samedi 27 juin 2009

Une crise peut en cacher une autre

Nota Bene : ce texte a été publié par la revue Le Débat, n° 157, novembre-décembre 2009.

La crise financière accapare l’attention. On l’explique par le comportement des financiers : mais ce comportement, comment l’expliquer ?

Nous développons la thèse suivante : l’informatisation a, depuis 1975, transformé l’économie mais cette transformation n’est ni comprise, ni clairement perçue. Il en résulte un déséquilibre qui suscite une crise plus profonde, plus globale que ce qui apparaît à l’occasion de la crise « financière ».

Pour en élucider les enjeux il faudra examiner la dimension anthropologique de l’informatisation.


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Il est utile de découper l’histoire selon en trois phases séparées par deux transitions : économie agricole jusqu’à 1750 ; industrialisée de 1750 à 1975 ; informatisée enfin à partir de 1975 (Gille [9]).

L’important réside moins dans ces intitulés et ces datations, évidemment discutables, que dans la perception des phases et transitions. L’examen de la transition entre économie agricole et économie industrialisée éclaire en effet celle, différente de nature mais aussi profonde sinon plus, qui est en train de se produire.

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Dans l’économie industrialisée l’agriculture ne cesse pas d’exister : au contraire elle gagne en efficacité au point que le risque de pénurie alimentaire disparaît dans les pays riches grâce à l’industrialisation de l’agriculture (tracteurs et machines agricoles, engrais et pesticides) tandis que le gain de productivité suscite une forte baisse de la part du secteur primaire dans la population active.

De même l’industrie ne disparaît pas dans l’économie informatisée mais l’informatisation de l’industrie transforme et la nature de ses produits, et leur processus de production, tandis que le gain de productivité suscite la baisse de la part du secteur secondaire (Marchand et Thélot [13]).

La transition entre l’économie agricole et l’économie industrialisée a été pénible : les premières machines étaient chères, fragiles, difficiles à utiliser et à entretenir (Peaucelle [14]). L’examen de ces difficultés est d'ailleurs riche en enseignements pour ceux qui, aujourd’hui, peinent à s’informatiser.

Il est utile aussi de se remémorer les effets anthropologiques de l’industrialisation. La mécanisation de la production, opération purement technique, a eu en effet des conséquences économiques, sociales, culturelles etc. Pour assurer un débouché à la production massive de biens standardisés il a fallu faire naître l’économie de marché, ce qui supposait de jeter à bas les particularismes locaux, les péages et privilèges du régime féodal : il a fallu une révolution pour transformer les institutions ([27]).

La mise en œuvre des machines a exigé la création des usines ainsi que l’extension du salariat. Elle fera naître la classe ouvrière dont l’exploitation sans mesure provoquera la lutte des classes, puis le syndicalisme et les partis de gauche. La formation scolaire deviendra obligatoire pour répondre aux besoins en personnel qualifié, les études alimenteront un ascenseur social.

La concurrence entre nations pour la maîtrise des approvisionnements et des débouchés suscitera enfin l’impérialisme et le colonialisme ; ils aboutiront à des guerres auxquelles l’industrie procurera des armes d’une puissance destructive inédite.

Les causes de chacun de ces phénomènes forment un réseau complexe et assurément l’industrialisation ne suffit pas à tout expliquer. Mais sans cette transformation d’origine technique les institutions, les modes de pensée, les valeurs n’auraient pas connu la même évolution. Nos ambitions, nos rêves, ce que nous voulons faire comme ce que nous voulons être se sont, pour le meilleur et pour le pire, déployés dans le cadre symbolique fourni par l’industrialisation : elle a balisé la carrière des cadres, l’image du statut social s’est condensée dans l’automobile etc.

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Les conséquences de l’informatisation seront de nature évidemment différente mais d’ampleur au moins comparable.

L’ordinateur, automate programmable doué d’ubiquité fondé sur la synergie entre la microélectronique, le logiciel et les réseaux, n’a pas en effet le même rôle que les machines de l’industrie : alors que celles-ci soulageaient l’effort physique que demande la production, il assiste l’effort mental. Ce changement du point d’application de la technique, ce passage du muscle au cerveau, distingue fondamentalement l’informatisation de l’industrialisation ([25]).

L’ordinateur est donc bien autre chose qu’une machine de plus. Il touche à notre organe le plus complexe, le plus délicat, celui où se condense notre mémoire, où s’élabore notre personnalité. On peut en inférer que ses effets anthropologiques seront encore plus profonds, plus bouleversants que ceux qu’a eus la synergie que l’industrie a cultivée entre la mécanique, la chimie et l’électricité.


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Il est dans l’ordre des choses qu’une telle transformation soit d’abord mal comprise. Tandis que l’industrialisation débutait et qu’Adam Smith posait les fondations de la science économique, les physiocrates français voyaient dans l’agriculture et les mines la seule source de richesse : ils disaient l’industrie et le commerce stériles.

