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1- Passer de l’économie à l’Iconomie, c’est construire le système productif du XXIe siècle. Il s’agit de replacer l’économie française au premier rang en jouant le coup d’après et pas celui d’hier. Mais pour cela, il nous faut penser la rupture. Nous sommes en crise, parce que comme le disait Gramsci, « le vieux ne veut pas mourir et que le neuf ne peut pas naître ». Dans cet entre deux surgissent les monstres de la prédation économique et financière, du délitement du système productif, du chômage de masse.
2- On ne reconstruira pas le système productif par de simples mesures macro-économiques. Il ne s’agit pas non plus de copier des pays qui ont su habilement tirer parti des faiblesses des autres. Il faut réviser nos modes de pensée et d’action. Penser la mutation, la rendre intelligible, c’est le but que s’est fixé le groupe de travail de l’association Institut Xerfi. Il s’agit d’impulser le passage de l’économie à l’Iconomie, avec un nouveau modèle de compréhension de l’économie pour penser le monde d’après, la France d’après, éclairer les voies d’une nouvelle compétitivité et d’une nouvelle manière de créer des richesses et des emplois.
3- Or, nous sommes confrontés à un vide, un vide de la pensée et de l’action stratégique. La stratégie, ce n’est pas un ensemble de solutions techniques. Ce n’est pas l’organisation efficace de moyens pour atteindre un but comme on l’enseigne à nos futures élites. En 35 ans de métier, je n’ai jamais vu une grande stratégie sortir d’une analyse stratégique. Je n’ai jamais vu un futur se dessiner dans un modèle économétrique. Non, une stratégie exige une vision, un dessein, une ambition, qui se concrétise dans une orientation. Oui, depuis plusieurs dizaines d’année la France est dans un vide stratégique. L’Iconomie, c’est d’abord la volonté de penser le neuf, c’est aussi une ambition pour la renaissance de la France.
4- La crise n’a fait qu’aggraver des problèmes de compétitivité qui s’enracinent dans le passé. Non content d’affronter en ordre dispersé la concurrence des pays émergents, les Européens se sont lancés dans une féroce compétition sociale et fiscale. Ce sont désormais le Royaume-Uni et les pays du sud de l’Europe qui se jettent à corps perdu dans la surenchère de la déflation des coûts salariaux. La France est désormais prise en étau. Or, une politique de sortie de crise qui ne reposerait que sur des politiques économiques obsolètes imaginées pour le siècle dernier serait suicidaire.
5- Avec le mouvement de déréglementation, de financiarisation des marchés les enjeux de la globalisation et de l’intégration européenne ont détourné nos esprits de la dimension technologique et entrepreneuriale. Le regard tourné vers le modèle anglo-saxon, nous avons voulu croire que l’on pouvait croître indéfiniment par la consommation et la dette sans se soucier de notre compétitivité. Nous avons ainsi laissé détruire des pans entiers de notre appareil productif.
6- Au lieu de substituer du capital au travail pour renforcer notre productivité, nous avons fait tout le contraire. Nous avons préféré miser sur le travail à bon marché. En adoptant l’idéologie de la valeur pour l’actionnaire comme principe de base de toute gouvernance, nous avons réduit la stratégie d’entreprise à la gestion de ratios de rentabilité à court terme. Cette logique, couplée à celle de la globalisation de la production a découragé l’accumulation du capital matériel et immatériel. Or, le rééquilibrage des échanges passe impérativement par la relocalisation de la production. Cette relocalisation est indispensable, elle est possible.
7- Il nous faut donc penser en termes de réorientation stratégique, je dirais même de mutation. Cette mutation n’est pas seulement de nature technologique : elle remet en cause nos modes d’organisation et nos modes de pensée. Elle déclasse les modèles économiques jusqu’ici dominants. La crise ne trouvera pas d’issue par la grâce de solutions financières ni même dans l’émergence de nouveaux secteurs porteurs miracles : ni les industries de l’environnement, ni les énergies nouvelles, ni le numérique, ni aucun autre secteur high tech. Ce sont nos modes d’actions, nos représentations, nos institutions, nos régulations qui doivent être repensées pour tirer parti des changements techniques. Nous retrouvons là, au fond, le bon vieux rapport dialectique entre infrastructure et superstructure. On ne peut pas penser le monde du XXIe siècle avec les modèles mécaniques issus du XIXe siècle et des politiques économiques du XXe.
