« L'économie n'est pas une science », m'a dit l'autre jour un de mes amis, expert reconnu en informatique et systèmes d'information. L'image qu'il se fait de l'économie, c'est sans doute celle qu'en donnent ces « économistes » que l'on voit dans les médias et qui, en vrais sophistes capables de démontrer tout et son contraire, expriment avec assurance une conviction versatile. Mais cette image est superficielle.
« Si tu lisais Adam Smith, lui ai-je répondu, ou Alfred Marshall, ou Léon Walras, ou John Hicks, ou tout près de nous Ivar Ekeland et quelques autres, tu verrais qu'il existe une science économique. J'avoue cependant que j'ai mis du temps à m'en convaincre... »
En effet les cours d'économie que j'ai subis à l'ENSAE en 1963-65 étaient tellement dogmatiques qu'ils ne pouvaient convaincre que de bons élèves à la mémoire docile alors que ma propre mémoire, rétive comme un cheval ombrageux, n'accepte de retenir que ce que j'ai compris à fond. C'est Ekeland qui m'a ouvert la porte de la théorie économique avec un article dans La Recherche en 1976, alors que je butais sur les limites de l'interprétation de la statistique.
Lorsqu'en 1983 j'ai mis en place la mission d'études économiques du CNET les ingénieurs et chercheurs avec lesquels je travaillais avaient les mêmes préventions que mon ami : « l'économie, disaient-ils, c'est une science molle ». Ils croyaient que l'économiste est un avocat sans scrupules que les dirigeants chargent de « démontrer » la rentabilité des projets qu'ils ont déjà choisis.
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Ces ingénieurs et ces chercheurs adhéraient sans doute, comme mon ami, à la hiérarchie des sciences qu'a proposée Auguste Comte et qui place les mathématiques tout en haut. Mais s'il est vrai qu'elles nous donnent le meilleur exemple du raisonnement rigoureux et de la démonstration parfaite, il est vrai aussi que leurs raisonnements et démonstrations s'appuient sur des axiomes qui ne sont ni démontrés, ni démontrables : le mathématicien raisonne rigoureusement, certes, mais son point de départ est hypothétique.
Pour bien se comprendre, considérons la géométrie du triangle : la somme des angles est égale à 180°, la surface se calcule selon une formule classique et nous connaissons aussi les règles qui permettent de dire si deux triangles sont égaux ou semblables. Mais ces résultats ne sont exacts que dans un espace de courbure nulle ou, comme on dit, « euclidien ».
Si les triangles sont tracés sur une sphère ces résultats sont faux : les navigateurs et les pilotes des avions de ligne doivent en tenir compte. Einstein a par ailleurs montré qu'à l'échelle du Cosmos l'espace est courbe : les relations qui nous sont familières n'y sont donc plus vérifiées. L'espace euclidien est riche en propriétés qui le rendent commode pour le raisonnement et il fournit dans les courtes distances une bonne approximation de l'espace réel, mais ce n'est qu'une approximation.
Ainsi l'art du mathématicien n'est pas, comme le croient ceux qui suivent Comte, d'énoncer des vérités absolues mais de choisir un bouquet d'axiomes non contradictoires puis d'en déployer rigoureusement les conséquences : la vérité des mathématiques est apodictique, c'est-à-dire qu'elle réside tout entière dans l'exactitude de déductions qui sont, elles, suspendues à des hypothèses.
Elles explorent ainsi le monde de la pensée sous la seule contrainte de la non-contradiction : depuis l'antiquité, elles sont donc une branche de la logique qui est elle-même une branche de la philosophie – peu importe, devant le poids de ce fait, l'image « littéraire » et superficielle que notre époque attache à cette dernière.
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L'économie n'est rien d'autre que l'application de la même démarche à un domaine restreint : celui du bien-être matériel de la population, lequel dépend de la répartition des ressources naturelles, de la production et de l'échange – et, si l'on détaille les choses, de la répartition des revenus, de l'investissement, de l'innovation, des services publics, de la fiscalité, des externalités, des règles relatives au fonctionnement des marchés etc.