De même, aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, ne voyant dans l’informatique qu’une technique parmi d’autres, sous-estiment les possibilités et les risques qu’elle comporte et persévèrent à voir dans l’industrie, c’est-à-dire dans la production massive de biens, la seule source de richesse.

L’informatique est d’ailleurs l’objet d’une sorte de malédiction : son vocabulaire abonde en faux amis qui égarent l’intuition du non-initié (« ordinateur », « objet », « langage », « virtuel », « donnée », « numérique » etc.) et tandis que les complexités de la technique le tiennent à l’écart, la simplicité à laquelle est parvenu l’usage lui donne le sentiment d’en savoir assez.

Ainsi, alors même que la crise de l’automobile illustre la sous-utilisation des possibilités qu’apporte l’informatisation et que la crise financière a illustré l’inconscience devant ses risques, les mesures de relance n’évoquent l’informatique que pour mentionner, sous l’acronyme TIC (techniques – ou, improprement, technologiesde l’information et de la communication), l’équipement du territoire en accès à haut débit à l’Internet et la dissémination d’ordinateurs dans les collèges et les lycées : tous objectifs louables sans doute, mais terriblement limités.

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L’enjeu essentiel se situe en effet dans les systèmes d’information qui articulent la physique de la plate-forme informatique à la sémantique qui sous-tend l’action humaine.

Or la plupart des systèmes d’information des entreprises, et plus généralement des institutions, sont en mauvais état. La plate-forme entasse des outils selon des couches géologiques d’époques différentes : ils sont incohérents, leur maintenance coûte cher, mais on hésite à les refaire.

Les données sont souvent de mauvaise qualité : identifiants mal définis, mauvaise tenue à jour des données de référence etc. Le langage de l’entreprise est miné par l’entropie : si l’on n’y prend garde les codages se dégradent en dialectes locaux, se contaminent à travers les partenariats, se disloquent à la suite d’une opération de fusion, résistent aux évolutions nécessaires (Boydens [3]). Or garbage in, garbage out : quand on y entre des données fausses le système d’information ne produit rien qui vaille.

Les projets informatiques connaissent un taux d’échec qui ne serait toléré dans aucun autre domaine de l’ingénierie : un quart seulement d’entre eux réussissent, un quart échouent complètement, une moitié n’aboutissent qu’au prix d’un dépassement important du budget et du délai (Standish Group [20]).
Malgré des discours emphatiques sur l’importance stratégique des systèmes d’information la plupart des entreprises avancent à reculons, en trébuchant sur le moindre obstacle : durant les années 90 elles ont résisté à la messagerie, à l’Internet, à la documentation électronique ; aujourd’hui elles résistent aux workflows (informatisation des processus de production) et à l’urbanisation du système d’information (représentation qui, par analogie avec une ville, indique la solidarité des parties d’un système et anticipe leur déploiement futur).
Nombreuses sont celles qui, ne voyant dans l’informatique qu’un centre de coût, la sous-traitent et prennent ainsi le risque de ne plus pouvoir maîtriser leur système d’information (Strassmann [21]).

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Cependant, et comme à l’insu des entreprises, l’informatisation a transformé leurs produits qui sont peu à peu devenus des assemblages de biens et de services, élaborés par des partenariats. L’automobile en est un exemple : un réseau d’entreprises aux systèmes d’information interopérables fournit au client l’assemblage d’un bien (la voiture) et d’un faisceau de services (conseil avant-vente, financement du prêt, garantie pièces et main d’œuvre, alertes éventuelles, entretien etc.)

Mais cette industrie est en deuil : la voiture, naguère bien emblématique de l’économie et symbole du statut social, a été détrônée par les produits informatiques (ordinateurs, téléphones mobiles etc.) : elle n’est plus que la composante matérielle d’un produit à finalité utilitaire. Mais le secteur automobile, les yeux fixés sur son glorieux passé, résiste à cette évolution. Il en résulte que tous les constructeurs sont en difficulté, que General Motors fait faillite !

Cet exemple illustre le comportement de nombreuses entreprises : se cramponnant à la composante physique de leur produit, qui seule leur semble concrète et conforme à leurs traditions, elles répugnent à s’informatiser et à déployer les services qui conforteraient la qualité du produit.

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 « C’est la mise en œuvre de la technologie numérique qui a provoqué la débâcle financière » (Holmes [12]).
Si l’informatique a transformé le possible, c’est en apportant aussi des risques auxquels certains restent aveugles. L’automate est sujet à des pannes, les réseaux peuvent se rompre et le mieux conçu, le mieux vérifié des logiciels comportera au moins un défaut par dizaine de milliers de lignes de code source (Printz [15], p. 73). Une institution qui s’informatise doit donc mettre en place la supervision qui contrôlera l’automate et pourra réagir en cas d’incident.