8- Ce qui se dessine étant de l’ordre d’une révolution, il fallait forger un néologisme. Nous désignons par « Iconomie » un ensemble de transformations qui touchent les process, les contenus de la production, les usages qu’en retirent les consommateurs, l’organisation des entreprises et de la société et les modèles de gouvernance. Vous l’aurez compris, la diffusion des technologies numériques et la dématérialisation de la production ne sont qu’une dimension des mutations en cours.
9- La France, qui est pourtant bien placée pour maîtriser ces bouleversements, est malheureusement très loin d’en avoir exploité toutes les potentialités. Les membres du groupe de travail « Iconomie » vont évoquer devant vous quelques éléments du puzzle prospectif sur lesquels ils ont travaillé. Nous allons voir comment l’Iconomie génère des rendements d’échelle croissants, soumettant la plupart des secteurs à un régime de concurrence monopoliste ; comment l’Iconomie permet, non seulement des bonds de productivité, mais aussi des bonds de créativité en favorisant le regard neuf et la transgression, en nourrissant les logiques d’interaction et d’intelligence partagée, en surmontant les conformismes.
10- L’Iconomie doit orienter l’offre vers la production d’effets utiles, favoriser l’accès à des solutions plutôt que l’accumulation de biens matériels. Dans l’Iconomie, les entrepreneurs conçoivent la création de valeur sur l’ensemble de la durée de vie d’un produit, de sa conception jusqu’aux services qui accompagnent son usage et sa maintenance. Le nouveau système productif sera donc une « industrie servicielle » où la frontière entre biens manufacturés et services est effacée. Dans l’Iconomie, la profitabilité est en effet pensée dans la durée comme savent déjà le faire les constructeurs d’avions ou d’ascenseurs. D’ailleurs, l’Iconomie inverse la relation de dépendance industrie/services : l’Iconomie est pilotée par l’aval au plus proche du consommateur. Dans bien des cas, l’organisation de la chaîne de valeur place la production manufacturière en position de sous-traitance. Ce sont des entreprises tête de réseaux qui conçoivent et pilotent la chaîne d’activité et stimulent les partenariats pour mieux produire de la valeur.
11- L’Iconomie recouvre ces transformations et bien d’autres. Oui, le terme ne résonne pas seulement avec le « I » de Information ou de Informatique, le « I » de Internet, mais aussi avec le « I » de l’imagination, celui de Intelligence partagée, celui de Innovation, celui de Intuition … et pour rester plus conforme à l’étymologie, dans l’Iconomie, la « gestion » de « l’Image » prend une place essentielle. La valeur symbolique des biens et services, leur capacité à produire du sens et du lien, devient un élément clé de la captation de la valeur par les entreprises.
12- C’est par l’Iconomie que nous donnerons une nouvelle vigueur au « made in France ». L’Iconomie n’est pas une Idéologie construite in-abstracto. C’est une vision de l’avenir pour avancer, progresser, franchir des frontières de pensée, puis explorer défricher, expérimenter, tâtonner, trouver enfin des solutions en marchant. Nous ne sommes plus dans la problématique du rattrapage, de l’imitation, ni du programmable. L’Iconomie doit puiser sa vitalité dans l’aventure entrepreneuriale. Rester dans des cadres mentaux pré-formatés, ce serait la meilleure façon de faire du surplace et de régresser. Passer de l’économie à l’Iconomie, c’est penser l’avenir que nous voulons pour la France. C’est pour contribuer à cet objectif que plusieurs animateurs de l’association « Institut Xerfi » vont vous présenter les premiers éléments de leur réflexion.
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