L'art de l'économiste consiste en effet, dans un premier temps, à poser des hypothèses sur la nature des ressources, de la fonction de production, de la fonction d'utilité etc., puis à en déduire par le raisonnement la forme que prend le régime économique d'une population ainsi que le niveau de son bien-être. Ces hypothèses, il les fera varier ensuite pour considérer la diversité des situations possibles et explorer, par l'imagination, la diversité des régimes économiques. Entre ces régimes, il préconisera celui qui conduit à un optimum de Pareto : il s'agit d'obtenir le maximum de bien-être compte tenu des ressources disponibles. On peut donc dire que la théorie économique est avant tout une théorie de l'efficacité.
Tout modèle économique s'appuie, comme une théorie mathématique, sur un bouquet d'hypothèses. La filiation entre l'économie et les mathématiques se trouve donc à la racine de l'économie et elle est plus profonde que ne le font croire les applications du calcul différentiel ou tensoriel qui abondent dans les publications – parfois sérieuses et justifiées, parfois destinées à conférer au livre ou à l'article une apparence de scientificité.
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La fonction d'un modèle est de fournir, par simulation, une représentation d'un monde où l'on suppose les hypothèses vérifiées. Parfois cette simulation est purement mentale : ce monde apparaît devant l'imagination de l'économiste comme dans un exercice de science-fiction (c'est ce qui m'est arrivé lorsque j'ai modélisé la « nouvelle économie »).
Mais souvent un calcul est nécessaire. Le raisonnement seul ne peut pas conclure lorsque la décision que l'on évalue a des effets de signe contraire comme lorsque une entreprise augmente le prix de son produit : cela accroît la recette unitaire mais cela fait baisser la demande, et l'évolution du chiffre d'affaires sera le solde de ces deux effets. Il en est de même si l'État augmente le taux d'imposition etc.
Dans de tels cas l'économiste sort du raisonnement pur pour s'appuyer sur des faits tout comme le mathématicien, muni de la géométrie du triangle, pose des repères sur le sol pour pouvoir l'arpenter. Mais avant d'appliquer un modèle il faut vérifier si son schématisme fournit une approximation acceptable : le mathématicien sait que la géométrie euclidienne fournit une approximation acceptable de la surface terrestre jusqu'à une distance de quelques kilomètres.
Tout comme le bornage d'un terrain permet d'en calculer la surface, la statistique fournit de quoi étalonner les équations. Ainsi l'économie, qui du point de vue du raisonnement s'apparente aux mathématiques, s'apparente aussi à la science expérimentale dans son rapport au réel. Sans doute elle ne peut pas effectuer de ces expériences contrôlées que l'on fait en laboratoire, mais l'essentiel de la démarche expérimentale réside dans le fait de soumettre le raisonnement au joug du constat factuel, de la rencontre avec la vérité des faits.
La science, peut-on dire, comporte deux versants : 1) l'art de raisonner sur des hypothèses en laissant de côté la question de leur réalisme ; 2) la démarche qui confronte ces hypothèses à la situation considérée. Il apparaît alors que la théorie économique respecte bien les critères de la scientificité : en détaillant la "falsifiabilité" de Popper, on peut dire qu'une théorie est non scientifique 1) si elle est fondée sur des hypothèses qui se contredisent, 2) si elle comporte des déductions erronées, 3) si, au degré d'approximation qui est le sien, le constat des faits contredit ses hypothèses.
Il arrive que le calcul, étant difficile, exige l'utilisation d'un ordinateur qui le réalisera de façon automatique : il apportera à l'économiste une aide puissante pour explorer des simulations mais cette aide est accompagnée par quelques dangers.