Par ailleurs l’informatisation encourage une décentralisation du pouvoir de décision, largement délégué à l’agent opérationnel qui agit sur le terrain. Les hiérarchies intermédiaires sont alors allégées, les rapports d’autorité font place à une animation : cette évolution comporte des aspects positifs mais elle nécessite que l’on supervise aussi le travail humain, deuxième composante du système d’information, tout en évitant le stress que provoquerait un contrôle tatillon.

L’informatisation est donc un art dont le chef d’œuvre est la réussite de la synergie entre l’être humain et l’automate. Cela demande une conjonction de rigueur et de sensibilité à laquelle ne peuvent parvenir ni l’étroitesse de tant de techniciens spécialisés, ni les évidences triviales du business is business dont se satisfont tant de managers.

Or cet art, le secteur financier n’a pas su l’acquérir. Sous la pression de la nécessité et de la concurrence il s’est informatisé à bride abattue, il a usé et abusé de l’automate, empilé des logiciels, des modèles, dont personne ne pouvait plus comprendre le fonctionnement d’ensemble :

« Les dirigeants de Wall Street aimaient les swaps et les produits dérivés parce qu’ils n’étaient pas supervisés par des êtres humains. Seules les machines en étaient responsables » (Dooling [7]).

« Depuis le Big Bang des années 80 de grandes quantités d’actions et d’obligations – ainsi que leurs produits dérivés – ont été traitées automatiquement par les ordinateurs et non par des êtres humains. Ces "algotrades", comme on dit, représentaient jusqu’à 40 % des transactions sur le London Stock Exchange en 2006 et sur certains marchés américains la proportion peut atteindre 80 % » ([6]).

Alors que le secteur financier fait commerce de sa maîtrise des risques, il a négligé la supervision de l’automate et aussi celle des êtres humains. Certains dirigeants ont comme chez Fannie Mae délibérément poussé ces derniers à négliger les signaux d’alarme :

« M. Hudd (patron de Fannie Mae) dit à ses employés de prendre des risques avec agressivité, ou bien de quitter l’entreprise » (Duhigg [8]).

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On peut voir dans l’informatisation la cause de la crise financière. Non certes la cause immédiate, car celle-ci réside dans le comportement des financiers, mais la cause matérielle qui a rendu ce comportement possible.

Une fois possible il était rendu inévitable par la conjonction d’une illusion de sécurité et de la pression concurrentielle. L’informatique et le réseau ont en effet unifié le marché mondial et instauré entre les banques une solidarité telle que si l’une tombait les autres devaient tomber aussi comme les alpinistes d’une même cordée.

Or la probabilité d’une catastrophe systémique semblait négligeable : chacun sait bien que la Terre ne peut pas cesser de tourner ! La systématicité du risque étant perçue comme un facteur de sécurité le risque était apparemment supprimé - et c’est l’apparence qui dicte les comportements.

 Tout le métier de la finance réside dans l’arbitrage entre rendement et risque. Le risque (en apparence) supprimé, l’un des piliers de ce métier s’effondrait : rien ne pouvait plus arrêter la course au rendement, fût-il illusoire. Celui qui se montrait prudent était éjecté du marché car ses clients le quittaient pour d’autres qui, offrant des rendements plus élevés, paraissaient « plus intelligents » et « plus efficaces ».

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Promenez-vous dans les couloirs d’une entreprise, jetez un coup d’œil dans les bureaux, que voyez-vous ?

Des personnes assises devant l’écran-clavier qui leur donne accès au système d’information, à moins qu’elles ne soient en réunion. Dans les usines ? Des ouvriers devant l’écran-clavier des machines à commande numérique qui sont autant d’ordinateurs, et de nombreux robots.

Dans les années 80, la part du temps de travail passé par la population active dans l’espace mental du système d’information n’excédait pas 1 %. Il est aujourd’hui de plus de 30 %, il dépassera 50 % dans les années 2010 ([25], p. 202).

La qualité de l’IHM (interface homme-machine), charnière entre l’être humain et l’automate, est ainsi devenue le paramètre essentiel de l’efficacité. Certaines entreprises, encore rares, observent ce qui se passe devant l’écran-clavier pour définir intelligemment l’IHM, former leurs agents, encourager la dissémination des bonnes pratiques et déraciner les mauvaises.

L’entreprise n’est pas le seul théâtre de l’informatisation. D’après une enquête allemande (Dahlkamp [5]) les garçons de quinze ans passent devant l’ordinateur plus de quatre heures par jour en moyenne (les filles, un peu moins de trois heures) pour le chat ou des jeux en réseau dont certains, comme World of Warcraft, peuvent devenir une drogue.

