mercredi 23 juillet 2014

De la filière au processus

(Ce texte est une réaction à la note « A quoi servent les filières » publiée par la Fabrique de l'Industrie).

Le concept de « filière » occupe une place intermédiaire entre celui de fraction d'entreprise et celui de branche d'activité : il vise à représenter l'enchaînement des activités qui, de l'extraction des matières premières jusqu'à la finition d'un produit, concourent à l'élaboration de celui-ci en traversant éventuellement plusieurs entreprises (dans ce cas on considère, outre la succession technique des activités élémentaires, les relations contractuelles qui définissent le partage des coûts, recettes et responsabilités).

On peut représenter une filière selon un graphe orienté : les nœuds initiaux sont la production des matières premières, les nœuds finals représentent des produits. Une telle représentation est formellement analogue à celle que l'on utilise, dans une entreprise, pour modéliser un processus de production.

Historiquement le recours à la filière pour définir la politique industrielle a résulté du constat de l'inadéquation des agrégats de la macroéconomie, trop globaux, comme du concept de branche d'activité, trop peu explicatif. Le secret de l'efficacité résidait, pensait-on, dans l'articulation judicieuse des fractions d'entreprise en filières. On a ainsi parlé des filières du nucléaire, de l'aéronautique, de l'énergie, du bois etc.

Cependant les modèles économétriques qu'ont utilisés le Plan et le Trésor relevaient de la macroéconomie, dont le grain est trop grossier pour faire apparaître des filières. Le ministère de l'Industrie, organisé selon les branches d'activité, a utilisé le formalisme des filières pour instruire des décisions qu'il proposait mais la plupart de ses directions étaient peu écoutées et le Trésor avait généralement le dernier mot.

Le concept de filière a donc eu un succès inégal. Est-il nécessaire aujourd'hui ?

samedi 19 juillet 2014

Christian Malis, Guerre et stratégie au XXIe siècle, Fayard, 2014

Le livre de Christian Malis passionnera ceux qui connaissent le métier des armes. Il fait le point sur les débats de doctrine sans rien céder au pédantisme de l'érudition universitaire, il énumère les contraintes stratégiques auxquelles la France est confrontée, il propose des réponses à la réflexion du lecteur.

Voici un exemple : la France dispose, grâce à ses possessions outre-mer, de droits sur un domaine maritime immense, ressource économique de première grandeur pour la pêche et l'exploitation des fonds marins. Ses droits existent de jure dans les traités internationaux mais ils peuvent être annulés de facto si l'accès à ce domaine lui est interdit par la force ou s'il fait l'objet d'intrusions qu'elle ne peut pas empêcher.

Une politique consciente des intérêts à long terme de la nation devrait donc la doter d'une force navale significative : nous ne le faisons pas.

Autre exemple : la puissance militaire, qui se concrétise par la présence d'hommes et de matériel sur le terrain, ne se sépare pas des ressources logistiques, d'une infrastructure technique et scientifique, de la réflexion qui définit la doctrine d'emploi des armes, le tout évolutif pour tenir compte de la nature des adversaires. Pour pouvoir déployer une force combattante efficace de quelques milliers d'hommes, il faut des dizaines de milliers d'autres dans le transport, la logistique, l'industrie et la recherche.

Aujourd'hui la France se refuse à cet effort. Alors même qu'elle demande à son armée d'accomplir sa mission sur des terrains difficiles, elle la soumet à une pression budgétaire qui provoque une pénurie d'effectifs, d'équipements et de munitions.

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Toute nation qui renonce à sa puissance sera dominée et opprimée par d'autres nations : c'est une loi de la nature. On peut la déplorer mais il n'est pas réaliste de la nier.

La puissance d'une nation s'exprime dans sa culture, son économie et ses forces armées. Or ces trois dimensions de la puissance sont aujourd'hui, en France, la cible d'une trahison dont l'origine se trouve dans notre histoire (La France, cette mal aimée).

jeudi 10 juillet 2014

Vers l'économie du risque maximum

Entretien avec Laurent Faibis le 25 juin 2014 : pourquoi l'informatisation fait émerger l'économie du risque maximum.

samedi 5 juillet 2014

Laurent Beccaria, Hélie de Saint Marc, Les Arènes/Perrin, 2013

Hélie Denoix de Saint Marc avait 18 ans en mai 1940. Il a été humilié par la déroute des armées françaises, il a admiré l'énergie et l'organisation des soldats allemands, il s'est engagé dans la résistance. Il s'est fait prendre alors qu'il tentait de passer en Espagne et a été déporté à Buchenwald où les Américains l'ont trouvé agonisant lors de la libération du camp.

