Ce texte fait partie de la série "Un peu de lecture pendant les vacances"
Extrait des Mémoires de Saint-Simon, vol. 1, p. 806.
(Ce petit récit contient des exemples du vocabulaire énergique et succinct de Saint-Simon : une voiture « déconfite », un cavalier qui « se brouille » avec son cheval, « hasarder un lardon » sur quelqu'un...)
M. de Rose n'a jamais pardonné à M. de Duras un trait qui en effet fut une cruauté. C'était à un voyage de la cour ; la voiture de Rose avait été, je ne sais comment, déconfite. D'impatience, il avait pris un cheval. Il n'était pas bon cavalier ; lui et le cheval se brouillèrent, et le cheval s'en défit dans un bourbier. Passa M. de Duras à qui Rose cria à l'aide de dessous son cheval au milieu du bourbier. M. de Duras, dont le carrosse allait doucement dans cette fange, mit la tête à la portière, et pour tout secours se mit à rire et à crier que c'était là un cheval bien délicieux, de se rouler ainsi sur les roses ; et continua son chemin et le laissa là. Vint après le duc de Coislin, qui fut plus charitable, et qui le ramassa ; mais si furieux et si hors de soi de colère, que la carrossée fut quelque temps sans pouvoir apprendre à qui il en avait. Mais le pis fut à la couchée. M. de Duras, qui ne craignait personne, et qui avait le bec aussi bon que Rose, en avait fait le conte au Roi et à toute la cour, qui en rit fort. Cela outra Rose à un point qu'il n'a depuis jamais approché de M. de Duras, et n'en a parlé qu'en furie, et quand quelquefois il hasardait devant le Roi quelque lardon sur lui, le Roi se mettait à rire, et lui parlait du bourbier.
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