Le téléphone mobile, en libérant le terminal de la connexion filaire, avait donné l’ubiquité absolue au signal vocal ; devenu un ordinateur, il confère maintenant l’ubiquité absolue à la ressource informatique. Alors le corps est informatisé : il est potentiellement connecté en permanence à l’Internet, à la messagerie, à une ressource personnelle de mémoire informatique et de puissance.

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L’écriture avait « rendu visible la parole invisible » (Herrenschmidt [11]), le livre lui a permis de franchir le temps et l’espace, l’imprimerie l’a rendue accessible pour un prix modeste.

L’informatique enfin procure l’ubiquité de l’accès au corpus de tous les textes. Il n’est plus besoin de se trouver dans une bibliothèque pour accéder au livre et les moteurs de recherche, même rudimentaires, permettent au lecteur de passer d’un texte à l’autre au rythme de ses associations d’idées. Il sera d’autant plus proche d’un texte que celui-ci l’intéresse davantage : c’est la seule distance qui subsiste dans l’espace logique (au sens de Logos, parole, et non de raisonnement) qui s’est ainsi ouvert ([26]).

Une telle évolution pose des questions de savoir-faire et surtout de savoir-vivre. Nous avons tous été témoins de l’usage indiscret d’un téléphone mobile : l’ordinateur mobile est susceptible d’abus encore plus irritants.

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Si l’informatisation change la vie au travail et en famille, c’est pour le pire aussi bien que pour le meilleur. Elle est aussi indifférente aux valeurs humaines que ne l’est un marteau dont on peut se servir soit pour installer une bibliothèque, soit pour assassiner son prochain.

C’est pourquoi on peut, malgré la qualité de leur apport, renvoyer dos à dos ceux qui comme Paul Virilio (Virilio [23]) la diabolisent et ceux qui comme Michel Serres (Serres [18]) font son apologie : ce n’est pas dans un outil que l’on doit chercher à discerner le bien et le mal.

Il faut donc outrepasser la technique – même si celle-ci est nécessaire – pour explorer ses implications anthropologiques, sa relation avec les êtres humains, leurs institutions et leurs sociétés, leurs destins et leurs rêves. On peut pour cela s’appuyer sur les enseignements que fournit ce tout premier laboratoire de l’informatisation qu’est l’entreprise.

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Les consultants en système d’information énoncent tous le même constat : « je consacre 95 % de mon temps de travail à la politique, 5 % à la technique ». De l’un à l’autre ces pourcentages varient mais l’idée reste la même, et par « politique » ils entendent ce qu’il faut faire pour résoudre les conflits que provoquent la définition, la mise en place, l’utilisation d’un système d’information.

L’informatisation transforme, nous l’avons dit, la nature des produits. Elle transforme aussi l’organisation de l’entreprise, ce mot désignant conjointement la structure des pouvoirs légitimes et celle des procédures de travail.

Or les spécialités professionnelles qu’une entreprise fédère sont toutes devenues, fût-ce implicitement, des corporations qui veillent à la qualification des spécialistes mais qui, aussi, s’emploient à ériger une forteresse juridique ou coutumière pour défendre leurs intérêts et leurs habitudes.

Toute institution d’une certaine taille et ancienneté est par ailleurs parasitée par des réseaux d’allégeance et d’influence (politiques, syndicaux, religieux, d’école etc.) qui s’entrecroisent avec les canaux de la légitimité.

Ces structures de pouvoir, corporations et réseaux dotent l’institution d’une grille sociologique et symbolique que l’informatisation dérange évidemment : corriger les défauts que présentent les données, par exemple, remet en question le partage du pouvoir car celui-ci s’exprime dans le codage. Le stratège efficace sera celui qui sait trouver, dans cette structure, le symbole sur lequel appuyer un levier. L’art « politique » du consultant, conseiller du stratège, consiste à l’aider dans cette recherche délicate.

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Les pires conflits, ceux qui font exploser les réunions au point d’interdire tout compromis ne sont cependant pas tant ceux que provoque la sociologie de l’entreprise : ils portent plutôt sur la façon dont se construit une représentation et dont on raisonne, sur les procédés de pensée que l’on utilise. Leur racine est philosophique.

L’informatique donne en effet la priorité à l’action sur la contemplation : « les mathématiques partent habituellement de la question “qu’est-ce que c’est”, alors que l’informatique part de la question “comment faire” » (Abelson et Sussmann, [1] p. 22). Etant essentiellement pratique, elle semble vulgaire à ceux dont l’esprit, comme celui des mathématiciens, se meut dans le monde des idées pures.

Sa démarche implique une pratique de l’abstraction, une construction conceptuelle à finalité pratique : pour définir les êtres que le système d’information représentera par de petits programmes que l’on nomme improprement objets, il faut faire abstraction de ceux qui ne sont pas représentés ; pour les décrire il faut encore choisir d’observer certains de leurs attributs, et donc faire abstraction des autres.