Une fois retapé il est passé par Saint-Cyr avant d'entrer dans les parachutistes de la Légion. Il a fait la guerre en Indochine, puis en Algérie.

Il commandait par intérim le 1er REP en avril 1961. Il s'est mis au service du général Challe lors de la tentative de putsch et son régiment a pris le contrôle d'Alger.

Après l'échec du putsch il a été chassé de l'armée et a fait cinq ans de prison. Il a par la suite publié des livres où il a présenté ses réflexions sur le métier des armes.

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Le livre de Laurent Beccaria décrit à travers cette biographie le destin d'une génération d'officiers français.

Ces jeunes gens nés dans les années 1920 sont devenus des guerriers pour laver l'humiliation ressentie en 1940. Ils ont pris tous les risques. Beaucoup sont morts au combat, ceux qui ont survécu ont acquis une excellente compétence tactique.

jeudi 3 juillet 2014

Le cerveau d'oeuvre : emplois et compétences dans l'iconomie

Voici la vidéo d'un entretien avec Laurent Faibis le 25 juin 2014 (5 min 33 s). Un regret : Faibis ne m'a pas interrogé sur la possibilité du plein emploi dans l'iconomie. J'aurais fait la réponse classique :
  1. en 1800 l'agriculture occupait les deux tiers de la population active : il aurait été alors difficile de se représenter l'emploi en 2014, quand elle n'en occupe que 3 % ;
  2. de même, nous avons du mal à nous représenter l'emploi dans l'iconomie car son déploiement implique des changements profonds dans l'économie et la société ;
  3. l'emploi sera différent de ce qu'il est aujourd'hui, le système éducatif aura évolué (cf. L'iconomie et les jeunes) ;
  4. enfin toute économie à l'équilibre connaît le plein emploi de la force de travail. L'iconomie est par hypothèse une économie à l'équilibre, donc elle ne connaîtra plus le chômage de masse.

mercredi 2 juillet 2014

Nicolas Sarkozy : style et usurpations

Nicolas Sarkozy n'est pas seulement l'homme politique qui a été ministre puis président de la République. C'est aussi un homme tout court et cet homme a un style.

Ce style, c'est une trépidation de l'être qui se manifeste par l'activité incessante, la repartie rapide, le talent d'un escrimeur médiatique. Il séduit ceux qui respectent l'énergie, ou plutôt son apparence.

Oui, son apparence, car nombre de mesures annoncées n'ont eu d'autre conséquence que le pur effet d'annonce. Cette activité s'est donc souvent dégradée en activisme, cette énergie s'est parfois dégradée en violence.

Celle-ci s'est manifestée avec une vulgarité qui a choqué : que l'on se rappelle le « croc de boucher » promis à de Villepin, l'invitation à la bagarre adressée à un pêcheur qui l'avait insulté, le « casse-toi, pauvre con » adressé à un quidam au salon de l'Agriculture.

La vulgarité était présente aussi dans l'attitude ostensiblement « décontractée » lors des rencontres avec d'autres dirigeants : on a vu Sarkozy, le talon d'un soulier dans la main, se vautrer dans un fauteuil devant Poutine.


On l'a vu aussi palper avec complaisance la poitrine d'une dame qu'il venait de décorer :


Ce style était fait pour séduire ceux qui ne conçoivent pas ce qui sépare l'activité de l'activisme, l'énergie de la violence, la décontraction de la vulgarité. Ils sont certes nombreux et plus nombreux encore sont ceux qui, respectant les institutions, croient devoir accorder le même respect à la personne qui occupe la fonction de président de la République.

Or la question est de savoir si cette personne remplit effectivement la fonction à laquelle elle a été élue. On arrive ici au point culminant de la question du style.