Les économètres, pressés de faire tourner leurs modèles, ne se soucient pas toujours assez des approximations que comportent la statistique ou la comptabilité nationale. Pire encore, leur raisonnement peine à maîtriser le jeu simultané des centaines ou milliers d'équations que comprend un modèle économétrique, et un économiste paresseux sera souvent dupe des résultats que lui fournit l'automate.
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Revenons à la hiérarchie des sciences. Si l'on donne la priorité à la rigueur du raisonnement, à la qualité formelle des méthodes, alors on placera les mathématiques au sommet de cette hiérarchie comme l'a fait Comte et comme le fait encore notre système éducatif.
Mais on peut aussi, et peut-être le doit-on, donner la priorité à l'action et aux exigences pratiques auxquels la vie confronte chacun de nous, chacune des institutions, chacune des nations, enfin l'humanité entière. Personne n'échappe en effet à ces exigences ni à la responsabilité qu'elles impliquent !
Le classement hiérarchique des sciences sera alors tout autre. Le domaine de l'action, c'est celui de l'incertitude du futur et, souvent, de l'urgence : or les mathématiques ne connaissent ni l'une ni l'autre. Leur position, certes honorable, apparaît alors semblable à celle qu'occupe la gymnastique en regard de l'activité physique : une préparation utile et un exercice nécessaire, mais qui ne saurait à lui seul remplir une vie humaine.
Par contre les disciplines qui éclairent l'action se trouveront placées au sommet : l'économie, l'histoire, la stratégie. Certaines d'entre elles n'ont pas la même rigueur que les mathématiques, leur développement ne possède pas la même richesse formelle, mais elle nous parlent de ce que nous faisons, elles éclairent nos décisions comme nos choix. Que demander de mieux à la science ?
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L'économiste qui s'est exercé à explorer par simulation les divers mondes économiques possibles et qui a rompu son esprit à déduire les conséquences d'un bouquet d'hypothèses sait, lorsqu'il est confronté à une économie réelle, concrète, se la représenter de façon schématique et diagnostiquer plus vite et plus sûrement qu'un autre ce qu'est son régime, ce qu'est le niveau de bien-être que la population peut atteindre et ce qu'il faut faire pour qu'elle soit efficace ; il sait aussi discerner les conséquences futures des décisions que prennent les politiques, les entrepreneurs, les spéculateurs.
Ses conclusions n'ont certes pas le même degré de certitude que la démonstration d'un théorème, mais qu'importe ! Il en est de même des stratèges sur le champ de bataille et le fait est que certains d'entre eux maîtrisent, mieux que d'autres, l'art de voir clair et d'agir avec justesse dans l'incertitude. L'économiste lui aussi doit s'efforcer de maîtriser l'art du raisonnement exact, de l'action judicieuse en contexte incertain.
À l'homme d'action, la formation mathématique apporte l'exigence et le goût du raisonnement exact, de la logique rigoureuse : elle l'arme ainsi contre la séduction des sophismes. Mais comme les mathématiques ne connaissent ni les contraintes de l'urgence, ni le brouillard dans lequel nous prenons les décisions les plus importantes pour notre vie (où est la certitude lorsque nous choisissons une profession, lorsque nous formons un couple ?), il faut cultiver aussi d'autres disciplines, d'autres démarches afin que la science soit, comme elle doit l'être, une préparation et une arme pour l'action.
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Parmi les reproches que l'on fait à l'économie certains portent non sur sa scientificité mais sur son objet : elle ne nous parle pas du bonheur, dit-on, ni de l'équité.
Ces reproches sont à la fois fondés et abusifs. Ils sont fondés, car il est vrai que le bien-être matériel n'est pas le bonheur et que la recherche de l'efficacité est indifférente à l'équité. Mais pourquoi demander à l'économie plus que ce qu'elle peut apporter ? On admet qu'un plombier ne soit pas en même temps dentiste : pourquoi voudrait-on que l'économie se charge, en sus de l'efficacité qui est son objet propre, du bonheur et de l'équité ?