Pour pouvoir représenter le monde réel de façon adéquate à l’action, l’informatique le soumet ainsi au filtre d’une simplification délibérée. Cela exaspère ceux qui estiment sans valeur une représentation qui ne restitue pas le réel dans toute sa complexité : « ce n’est pas si simple ! » s’exclament-ils. Il faut alors leur expliquer que tout modèle étant irréaliste, seule importe sa pertinence.

Mais souvent ce discours ne sera pas entendu et la résistance persistera pour une raison cette fois sociologique et culturelle. On accepte, ou on subit, les abstractions qu’ont produites les Grands Hommes du passé, des Savants, des Newton et des Einstein ; mais on se refuse à accorder une telle autorité à l’informaticien, agent de grade moyen que l’on croise chaque jour dans les couloirs et à la cantine.

Ajoutons un point qui déconcerte : les représentations des êtres réels que l’informatique élabore, ces « objets » comme on dit, évoluent selon un « cycle de vie ». Ainsi l’« objet » créé lors d’une prise de commande se transforme tout au long du processus de production et jusqu’au paiement de la facture par le client. Or si nous savons bien que les choses évoluent, à commencer par nous-mêmes, étant les lointains héritiers de Parménide nous sommes mal à l’aise quand il faut concevoir qu’une chose puisse « cesser d’être tout en étant ».

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Quand on cherche à distinguer ce qui est de ce qui n’est que possible et de ce qui n’existe que dans l’imagination, ou encore à élucider les valeurs qui sous-tendent telle orientation de la pensée et de l’action, on entre sur le terrain de la métaphysique. Sur ce terrain encore l’informatisation se manifeste : ses exigences techniques, comme les possibilités qu’elle apporte, apportent à certaines valeurs un soutien implicite.

Quelles sont donc les valeurs de l’entreprise, quel est le but qu’elle vise, quelle est sa mission ? On peut les définir d’autant de façons qu’il existe de parties prenantes : « créer de la valeur pour l’actionnaire », « créer des emplois », « produire de l’argent » etc.

Mais revenons à son socle économique. On cite volontiers le passage où Adam Smith parle de la « main invisible », que l’on interprète toujours à contresens, mais on ne cite jamais celui-ci : « la consommation est la seule fin, le seul but de toute production, et on ne doit considérer les intérêts du producteur que dans la mesure où cela permet de promouvoir ceux du consommateur. Cette maxime est tellement évidente qu’il serait absurde de tenter de la démontrer » (Smith [19], livre IV, chap. 8).

Suivons donc cette évidence : la mission de toute entreprise, de toute institution est de produire efficacement des choses utiles. Or l’informatisation se met exactement au service de cette mission lorsqu’elle modélise et assiste le processus de production jusque dans les mains du client, qu’elle produit les indicateurs d’efficacité, qualité et satisfaction qui permettent sa supervision.

Ce faisant elle tourne le dos à d’autres formulations de la mission : elle n’aide par exemple en rien à « produire de la valeur pour l’actionnaire », sinon très indirectement, et c’est tant mieux puisque Jack Welch, qui a lancé ce slogan en 1981 alors qu’il était patron de General Electric, dit aujourd’hui « la création de valeur pour l’actionnaire est l’idée la plus stupide du monde. C’est un résultat, non une stratégie. Ce qui compte le plus dans une entreprise ce sont les salariés, les clients et les produits » (Guerrera [10]).

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Mais sortons de l’entreprise pour considérer l’équilibre économique dans son ensemble. Il apparaît alors que l’informatisation, avec l’automatisation qu’elle apporte, a transformé tous ses paramètres.

Pour les logiciels, pour les circuits intégrés, le coût de production se résume au coût de conception du produit : le coût d’un CD de plus, d’une puce de plus, est négligeable. Il en sera de même pour toute production informatisée, automatisée : la quasi-totalité du coût de production est dépensée lors de la phase initiale de conception du produit, en y incluant l’organisation de sa production, la programmation du processus et l’ingénierie d’affaires. L’économie informatisée est une « économie de la conception », ou si l’on veut « du design », bien plus qu’une économie de l’information ou de la connaissance.

Le coût marginal étant négligeable, cette économie connaît des rendements d’échelle croissants (le coût moyen d’un produit décroît lorsque la quantité produite augmente). On peut démontrer ([24]) qu’alors l’équilibre du marché s’établit sous le régime de concurrence monopoliste qui faisait dans les années 30 figure de curiosité dans la théorie (Robinson [16], Chamberlin [4]), et qui est devenu le régime de l'économie.

Il ne convient pas de développer ici ce modèle : disons seulement qu’il a pour corollaire la segmentation de la clientèle (y compris la segmentation tarifaire qui permet à l’entreprise de s’approprier le surplus du consommateur) et la diversification du produit.

