On les connaît depuis longtemps : je me rappelle mes conversations avec Benoît Eymard au CNET dans les années 80. Elles sont présentes dans le passe Navigo de la RATP, dans les systèmes de télé-péage etc.
Leur utilisation se diversifie, bientôt on les trouvera partout. Mais elles ne constituent qu’une pièce d’un système, ou plutôt d’un système de systèmes. Pour illustrer cela, je condense ici un passage du livre (p. 20) : « Le cas de la grande distribution illustre les potentialités et la complexité de l’Internet des objets : il faut (1) un système local dans les entrepôts et magasins du distributeur ; (2) une intégration des données à son système d’information afin de pouvoir les traiter et les analyser ; (3) un système chez les fournisseurs, interopérable avec celui des distributeurs ; (4) un système chez les consommateurs, permettant de repérer les produits périmés et de lancer le réapprovisionnement ».
L’identifiant de l’objet porté par la puce permet de retrouver ses attributs sur l’Internet : la traçabilité des produits peut ainsi être assurée bien plus complètement que par un étiquetage.
Les conditions pratiques de la conception, de la production, du stockage, de la logistique, de la distribution, de la vente et de la consommation sont modifiées : les puces transforment ainsi l’ensemble de la chaîne économique.
À la complexité des systèmes d’information répond, au plan physique, la diversité des fonctions de la puce et des protocoles entre puce et capteur : les organismes de normalisation se multiplient et ils doivent faire face aux normes de fait qui émergent dans les professions et les pays les plus rapides, et qui concrétisent des enjeux industriels.
Comme toujours les risques croissent parallèlement aux possibilités : les données rayonnées par les puces peuvent être utilisées de façon indiscrète. Il faut donc protéger la vie privée, la vie de l’entreprise, par des dispositifs qui compliquent encore le système (chiffrement, « silence » des puces etc.).
Dans le monde que nous ouvre l’informatisation, les puces ouvrent ainsi un continent qu’il faudra baliser, organiser, civiliser enfin par une innovation juridique.
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Ne soyons pas dupes des mots : derrière l’Internet des objets se profile déjà un Internet des corps qui concerne le corps humain et, plus généralement, le corps des animaux.
Restons-en au corps humain. Le téléphone mobile acquiert progressivement toutes les fonctions d'un ordinateur traditionnel (ou même davantage puisqu'il incorpore une caméra, un GPS, un enregistreur vocal etc.) et sera bientôt connecté à haut débit (10 Mbit/s) : il nous fait entrer discrètement dans l'ère du corps informatisé.
Certaines prothèses (implant auditif, pacemaker, lunettes électroniques) se mettent en réseau sur le corps en utilisant le protocole Bluetooth. Des applications de télémédecine se mettent en place (surveillance à distance des cardiaques, insuffisants respiratoires, diabétiques, grossesses à risque etc.)
L'individu est localisable par les personnes qu'il a habilitées. Il transporte avec lui l'accès à une ressource informatique (personnelle et professionnelle) qui réside sur des serveurs situés n'importe où selon l’architecture du Cloud Computing et qui doit être sécurisée, protégée etc. La carte d'identité va inclure des données biométriques, elle pourra être remplacée par une puce incrustée dans le corps…
Tout cela existe déjà, fût-ce dans un désordre qui tourne le dos à la standardisation. L’Internet des corps se met en place mais on n’en parle guère : on dirait qu’il fait peur et que l’on préfère avancer à l’aveuglette, une main sur les yeux.
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