Ces reproches visent en fait l'économisme, qui prétend que l'économie est capable de répondre à tous les problèmes de la société alors qu'elle n'en est pas plus capable que ne le sont les autres spécialités.
Pour l'exactitude du jugement comme pour la justesse de l'action il importe de disposer d'outils propres et bien affûtés. C'est pourquoi je crois malencontreuses les tentatives qui, comme celle d'Amartya Sen, ambitionnent d'importer dans l'économie les exigences de l'éthique et du bonheur et apportent un soutien paradoxal aux prétentions de l'économisme.
Pour l'éthique, mieux vaut étudier et appliquer la Théorie de la justice de John Rawls, sur laquelle devraient s'appuyer les juristes et les législateurs. Et pour ce qui est du bonheur ceux qui, une fois passée l'adolescence, disent vouloir se passer du bien-être matériel pour l'atteindre sont soit des saints, soit des hypocrites et cette deuxième hypothèse est la plus vraisemblable. Oui, la source du bonheur se trouve dans l'équilibre intime que procure la sagesse : mais un sage, fût-il sobre, ne méprise ni les nourritures terrestres, ni les plaisirs qu'offre la vie, ni le bien-être matériel que procure une économie bien organisée.
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Je concède à mon ami que l'on rencontre, parmi les professionnels de l'économie, des farceurs dont les propos péremptoires et articles saturés d'équations font penser à la façon dont des prostitués remuent leur derrière pour attirer le client. Leur proportion n'est sans doute pas plus élevée que dans d'autres professions mais ils se font peut-être remarquer davantage.
Les grands économistes sont tous d'excellents mathématiciens mais comme ils n'ont pas le souci d'impressionner leurs textes sont sobres en équations. Ils ne sont pas faciles à lire – l'économie est une discipline ardue – mais l'effort du lecteur est largement récompensé. Quand il rencontre l'un d'entre eux, il éprouve envers lui de la reconnaissance et même, j'ose le dire, de l'affection : « on s'attendait de voir un auteur, et on trouve un homme » (Pascal, Pensées, XXVIII).
J'apprécie toujours vos analyses si pertinentes. Néanmoins, avez-vous mis en parallèle cette réflexion que vous faites sur l'économie avec celle par exemple de B. Guerrien développée dans son ouvrage "L'illusion Economique"? Le problème pour le citoyen est de savoir distinguer le "farceur" du "vrai professionnel de l'économie".
RépondreSupprimer@Pegase Ecofinance
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu le livre que vous citez. Je vais le consulter.
L'économie n'est pas le seul domaine où l'on rencontre des farceurs. Savoir les reconnaître, savoir aussi discerner le sérieux lorsqu'il se présente, c'est nécessaire à la survie individuelle (face au corps médical) comme à la survie collective (le citoyen subit les conséquences du choix qu'il a fait lors d'une élection). C'est aussi une question de maturité...
J'apprécie aussi votre site, mais là je ne peux pas vous suivre.
RépondreSupprimerPour trois raisons :
- l'économie n'est ni reproductible ni falsifiable (deux caractéristiques dont on sait, depuis Popper, qu'elles sont indispensable pour qualifier de scientifique une discipline);
- l'adage veut qu'en économie, on nous expliquera demain pourquoi ce que l'on a prédit hier ne s'est pas produit aujourd'hui; force est de constater qu'à la lecture de la presse quotidienne c'est le sentiment général qui ressort de évènements économiques mondiaux;
- enfin au sens de Kuntz du terme, l'économie n'a jamais connu de révolution (au contraire de l'électronique, de l'informatique - mais oui -, de la physique, etc);
Désole de vous contredire, mais 50 ans de recherches en économie - certains des meilleurs exprits mondiaux y ont consacré leur vie - et pas grand chose qui en ressort. Les économistes de tout poils ont été infichu de voir arriver la dernière crise mondiale.