Lorsque le coût marginal est négligeable, la valeur du produit s’évade de la quantité pour s’accoler à la qualité : la satisfaction que procure un iPod (tout comme celle que donne un livre) résulte de la qualité de sa conception et non du nombre d’exemplaires que l’on détient. Cela influence l’imaginaire des consommateurs et, finalement, la demande. L’émergence récente d’un « besoin d’environnement », d’un « besoin de traçabilité des produits alimentaires », signale une évolution que l’on peut juger lente mais qui s’oriente vers moins de quantité, plus de qualité.

Quand l’entreprise dépense l’essentiel du coût de production lors de la conception du produit, donc avant d’avoir reçu la première réponse du marché, elle doit fonder ses décisions sur une anticipation de la demande des clients et de l’initiative des concurrents. Le risque est alors poussé au maximum ; il est d’autant plus élevé que la concurrence, poussant la qualité vers le haut, accroît le coût de la conception. L’économie informatisée est ainsi une économie du risque maximum qui exige, chez l’entrepreneur, les talents d’un bon joueur de poker.

Le résultat d’un travail de conception, c’est du travail stocké, du « travail mort » et donc, au sens strict du terme, du capital : l’économie informatisée est ultra-capitalistique. Or un capital, cela se vole, cela se copie, cela se pille les armes à la main : une économie est potentiellement d’autant plus violente qu’elle est plus capitalistique, et la tentation de la violence est d’autant plus forte que la concurrence devenue mondiale est plus vive et le risque plus élevé : notre économie ultra-capitalistique est potentiellement ultra-violente.

Certes l’économie industrielle n’avait pas été paisible : des monopoles ont abusé de leur position de force, la concurrence a utilisé des procédés violents. Mais elle était fondée sur un principe pacifique, l’échange dans lequel aucun des deux partenaires ne peut forcer l’autre à entrer en transaction. En outre le besoin de main d’œuvre lui procurait un équilibre endogène, la consommation étant liée au revenu, lui-même dépendant de l’emploi qui était fonction de la production.

Dans l’économie de la conception, automatisée, ces deux équilibres sont rompus et le ressort de la violence se tend avec la même puissance que dans l’époque féodale (Bloch [2]). L’économie la plus moderne, la plus efficace, renoue ainsi avec des comportements archaïques.

Si l’informatisation apporte des outils efficaces à l’entrepreneur, elle en donne en effet aussi au prédateur. La baisse du coût du transport permise par la gestion informatisée des containers a suscité une unification du marché qui répond, sur le plan physique, à la suppression de la distance géographique dans l’espace logique : tout se passe comme si le monde s'était réduit à un point, à un espace de dimension zéro.

Cela facilite la délocalisation des emplois, des centres d’appel etc. au détriment de la cohésion de l’entreprise et de la qualité de ses produits. Cela aide aussi les mafieux à « blanchir » les profits du crime pour prendre le contrôle d’entreprises légales (Saviano [17], p. 315).

Certains conflits à prétexte ethnique ou religieux cachent, et en même temps révèlent, des éruptions de ce potentiel de violence : pourraient-ils avoir lieu s’ils ne permettaient pas à des prédateurs d’accumuler une richesse qu’ils pourront, grâce à l’informatique et aux réseaux, recycler dans l’économie « normale » pour y trouver bien-être et respectabilité (Verschave [22]) ?

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Le monde a changé de pivot. Il tournait naguère autour de l’automobile, il tourne maintenant autour de l’automate en réseau.

Ainsi le décor est dressé, la toile de fond tendue : le drame se joue. Cette évolution d’origine innocemment technique a fait glisser les plaques de la tectonique. Le sol tremble, les mausolées en forme de coffre-fort que les banques avaient bâtis pour leurs sièges sociaux s’effondrent.

Cela déstabilise les industries les plus fières, cela met en faillite les entreprises les plus puissantes - jusqu’à celle dont on disait que ce qui était bon pour elle, c’était bon pour les Etats-Unis.

L’informatisation procure par ailleurs des armes déconcertantes à des criminels, des terroristes, des insurgés : les institutions vacillent, les pouvoirs s’effraient. Elle nous a fait pénétrer un continent nouveau où nous découvrons une faune et une flore dont nous ne savons que faire : qu’est-ce qui est poison, qu’est-ce qui est comestible ? Il reste aussi à y tracer des routes, placer des balises, bâtir logements et entreprises.

Que voulons-nous donc faire et, finalement, que voulons-nous donc être ? Au-delà des questions de savoir-faire, les questions de savoir-vivre s’adressent à nos valeurs, le tremblement de terre qu’a déclanché la technique nous invite à un effort d’élucidation métaphysique : il faut tirer au clair ce qui, nous orientant, suscite nos intentions, nos volontés, nos désirs ; il faut réveiller une réflexion qu’avait endormie le confort procuré par l’industrialisation.

