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En ce début de XXIe siècle, notre conception du travail n’a pas encore fondamentalement changé. Nous sommes marqués par une vision traditionnelle, celle des manufactures, où on rassemble à heures fixes des gens, sous le même statut, pour effectuer de façon répétitive des tâches pré-définies. Depuis cinquante ans, nous avons pourtant inventé des outils surpuissants pour nous aider à concevoir, produire, distribuer, analyser, mesurer. Avec l’informatique et la robotisation, nous avons commencé à apprendre à faire plus, mieux, plus rapidement tout en minimisant la pénibilité du travail et l’impact environnemental. Mais le système hiérarchique et pyramidal régit encore notre modèle d’organisation du travail.
Désormais, nous devons dépasser ces performances associées à des outils et à des organisations déjà anciennes. Le PC existe depuis 1981 ! Nous avons appris en 250 ans à décupler l’énergie musculaire des hommes en les dotant de prothèses efficaces, les machines. Nous devons apprendre maintenant à passer de la main-d’œuvre au cerveau d’œuvre pour faire jaillir de la complémentarité entre l’esprit humain et ces prothèses intellectuelles que sont les processeurs et les programmes des sources nouvelles de créativité.
Imaginer le travail au XXIe siècle, c’est reconnaître et orchestrer cette révolution ! Le travail n’est plus un stock où les nouveaux venus remplacent à l’identique ceux qui partent. C’est un flux constant d’adaptations, de transformations continues, d’innovations mais aussi de remises en cause profondes. Le monde est devenu global, plat, l’information nous connecte en permanence à toutes les idées, tous les produits de la planète. En douze ans, 5,2 milliards de terriens ont accédé au téléphone mobile et 2,2 milliards aux services du web. Nous savons tout et tout de suite, le champ des opportunités individuelles s’élargit, les disciplines scientifiques se décloisonnent et chacun peut désormais accéder en quelques clics à toute la connaissance scientifique et technique.
L’ouverture d’esprit, la flexibilité, la prise d’initiatives, la collaboration spontanée doivent être développées et encouragées. Ce ne sont plus les mêmes profils de compétence et de comportement qui sont nécessaires. Réinventer les parcours de travail au cours de la vie à l’ère du numérique implique de multiples changements dans les organisations et la culture managériale mais aussi dans l’affirmation de la responsabilité individuelle dans le développement de son parcours professionnel. C'est un double mouvement radical qu'il faut initier : le " lâcher prise" des managers, le "rendre compte" de chacun !
La reconnaissance par les pairs, l’image et le leadership deviennent plus important que le seul travail fourni. Le numérique fabrique et se nourrit de nouvelles logiques d’interaction entre les acteurs. Au siècle des réseaux et du cerveau d’œuvre, alors que la dématérialisation multiplie à l’infini, idées, sons et images, produire du sens devient aussi important que produire des biens. La production intellectuelle échappe aux contraintes habituelles du travail : le contrat, le lieu, le statut, les horaires et la rémunération. Le web en rendant possible chacune de ces transgressions est un puissant outil de déstructuration des formes anciennes et de réinvention de nouveaux rapports de création.
La société en réseaux s'appuie sur le constat lucide que seul on ne peut rien. Affranchie des contraintes conventionnelles issues de la fragmentation de la société, la mise en synergie des talents peut trouver des réponses radicalement nouvelles aux problèmes de notre société et combler les lacunes des mécanismes classiques. L’entreprise doit donc réinventer des modes de fonctionnement novateurs pour réconcilier performance collective et accomplissement individuel.
Six axes doivent être explorés de façon simultanée afin de définir le champ d’une stratégie numérique menant à l’iconomie. Ce sont ces six sentiers qu'il faut défricher sans crainte :
- Porter le client comme l’usager et le citoyen au cœur de nouvelles interactions numériques, en misant sur la capacité d’initiative de ces « experts » utilisateurs et en sollicitant leurs réactions et contributions ;
- Faire de l’entreprise étendue un écosystème efficient, fondé sur la richesse des interactions entre partenaires et le respect mutuel des talents ;
- Intégrer la mobilité spatiale et culturelle des collaborateurs comme un vecteur majeur de performances ;
- Recomposer de façon permanente les combinatoires de compétences au sein du cœur stabilisé de l’organisation, mais aussi du réseau élargi en misant sur la « sagesse des masses » ;
- Faire émerger les nouvelles valeurs du manager numérique, leader plus que patron, coach plutôt que chef ;
- S’insérer dans la mondialisation numérique en pratiquant ces nouvelles règles en cercles concentriques à partir du territoire.
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