Cédric
@Cédric
RépondreSupprimerJe réponds point par point :
- Je me cite : "la théorie économique respecte les critères de la scientificité : en détaillant la "falsifiabilité" de Popper, on peut dire qu'une théorie est non scientifique 1) si elle est fondée sur des hypothèses qui se contredisent, 2) si elle comporte des déductions erronées, 3) si, au degré d'approximation qui est le sien, le constat des faits contredit ses hypothèses" ;
- la presse quotidienne n'est pas une bonne source sur l'état de la science économique ;
- la science économique a connu plusieurs révolutions au sens de Kuhn : marginalisme avec Walras, optimalité avec Pareto, incertitude des anticipations avec Keynes et Hicks, concurrence imparfaite avec Robinson et Chamberlin, croissance endogène avec Romer etc.
- plusieurs économistes ont vu arriver la crise (Stiglitz, Krugman etc.) mais ils n'ont pas été écoutés, y compris par les autres économistes.
Bonjour Cher Michel,
RépondreSupprimerMon commentaire était un peu long : j'en ai donc fait 2.
Je me suis passionné autant par le sujet de ta réflexion et la manière de le traiter que par tes réponses aux commentaires qui ont été faits. Le tout me semble relever d'un débat d'actualité.
Aujourd'hui, je suis arrivé au même constat de relativité que celui que tu exprimes, concernant le sens du mot "science".
Pour couper court à l'argument "les" économistes n'avaient pas prévu la crise, je dirais que cette généralité là est bien représentative de l'attitude que "la communication ambiante" tend à orienter beaucoup d'entre nous semble-t-il...
Pour en revenir à ton article, je trouve qu'au travers du filtre du LIBELLE "sciences économiques", tu soulèves un débat sur la notion de "science", qui touche à quelque chose d'essentiel : la classification des mécanismes de recherche de la connaissance, de son exploitation et de sa diffusion.
Pour moi, tel que tu présentes le mot "science", je comprends et j'adhère à l'idée suivante. Fondamentalement, le mot "science" procède d'une définition incluant la formulation d'une exigence de rigueur tant sur un jeu d’hypothèses de bases, non démontrables (postulats), que sur l'exploitation de celles-ci selon une approche rigoureuse, donc (la plus) formelle et (la plus) structurée (possible).
Si l'on admet ce principe, il devient alors légitime d'utiliser le mot "science" AUSSI pour d'autres domaines que le traditionnel domaine des sciences dures. Et parler de sciences économiques, sciences de gestion, sciences humaines, science juridiques, sciences politiques, sciences médicales... fait du sens.
Bien sûr, pour ces domaines là également, s'impose la nécessité de savoir identifier les "farceurs" des "sérieux". Ce qu'une observation éclairée ne manque jamais de mettre en évidence à un moment donné. Sous réserve d'accepter d'observer sur la durée et non sur l'instant, ce qui n'est pas toujours facile...
.../...
... donc, suite du commentaire précédent.
RépondreSupprimerJe voudrais à présent introduire une notion qui, je le pense et je l’apprécierais, pourrait prolonger ce débat, vivifiant selon moi.
C'est celle de l'interdisciplinarité, qui renvoi ou renverra nécessairement à "la science des sciences".
Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, les disciplines étaient imperméables. Même au sein des sciences dites "dures". Pour s'en convaincre, encore maintenant, il n'y a qu'a essayer de "classer un ergonome" ou un expert de "l'architecture" d'entreprise ou tout autre "systémicier" dans les nomenclatures des organismes institutionnels d'évaluation de la recherche française... Et pourtant, beaucoup font de la théorie...
Puis, depuis récemment, apparaissent des initiatives conduisant à favoriser le rapprochement des disciplines, avec des résultats déjà probants.
Dans le monde de la recherche notamment, certaines universités développent de plus en plus d'équipes mixtes qui s'organisent autour de finalité transcendant les disciplines. Avec des résultats remarquables, pour l'intérêt de chacun comme pour l'intérêt général : il n'est qu'à voir comment les exigences actuelles de développement durable conduisent (enfin) à des rapprochements que l'on n'aurait pas imaginés il y a ne serait-ce que 40 ans.
