vendredi 13 avril 2018

Intelligence artificielle = statistique + informatique

L’intelligence artificielle informatise le traitement statistique des données : il s’agit en effet, dans chacune de ses applications actuelles, d’analyse discriminante, de classification automatique ou de régression1.

Les données qui les alimentent proviennent d’un système d’information qui a lui-même pour origine une organisation :
  • si l’organisation est défectueuse (hiérarchique, bureaucratique, illogique, etc.), le système d’information ne peut pas être efficace ;
  • si le système d’information est mal conçu (données incohérentes, lacunaires, fallacieuses, etc.), l’intelligence artificielle ne pourra rien apporter d’utile.

Pour qu’une entreprise ou une institution puissent tirer parti de l’intelligence artificielle il faut donc que leur système d’information et leur organisation soient de bonne qualité. Si elles négligent cette condition l’intelligence artificielle ne sera pour elles que le proverbial emplâtre sur une jambe de bois.

Certains dirigeants de la politique et de l’économie prennent cependant la question à l’envers. Ils croient que l’intelligence artificielle, étant « intelligente », n’est conditionnée par rien d’autre qu’elle-même. Ils ignorent que les conditions de sa mise en œuvre, étant nécessaires, sont beaucoup plus « stratégiques » qu’elle ne peut l’être.

Parmi les dirigeants dont l’imagination est séduite par les chimères qu’éveille l’expression « intelligence artificielle », nombreux sont ceux qui n’ont d’ailleurs que mépris pour la statistique, l’informatique et les systèmes d’information qui, tous, leur semblent « ringards ».

Leurs décisions seront erronées, leurs stratégies iront à l’échec.
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1 Voir par exemple l’excellent cours de Stéphane Mallat au Collège de France.

lundi 2 avril 2018

Droit de grève et sabotage

La grève est un recours pour les salariés lorsque la négociation ou l’arbitrage ont abouti à une impasse. La loi reconnaît le droit de grève.

Cela ne veut pas dire que toutes les grèves ni toutes les formes de grève soient légitimes. Dans le transport aérien les pilotes de ligne, qui sont les salariés les mieux payés, ont coutume de se mettre en grève pour obtenir une augmentation dès que la compagnie fait du profit : c’est une grève de privilégiés qui veulent encore plus de privilèges.

Elle peut aller jusqu’aux extrêmes de la violence, comme cela s’est passé chez Eastern Airlines : des grévistes ont mis le feu aux maisons des « jaunes » qui continuaient à piloter et le conflit a finalement provoqué la faillite de la compagnie.

Un salarié gréviste a le droit de ne pas venir travailler, mais non celui d’empêcher les « jaunes » de le faire, ni moins encore celui d’utiliser l’outil de travail pour manifester : c’est ce que font pourtant les routiers lorsqu'ils utilisent leur camion pour bloquer les routes. Les paysans et les taxis font de même avec leurs tracteurs et leurs voitures : ce ne sont pas des grévistes, mais des entrepreneurs qui désirent manifester leur mécontentement.

Ces manifestations, illégales mais généralement tolérées, cherchent à faire pression sur le « pouvoir » pour obtenir une hausse des prix ou une réglementation plus favorable. Lorsque l’on reproche à ces manifestants la gêne qu’ils occasionnent, ils répondent « c’est le seul moyen de nous faire entendre » : c’est peut-être vrai, mais ils traitent le reste de la population en ennemi.

La majorité de cette population supporte cependant avec patience les grèves bloquantes, voire même les approuve. Le gréviste attire sa sympathie malgré la gène qu’il provoque : le salarié qui tient au droit de grève le considère comme un camarade, l’entrepreneur tient au droit de manifester.

Cette complaisance n’est pas toujours justifiée. Les grèves, les manifestations, ne sont pas toutes l’expression d’une lutte pour la justice, d’une résistance des exploités contre les exploiteurs ou encore la seule issue offerte à un désespoir : certaines sont, comme les grèves des pilotes de ligne, l’expression d’un pur rapport de force.

La sympathie si répandue pour les grévistes a sans doute aussi pour ressort un individualisme qui revendique, contre tout ce qui est collectif et organisé, un droit à l’insurrection et au saccage. Certes, la loi ne reconnaît pas ce droit, mais une partie de l’opinion pare le saboteur des prestiges de la Résistance.

Encore faut-il savoir contre quoi l’on résiste. Résister à un ennemi qui occupe le territoire de la nation, c’est dangereux et héroïque. Résister aux institutions dont l’histoire a doté cette même nation, c’est se défouler sans courir un grand danger et, peut-être, prendre le risque de détruire quelque chose que l’on regrettera.