d'une dizaine de milliards de dollars, le coût de production d'un nouveau système d'exploitation est du même ordre de grandeur. C'est la complexité et le coût de ces opérations de conception et d'ingénierie qui expliquent le délai que demande la conception d'un nouvel avion, d'une nouvelle voiture, puis encore le lancement de leur production industrielle.
La fonction de coût prend ainsi dans l'iconomie une forme particulière : un coût fixe important, un coût marginal pratiquement nul. Le risque de l'entreprise est donc élevé : tout le coût de production est pratiquement dépensé avant qu'un seul exemplaire du produit n'ait été vendu, avant que les initiatives de la concurrence ne soient connue : l'iconomie est l'économie du risque maximum.
On peut objecter que beaucoup de startups lancent des projets dont la conception et l'ingénierie sont peu coûteuses, car ils consistent à mettre en œuvre des briques logicielles que l'on trouve sur le marché. C'est vrai, et il est vrai que certaines d'entre elles réussissent : mais alors elles doivent passer à la vraie grandeur et cela suppose de mettre en place une infrastructure lourde (que l'on pense aux fermes de serveurs qu'utilisent des entreprises comme Google ou Facebook, aux investissement en logiciel d'Amazon, etc.). Le coût fixe est donc important dans tous les cas, même si l'entreprise ne le paie qu'après une phase de démarrage elle-même peu coûteuse.
Lorsque la fonction de coût a cette forme, le coût moyen est une fonction décroissante de la quantité produite. Cette circonstance est celle dans laquelle pourrait s'installer un monopole naturel : une seule entreprise, la plus grande, dominerait le marché mondial de chaque produit car son coût de production serait plus faible que celui de ses concurrents.
Ceux-ci peuvent cependant survivre s'ils différencient leur produit, s'ils en produisent une variété que ses attributs destinent aux besoins d'un segment de marché. Dans ce cas, le marché obéit au régime de la concurrence monopolistique. Pour que cela soit possible il faut que le produit puisse se diversifier afin de répondre à des besoins divers. C'est le cas depuis toujours pour les livres, la musique, l'habillement, les automobiles, etc. Dans l'iconomie, ce régime de marché s'étend à la totalité des produits à la seule exception de ceux qui, comme le lingot de cuivre brut, ne se prêtent à aucune diversification.
Ce régime diffère bien sûr de celui de la concurrence parfaite, qui reste la référence des économistes et dont une des conséquences est la tarification au coût marginal : cette tarification serait absurde lorsque le coût marginal est nul car elle ne permet pas de compenser le coût fixe. Dans l'iconomie, il faut que l'entreprise vende au coût moyen de production augmenté bien sûr d'une prime qui compense le risque qu'elle a pris. La stratégie de l'entreprise sera de conquérir un monopole sur un segment de marché, et le régulateur devra faire en sorte que ce monopole soit temporaire : le délai doit être assez long pour que l'entreprise puisse rentabiliser son effort, mais pas trop long car elle s'endormirait sur ses lauriers. L'art du régulateur de l'iconomie consiste donc à régler la durée du monopole de telle sorte que le moteur de l'innovation tourne à plein régime.
La diversification d'un produit en variété vise à fournir à chaque segment de clientèle la « qualité » qui lui convient. Il faut distinguer la « qualité verticale », qui se caractérise par le degré de finition, et la « qualité horizontale » qui se caractérise par la diversité des paramètres qualitatifs à finition égale (couleur des chemises, taille d'un pantalon, etc.). Le client fera son choix en fonction du rapport qualité / prix, son évaluation de la qualité étant subjective : il recherche « ce qui me convient à moi ». L'iconomie est une économie de la qualité.
La recherche d'une position de monopole sur un segment des besoins incite l’entreprise a introduire dans son produit les services qui confortent la satisfaction de l'utilisateur : conseil avant-vente, financement d'un prêt, location, entretien périodique, réparations, remplacement en fin de durée de vie, recyclage du bien que le produit comporte. L'informatisation et l'Internet des objets ont d'ailleurs facilité la production de ces services, à tel point que dans l'iconomie tout produit est un assemblage de biens et de services dont le système d'information assure la cohésion.
L'iconomie est l'économie du risque maximum : afin de limiter les risques, l'entreprise va monter un réseau de partenaires qui se partagent le processus de production. Le système d'information doit assurer l'interopérabilité des partenaires tout au long du processus de production, et il doit assurer en outre la transparence du partenariat : chaque partenaire doit pouvoir vérifier que le partage des dépenses et des recettes est bien conforme au contrat initial.
Dans l'iconomie, chaque produit est donc un assemblage de biens et de services, élaboré par un partenariat, et le système d'information est le pivot de la production : il assure la cohésion des biens et des services ainsi que l'interopérabilité et la transparence du partenariat.
L'emploi réside pour l'essentiel dans la conception des produits et l'ingénierie de leur production, ainsi que dans les services que le produit comporte : la main d’œuvre a été remplacée par un cerveau d’œuvre. Alors que l'économie mécanisée ne tirait aucun parti du cerveau de la main d’œuvre, qui n'était que l'auxiliaire de la machine et à qui il était simplement demandé d'apprendre un geste, puis de le répéter de façon réflexe, l’économie informatisée demande au cerveau d’œuvre de faire preuve d'initiative, de responsabilité, de créativité, de discernement : l'iconomie est une économie de la compétence.
