dimanche 17 janvier 2021
La réalité des faits
samedi 2 janvier 2021
Jean Chauvel, Commentaire, Fayard 1972
Jean Chauvel est un diplomate qui a traversé certains des épisodes les plus marquants de notre histoire. Il était en poste à Vienne au moment de l’Anschluss ; à Paris, puis Bordeaux, lors de la catastrophe de mai-juin 40 ; à Vichy jusqu’en 42, qu’il a quittée après l’invasion de la zone libre par les Allemands car, pensait-il, une administration française ne pouvait plus alors être qu’une fiction.
Il organise alors à Paris un administration des Affaires étrangères bis, puis rallie Alger où de Gaulle le nomme secrétaire général du ministère, poste qu’il occupera après la Libération. Il sera ensuite chargé de diverses ambassades.
Il observe, chez les individus, le ressort moral qui sous-tend les intentions et les actions. Certains, dit-il, sont myopes, le regard collé sur la situation présente ; d’autres sont obnubilés par une perspective qui leur cache les particularités du moment. Certains enfin sautent d’instinct sur toutes les opportunités, quelles qu’elles soient, qui promettent immédiatement avancement et carrière.
Les doctrinaires de Vichy, ignorant que l’on n’est vraiment vaincu que si l'on intériorise la défaite, pensaient que la bataille perdue en mai 40 était une défaite totale, irrémédiable. La seule politique raisonnable, pensaient-ils, était de faire aux côtés de l’Allemagne la guerre à l’Angleterre afin de ravir à l’Italie le rang de meilleur allié des nazis – mais ces derniers ont préféré dominer la France plutôt que de lui accorder un statut qui leur aurait imposé quelques obligations.
Chauvel admire la lucidité stratégique de de Gaulle mais lui reproche son indifférence méprisante envers les êtres humains. Il lui reproche aussi de supposer toujours que l’intendance suivra, une fois indiquées les grandes lignes de l’action : or pour qu’une intendance puisse surmonter dans la foulée les mille difficultés que comporte l’exécution, il faut avoir échauffé et mobilisé les intelligences et les cœurs et il ne suffit pas, même si c’est nécessaire, d’évoquer de hautes exigences.