Cet effort est d’autant plus nécessaire que l’informatisation a placé entre nos mains une force que nous ne savons encore ni mesurer, ni bien utiliser, ni même définir. L’expérience historique enseigne en effet que lorsqu’il en est ainsi le risque de guerre est élevé : la première utilisation d’un outil nouveau et puissant a toujours été le meurtre.

Bibliographie

[1] Abelson Harold et Sussman Gerald Jay, Structure and interpretation of computer programs, MIT Press, 2001.
[2] Bloch Marc, La société féodale, Albin Michel, 1939.
[3] Boydens Isabelle, Informatique, normes et temps, Bruylant, 1999.
[4] Chamberlin Edward, Theory of Monopolistic Competition, 1933.
[5] Dahlkamp Jürgen, « Stoned vor dem Schirm », Der Spiegel, 16 mars 2009.
[6] Dodson Sean, « Was software responsible for the financial crisis? », The Guardian, 16 octobre 2008.
[7] Dooling Richard, « The Rise of the Machine », The New York Times, 12 octobre 2008.
[8] Duhigg Charles, « Pressured to Take More Risks, Fannie Reached Tipping Point », The New York Times, 4 octobre 2008.
[9] Gille Bertrand, Histoire des techniques, Gallimard, La Pléiade, 1978.
[10] Guerrera Francesco, « Welch condemns share price focus », Financial Times, 12 mars 2009.
[11] Herrenschmidt Clarisse, Les trois écritures : langue, nombre, code, Gallimard, 2007.
[12] Holmes Neville, « The Credit Crunch and the Digital Bite », Computer, janvier 2009.
[13] Marchand Olivier et Thélot Claude, Deux siècles de travail en France, INSEE, 1991.
[14] Peaucelle Jean-Louis. Adam Smith et la division du travail, L'Harmattan, 2007.
[15] Printz Jacques, Architecture logicielle, Dunod, 2006.
[16] Robinson Joan, The Economics of Imperfect Competition, 1933.
[17] Saviano Roberto, Gomorra, Gallimard, 2007.
[18] Serres Michel, Conférence à l’INRIA, 11 décembre 2007, http://interstices.info/upload/m-serres-lille/m-serres-lille.ram
[19] Smith Adam, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, Methuen and Co, 1776.
[20] Standish Group, Enquêtes, www.standishgroup.com
[21] Strassmann Paul, « Outsourcing: a Game for Losers », Computerworld, août 1995.
[22] Verschave François-Xavier, Noir Silence, Les Arènes, 2000.
[23] Virilio Paul, La bombe informatique, Galilée, 1998.
[24] Volle Michel, e-conomie, Economica, 2000.
[25] Volle Michel, De l’Informatique : savoir vivre avec l’automate, Economica, 2006.
[26] Volle Michel, Explorer l’espace logique, www.volle.com/travaux/espacelogique.pdf, 30 septembre 2006.
[27] Volle Michel, Prédation et prédateurs, Economica, 2008.

7 commentaires:

  1. Cher Michel et Chers lecteurs du blog

    1/ Ce texte possède une conclusion qui peut paraître pessimiste mais qui est en fait un APPEL.
    En bon tacticien, Michel tente le coup de la peur pour faire réagir les gens.
    Le but n'étant pas d'avoir peur mais bien évidemment d'utiliser notre intelligence et nos capacités d'adaptation pour dompter la machine que l'homme a créée.
    Pour ceux qui découvrent Michel Volle au travers de ce texte, l'enchaînement des idées peut paraître direct. Michel nous livre une synthèse de ses pensées qu'il a déjà énoncées en profondeur dans "De l'Informatique'" et "Prédations et Prédateurs". Je vous en recommande donc très vivement la lecture. Vous comprendrez plus facilement toutes les articulations de cette synthèse.
    Michel propose un comportement simple mais TRES difficile à tenir (notamment en entreprise). Il s'agit de se définir une mission et un objectif (que voulons nous faire ?) ainsi qu'une stratégie (comment y arriver ?), le tout en se disant que sûrement l'homme et la machine doivent coopérer intelligemment.

    2/ Dans le texte, Michel écrit : "Le secteur automobile, les yeux fixés sur son glorieux passé, n’a cependant pas perçu les besoins d’une économie informatisée : tous les constructeurs sont en difficulté, General Motors fait faillite !"
    On ne peut pas dire que l'informatisation de la société est la cause première de la faillite de GM ou de la difficulté des autres industries.
    Il me semble que l'endettement de ces entreprises, les ventes de véhicules basés sur de l'endettement, une conception dépassée etc...expliquent plus directement les problèmes.
    En revanche, cette industrie (comme d'autres) n'a pas su changer son crédo, ses fondamentaux orientés vers le cycle fordien de production.
    Cela peut s'expliquer par un éclairage que m'avait fait Michel concernant le chômage.