De même, il est très intéressant d'observer (et de vivre) la mutation que connaissent les formations d'ingénieurs, déjà "intégratrices", qui se voient de plus en plus adjoindre des thématiques dites d'ouverture, relevant de tout autres domaines que ceux de la sciences dite "dure" et de la technologie.
Ceci étant dit, selon moi, cette tendance bénéfique se développe de manière plutôt "pragmatique" que "scientifique". Il me semble que les postulats sur lesquels cette démarche repose sont : l'hypothèse de la pertinence de la finalité du projet et le constat de la nécessité de la multidisciplinarité. Personnellement, je suis convaincu qu'à cette maille, ils englobent nécessairement quelques potentiels de "sous postulats" contradictoires.
Néanmoins cette approche doit être considérée avec respect, compte tenu des résultats qu'elle permet déjà d'engranger. Toutefois, "pragmatiquement", je pense d'ores et déjà qu'il faudra envisager d'en faire elle aussi une "science" qui, comme toujours, viendra soit expliquer des choses qui n'auront pas pu l'être sans cela, soit permettre la prévision d'autres qui n'auront même pas été envisagées.
En fait, à y bien penser, mon "pragmatisme" ne procéderait-il pas finalement du théorème d'incomplétude d'un certain ... Gödel ? Un mathématicien ;-))
Je voudrais conclure sur l'expression d'une conviction : cette orientation vers la multidisciplinarité ne remet pas en cause l'exigence d'un approfondissement de spécialités thématiques (ce qui me semble être une forte crainte chez certains, crainte source, notamment, de frein au changement).
La spécialisation constitue un socle vital pour la multidisciplinarité. Sans cela, celle-ci risque, notamment, de tourner à la vulgarisation (nécessaire, si elle découle de la rigueur), donc dans l'approximation. Pour moi, la multidisciplinarité transcendent chacune de ses disciplines en lui apportant une perspective nouvelle, celle de la finalité.
Mes amités,
Jean-Guy
M. Volle, je ne sais pas pourquoi votre résponse à mes consi´dérations sur l'économie, que je n'avais jamais lu ont apparu dans une page un peu étrange. Je constate que vous m'avais aligné avec Auguste Comte et sa conception de la science, avec la mathematique comme fondament. Vous ne pouves vous tromper bättre. Je suis un énemi de la conception de Comte et du culte de la matematique. Por moi la vraie sicence est la sicnece humaine, la reflexion de ce que nous faisons avec la pensée el le langage. Ce qu'on apelle aciences positives est pour moi simplemenmt une technique de la pensée, pas une sienence. Pour éclaircir cela je devrais écrire en longue text, mais ma langue francaise n'est plus si bonne pour cela. La science économique, comme les sciences sociales est une speculation qui n'a pas même la precisión dú labgage des sciences naturelles.
RépondreSupprimer@José L. Ramirez
RépondreSupprimerLa "technique", qui est un savoir-faire, n'est pas plus "simple" que la science... la philosophie n'est-elle pas une "technique de la pensée" ?
Que "faisons-nous" d'ailleurs avec "la pensée et le langage" ? Si notre action rencontre non seulement le monde intime des représentations et sentiments, mais le monde des réalités extérieures, alors les "sciences de l'action" nous importent - et, parmi elles, l'économie.