C'est évident pour les emplois consacrés à la conception des produits et à l'organisation de la production, ce l'est aussi pour les emplois de service. On croit trop souvent qu'ils ne demandent qu'une faible qualification (et ne méritent qu'un faible salaire), c'est complètement faux : il faut savoir interpréter ce que dit le client, il faut savoir réagir de façon judicieuse devant des événements imprévus, il faut posséder un compétence relationnelle élevée.
L'entreprise ne peut pas se comporter avec le cerveau d’œuvre comme elle se comportait avec la main d’œuvre : elle doit déléguer aux agents opérationnels une légitimité proportionnée aux responsabilités dont elle les charge, et donc un droit à l'erreur et un droit à l'écoute ; il faut que ceux des agents qui ont quelque chose à dire à l'entreprise – une nouvelle idée, ou un constat de ce qui se passe sur le terrain – puissent être entendus. Le rapport hiérarchique, qui sacralisait la fonction de commandement, est alors remplacé par un « commerce de la considération » qui concerne aussi les relations entre les diverses spécialités dans l'entreprise, entre l'entreprise et ses clients, entre l'entreprise et ses partenaires.
Le secret de l'efficacité de l'entreprise réside alors dans la qualité de l'articulation entre le cerveau d’œuvre et une ressource informatique composée de programmes et de documents. L'informatisation a fait apparaître dans le monde de la nature un être nouveau, l'alliage du cerveau humain et de l'automate, qui tout comme les autres alliages présente des propriétés que n'ont aucune de ses deux composantes.
Outre l'automatisation des tâches répétitives, l'informatique accomplit en effet certaines des tâches que l'on attribuait naguère à la magie : à travers ses équipements périphériques, elle commande aux choses à travers les mots qui sont inscrits dans des programmes exécutés à grande vitesse, et cela rend réels des faits auparavant impossibles. Le pilote automatique d'un avion maintient longuement celui-ci dans la position qui permet d'économiser du carburant, position instable qu'un pilote humain ne pourrait maintenir que pendant quelques secondes.
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Nous avons caractérisé l'iconomie comme l'économie du risque maximum, l'économie de la qualité et l'économie de la compétence. Nous avons dit que le secret de son efficacité résidait dans la bonne articulation du couple que forment le cerveau humain et la ressource informatique : réussir l'informatisation d'une institution, d'une entreprise, c'est un art qui demande de maîtriser des dimensions technique, psychologique, sociologique et même philosophiques car l'informatisation enrichit les techniques de la pensée.
Ces résultats éclairent utilement la situation présente. Pour que nous puissions sortir de la crise, il faut que le comportement des consommateurs, des entreprises et de l’État soient conformes aux exigences de la nouvelle nature que l'informatisation a fait émerger.
Il faut donc que le discernement des consommateurs soit orienté vers la recherche du meilleur rapport qualité subjective / prix, et non par la seule recherche du prix le plus bas : c'est d'ailleurs ce qui permet la meilleure gestion de leur budget.
Il faut que la stratégie des entreprises soit orientée par la perspective de l'iconomie, qu'elles se donnent pour but la conquête d'une position de monopole temporaire sur un segment des besoins mondiaux.
Il faut que l’État se donne pour priorité l'informatisation raisonnable des grands systèmes de la nation (santé, enseignement, justice, défense, etc.) et qu'il encourage les entreprises à aller vers l'iconomie. Cela suppose que pour les régulateurs le modèle de référence soit la concurrence monopolistique, et non la concurrence parfaite et la tarification au coût marginal.
Il faut que l'opinion publique comprenne que le phénomène essentiel réside dans l'informatisation du système productif, et non dans l'usage des téléphones « intelligents », des réseaux sociaux, etc. sur lesquels l'attention de concentre : l’informatisation ne se réduit pas au « numérique ».
L'intelligence ne se trouve pas dans les ordinateurs, mais dans le cerveau des programmeurs et dans celui des utilisateurs : il n'y a pas d'intelligence artificielle mais des intelligences naturelles.
Il ne faut pas se tromper sur les risques : le danger principal n'est pas que « trop d'information tue l'information » (c'était déjà le cas avec les livres), ni que « l'automatisation tue l'emploi » : à l'économie de la compétence répondra le plein emploi dans une société de classe moyenne – mais il est vrai que cela suppose une transformation du système éducatif.
Le danger principal est celui d'un retour au régime féodal car la prédation, s’appuyant sur la puissance qu'apporte l'informatique, pourrait avoir raison de l’État de droit et de la démocratie.
C'est toujours un plaisir de vous lire... Il est probable que l'histoire retienne notre période contemporaine comme celle des "âges stupides" ! Ne comprenant pas pourquoi vos travaux visionnaires, bien que clairement expliqués, soient si massivement ignorés par les dirigeants comme par le peuple !
RépondreSupprimerMes travaux ne sont pas ignorés de tout le monde : certaines personnes me disent qu'ils leur sont utiles, des professeurs les citent dans leur cours. Cela m'encourage.
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