    Je le transcris ci-après :
    "Quel est, dans l'économie contemporaine, le mécanisme qui garantit l'équilibre du marché de l'emploi ?
    Cette économie a perdu le mécanisme qui garantissait cet équilibre dans l'économie industrielle, grosse consommatrice de main d'oeuvre, et qui se résumait par le cycle fordien production -> emploi -> masse salariale -> consommation -> production.

    En effet, quand la production est automatisée, (et c'est le cas avec l'informatisation de l'entreprise) le premier maillon du cycle est rompu : il n'existe plus de lien entre le volume produit et l'emploi.

    L'équilibre du marché de l'emploi ne peut être atteint, dans une telle économie, que si l'on développe la composante "service" à l'intérieur de chaque produit. Or les produits sont devenus des assemblages de biens et de services : cet équilibre n'est donc pas impossible à atteindre. Mais il faudrait que les entreprises changent leur opinion envers les services, qu'elles croient parasitaire, et qu'elles répugnent à développer."

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  2. Merci et bravo pour cette synthèse toujours plus dense et percutante, de l'évolution actuelle des choses. Peu à peu les esprits, l'opinion publique et même les relais médiatiques s'éveillent à l'idée que la crise financière n'a rien à voir avec l'abus ponctuel de quelques Madoffs, mais qu'il y a crise, ou "crisogénie", dans la structure de l'économie actuelle. Il leur reste à comprendre en quoi elle génère ces crises, c'est-à-dire, en gros, à lire ce billet (j'ajouterais comme toujours, à la mutation des coûts de production vers la conception, la finitude de la planète et de la ressource en énergie : c'est là que se situent désormais les coûts unitaires de production et d'usage : dans un tirage sur un bien commun rare).

    Il reste encore une étape, me semble-t-il : expliquer comment on entreprend, comment on produit de l'utilité, comme cela rapporte d'être coopératif plutôt que prédateur, dans ce système technique ?

    Peut-être y a-t-il une redéfinition plus radicale qu'une réponse du type "comme avant, mais avec plus d'éthique et de garde-fous" ?

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  3. @Olivier :
    A propos de l'industrie automobile : le problème est bien que ses fondamentaux sont restés orientés vers le cycle fordien de production, cycle que l'automatisation a rompu en dénouant le lien entre le volume produit et l'emploi.
    Cette industrie n'a par ailleurs pas encore vu que l'automobile était, grâce à l'informatisation, devenue un service plus qu'un bien.
    Le changement de système technique que l'informatisation provoque est donc bien à l'origine de la crise de l'automobile - et de quelques autres.

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  4. @Frédéric :
    Oui, il faudra que je publie sur le thème "comment on entreprend".
    Mes aimables collègues universitaires soutiennent que "le but de l'entreprise, c'est de faire du profit", autrement dit produire de l'argent. Ils n'en démordent pas.
    Je leur dis que son but est plutôt de produire efficacement des choses utiles.
    Ils estiment que je suis un naïf. Mais c'est qu'ils confondent l'entrepreneur avec le manager, mis sous pression par les actionnaires et la holding et qui craint de se faire virer si le résultat financier ne les satisfait pas.
    Entreprendre et gérer sont deux choses différentes...

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  5. En tant que professionnel et enseignant d'informatique je suis souvent amené à préciser à mes étudiants et stagiaires qu'il y a dans toute procédure informatisée un temps pour l'automatisme (l'ordinateur s'en acquitte très bien) et un temps pour l'arbitrage humain. L'ordinateur en se dotant d'outils d'aide à la décision, dont nous connaissons les imperfections a pu donner l'illusion qu'il savait arbitrer. Le monde financier a fait la confusion à notre grand dam à tous.

    Le drame de l'informatique est que nous sommes en présence d'un outil extraordinaire et très nouveau. Finalement pour beaucoup d' utilisateurs auxquels je m'adresse il s'apparente plus au domaine du magique. Il faut expliquer, expliquer et encore expliquer

    Bac to basic

    Je gage que lorsque la première scie a été créée la première coupure est advenue bien peu de temps après.

    L'informatique nous blesse mais elle est participe de notre autocréation.

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  6. J'aimerais nuancer le propos selon lequel le but d'une entreprise est de produire efficacement des choses utiles. En effet l'utilité d'une chose est de nos jours une notion manipulé par ces mêmes entreprises grâce aux différents canaux de publicité alors qu'elle devrait être défini par les (potentiels) consommateurs de cette chose. Cela étant dit, produire des choses utiles revient à produire des choses utiles pour l'entreprise. Dans le monde vénal qui est le nôtre, cela revient à produire des choses profitables pour les actionnaires de l'entreprise. Autrement dit, produire de l'argent.

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  7. @Anonyme :
    L'argent n'est pas un produit mais un moyen : réduire la mission de l'entreprise à "produire de l'argent" est donc un piège tant pour l'action que pour le raisonnement, et vous y êtes tombé.

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