Vous parlez de technique, de philosophie, de science et de connaissance en général (même “théorie”) peut être sans remarquer que tous ces mots, qui denotent connaissance, sont des méthonymies. Je ne crois pas beaucoup dans la valeur cognitive des substantives, mais des verbes. Philosophie pour moi est l’action de penser sur la pensée (sur “comme on pense”). Et puisque la pensée depend des mots, du language, pour se derouler, je ne crois pas qu’on peut avoir une théorie de la connaissance sans remarquer qu’est ce que nous faisons avec les mots et les concepts des que nous nous servons pour penser et pour raisoner. C’est une paradoxe, mais on ne peut pas être philosophe sans assumer cette situation. Les scientistes croient que la science est une representation, comme dans un miroir, de l’objet qu’ils étudent. Cela n,ést pas une science, consideré comme une action de reflechir, c’est seulement une technique de penser ett même le resultat de cette technique, une manière de manipuler des répresentations mentales sans se demander qu’est ce qu’ils proprement faisent avec nous et nous avec elles. Je n’ai dit qu’on peut séparer “science” de “technique”, puisque
RépondreSupprimer“technique” est aussi un mot
équivoque. Une technique peut aussi être une science, lorsqu’
elle est une théorisation du “comment”. Il y a des sciences du “quoi” et des sciences du “comment”. Mais on considère technicien aussi celui qui fait quelque chose “comme on a dit” (d’une manière qui est établie) sans se demander “pourquoi”. Aristote prouvait de trouver une distinction: il appelait
“empeiros” celui qui connaissait comment on fait quelque chose bien faite, sans savoir pourquoi.
“Technités” était alors celui qui savait “comment faire”et
“pourquoi faire comme ҫa” (et pas d’une autre manière). C’était le connaissement de la cause qui definiait la “science” pour lui, au moins dans ce paragraphe. Une autentique “science” pour moi est la reflexion sur comment nous construont un système scientiphique, pas la construction scientifique qui résulte de cela. C’est pour cela que je dis que ce qu’on dénomine “science” est une tecnique de penser, d’utiliser la pensée. La science proprement dite, l’action de construir un systême coherent de penser et décrire quelque chose d’une manière coherente et comprensible, c’est seulement la science humaine, pas la science positive. Et il n’y a pas de philosophie de la connaissannce séparée d’une connaissance rhétorique. La philosophie a méprisé la Rhétorique et fait de la philosophie une ordure théorique.
Pour moi c’est Praxis/Poiesis, pas Théorie/Pratique qui vaut. Je me sens chinois. Vous pouver dire c’est qui est normal et bon pour vous, mais je sais bien pourquoi je pense comme je fait.
Cher Michel,
RépondreSupprimerLa faiblesse de l'approche de Popper (qui reste d'un apport fondamental pour lutter contre le positivisme) est qu'elle s'applique mal aux sciences sociales car on ne peut pas vraiment falsifier une hypothèse économique puisque, comme tu l'expliques dans ta comparaison avec les mathématiques, tout est question de périmètre et de champ de validité, le fameux "ceteris paribus" que les économistes néoclassique utilisent pour démontrer ce qu'ils veulent démontrer en excluant le réel.
Il faut plutôt se référer au poppérisme aménagé de Imre Lakatos et son "programme de recherche": une hypothèse centrale déployée en une ceinture d'hypothèses protectrices que l'on va essayer de falsifier pour tester leur résistance.
La pareto optimalité n'existe pas en sciences sociales, il n'y a pas de "one best way" mais des hypothèses à tester. Je renvoie aux travaux de Dany Rodrik sur ce point.
Quant à l'approche de John Saul et sa théorie de la justice, il faut l'étudier en regard de la critique qu'en a faite Amartya Sen: Il ne suffit pas de donner un "panier de biens premiers" à un individu pour qu'il soit libre, car la liberté est une construction sociale. Ce qui nous renvoie au débat entre liberté négative et liberté positive qui oppose les libéraux et les républicains (i.e. la tradition en philosophie politique qui conçoit la société à partir d'un Bien commun supérieur à la somme des biens individuels).
Rawls propose un critère pour évaluer l'équité d'une loi. Il ne considère ni la façon dont la loi est appliquée par l'appareil judiciaire, ni les relations entre les personnes. Comme toute théorie la sienne a donc une portée limitée, mais elle répond clairement à une question précise.
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