Nota Bene : Ce texte fait suite à "Qu'est-ce qu'un monopole naturel ?".
Le réseau télécoms est un automate qui assure la communication à la demande entre les équipements terminaux - téléphone, ordinateur etc. – de ses utilisateurs, ménages ou entreprises.
La demande qui lui est adressée est une matrice de trafic probabiliste. Pour des raisons historiques elle a une forme approximativement bloc-diagonale, chaque bloc correspondant au territoire d'une nation : le trafic international est en effet moins intense que le trafic interne au pays.
La fonction de coût du réseau recouvre :
- le coût de la boucle locale qui raccorde les utilisateurs à un commutateur local et représente les trois quarts du coût du réseau ;
- le coût du coeur du réseau, qui assure la commutation et le transport.
La qualité du service s'exprime en termes de blocage (pour le téléphone), de débit (pour les ordinateurs), de priorité et de sécurité (pour le transport et le stockage des données). Le coeur du réseau est dimensionné (débit des liaisons, puissance des commutateurs) en tenant compte du caractère probabiliste du trafic et selon un arbitrage entre coût et qualité (voir Économie du dimensionnement).
L'expression de la fonction de coût d'un réseau n'est évidemment pas simple (pour un exemple, voir La fonction de coût de l'Internet). Sans aller jusqu'à une formulation explicite on peut considérer les faits suivants :
- le coeur du réseau, intégralement informatisé, est depuis les années 70 l’objet d'un flux d'innovations qui implique la mise à jour continue de ses protocoles, logiciels et équipements ;
- la boucle locale, qui exige un lourd investissement en génie civil, doit elle aussi être périodiquement mise à niveau (ADSL sur la paire de cuivre, puis fibre optique ou voie hertzienne) ;
- la diversification des services (téléphonie fixe, puis mobile ; télécopie ; commutateurs privés (PABX) et réseaux des entreprises ; Web, transfert de fichiers et autres services sur l'Internet etc.) complique la vie de l'utilisateur : ingénierie et maintenance de son installation, choix dans une grille tarifaire complexe ;
- comme tout automate, le réseau est sujet à des pannes qu'il faut traiter : supervision, reprise automatique en régime dégradé etc.
En regard de la matrice de trafic et des possibilités techniques, les équipements et techniques (filaire, hertzienne, satellitaire etc.) que le réseau utilise sont soumis à une contrainte de cohérence portant sur les protocoles, le dimensionnement, le cadencement des investissements et – last but not least – la relation avec les utilisateurs.
Par ailleurs l'économie d'innovation est particulièrement forte dans les télécoms, tant pour les techniques du réseau que pour les services qui l'utilisent : nous reviendrons sur ce point.
L'exigence de cohérence et l'économie d'innovation militent pour que l'on considère le réseau télécoms comme un monopole naturel sur la zone géographique où la matrice de trafic forme un bloc – c’est-à-dire, dans notre cas, sur le territoire français.
Le monopole naturel, rappelons-le, est une notion physique liée à la nature du réseau et en particulier à sa fonction de coût ; ce n’est pas une notion juridique. Rien ne s'oppose donc en principe à ce que le réseau soit construit et exploité par des entreprises juridiquement distinctes, à condition que leurs choix techniques et le cadencement de leurs investissements soient coordonnés par un régulateur et que le fonctionnement d'ensemble du réseau soit supervisé.
Du point de vue physique qui est celui de la fonction de coût, tout se passerait alors comme si le régulateur était une direction générale et les entreprises des établissements déconcentrés dont les relations relèveraient d'un partenariat et non de la concurrence.
Soulignons enfin deux faits cruciaux :
1) le réseau télécoms qui équipe un pays constitue un réseau et non une collection de plusieurs réseaux juxtaposés, car il est soumis à une forte contrainte de cohérence ;
2) l'automate qu'exploite l'opérateur historique est l'une des ressources informatiques importantes du pays, voire la plus importante ; cet opérateur devrait donc, en principe, être un acteur important du processus d'informatisation de la Nation.
Pour lire la suite, cliquer sur Les effets de la concurrence
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