dimanche 28 février 2010
Un commentaire sur De l'Informatique
Le CNAM publie des fiches de lecture intéressantes.
J'ai eu le plaisir d'y découvrir l'analyse fouillée de De l'Informatique par MM. Gil Derudet et Yvon Pesqueux. J'ai mis en ligne ce document .doc : vous pouvez le télécharger en cliquant sur le lien ci-dessus.
Le lire m'a fait un drôle d'effet car j'ai eu l'impression de me voir dans un miroir et de ne pas m'y reconnaître. Ce n'est pas que l'analyse soit fausse -
au contraire, elle me semble pertinente : c'est moi qui ne sais pas voir.
Quand vous écrivez un livre, vous êtes enfermé dans une réflexion qui lutte avec les faits dont elle tente de rendre compte. Du coup vous êtes incapable de vous voir (ou de vous imaginer vu) de l'extérieur, et lorsque une image vous est renvoyée elle vous paraît étrangère.
MM. Derudet et Pesqueux semblent avoir apprécié De l'Informatique et cela me fait plaisir. Dans la partie "discussion et critiques" de leur texte ils relèvent mes redites somnifères : j'ai eu beau me lire et relire, je ne suis pas parvenu à les supprimer toutes. Ils notent aussi mon goût pour les belles courbes, que ce soit en mathématiques ou ailleurs.
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jeudi 25 février 2010
Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz, Gallimard, 1976
Tout le monde sait que Clausewitz est un auteur militaire. Mais il est aussi et surtout, à ma connaissance, le premier penseur qui se doit intéressé à l'articulation entre la pensée et l'action - le premier et peut-être le seul, car les penseurs s'intéressent plus à la pensée elle-même qu'à l'action dont la complexité les rebute.
Il est compréhensible que cette articulation ait attiré l'attention d'un militaire : c'est dans la guerre, en effet, que ses exigences se manifestent de la façon la plus impérative. Le stratège, le tacticien, doivent agir sous la pression de l'urgence, sans disposer de toutes les informations nécessaires, dans un contexte où l'enjeu est littéralement de vie ou de mort.
Dans de telles conditions leur action ne peut pas être purement rationnelle : elle relève de l'art plus que de la science. Le fait est cependant que certaines personnes, certains stratèges, savent agir avec justesse dans l'urgence et le brouillard du combat : on dit que ceux-là possèdent le « coup d'œil ».
Quelles sont donc les qualités du bon général, du bon stratège ? Il faut qu'il ait du sang-froid mais cela ne suffit pas : il faut aussi qu'il possède certains procédés de pensée qui permettent de se représenter la situation, d'anticiper les conséquences des diverses actions possibles, de choisir enfin la décision adéquate - et tout ceci dans l'instant, en interprétant ce qu'il voit et en devinant ce qu'il ne voit pas.
Cela demande sans doute un talent particulier mais le talent n'y suffirait pas : il faut encore et comme dans tous les arts que ce talent ait été fécondé par une formation qui ne peut porter de fruits que si celui qui la reçoit s'y intéresse passionnément et de toute sa volonté.
La pensée du stratège procède, comme toute autre pensée, par concept, modélisation, hypothèse et déduction. Mais contrairement à la pensée qui s'explicite dans des paroles, la sienne se condense dans une décision à laquelle seule il accorde de la valeur : elle lui semble évidente et il oublie instantanément le raisonnement qu'il a bâti pour la construire.
Cela demande sans doute un talent particulier mais le talent n'y suffirait pas : il faut encore et comme dans tous les arts que ce talent ait été fécondé par une formation qui ne peut porter de fruits que si celui qui la reçoit s'y intéresse passionnément et de toute sa volonté.
La pensée du stratège procède, comme toute autre pensée, par concept, modélisation, hypothèse et déduction. Mais contrairement à la pensée qui s'explicite dans des paroles, la sienne se condense dans une décision à laquelle seule il accorde de la valeur : elle lui semble évidente et il oublie instantanément le raisonnement qu'il a bâti pour la construire.
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mercredi 17 février 2010
Les systèmes d'information des services publics
Voici le lien vers le texte écrit du cours de quatre heures que j'ai donné à l'aimable invitation de Pierre Musso, le 17 février, à l'école des Mines, devant les ingénieurs élèves des Mines et des Télécoms :
http://www.volle.com/travaux/coursmines.pdfLe cours porte sur les systèmes d'information des services publics. Ce thème d'apparence anodine rassemble deux des questions les plus importantes de notre époque : que doit être le rôle de l'État dans l'économie, quel est le périmètre légitime du service public ? En quoi consiste cette informatisation qui transforme les institutions et jusqu'à la vie familiale ?
Je ne prétends pas être parvenu à un texte parfait et les remarques des lecteurs me seront utiles.
La rédaction préliminaire des quatre premiers chapitres concerne l'histoire vue dans ses très grandes lignes, les institutions (dont l'entreprise), le domaine légitime du service public et enfin les doctrines concernant celui-ci (totalitarisme, néo-libéralisme, saint-simonisme).
Lors du prochain cours, le 13 avril, je parlerai du phénomène de l'informatisation et de la dynamique des systèmes d'information. Puis je passerai à la deuxième partie du cours, qui est consacrée à des études de cas, en évoquant l'informatisation du système éducatif.
Lors du troisième et dernier cours, le 18 mai, je compte présenter d'autres études de cas dont voici la liste préliminaire : système de santé, système législatif, système judiciaire, régulation des télécoms.
Je tente ainsi de donner des outils à ces futurs dirigeants de l'économie française, afin que leur génération puisse corriger les erreurs qu'a commises la mienne et celles qui se commettent aujourd'hui.
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jeudi 4 février 2010
La chute des grandes maisons
Dans un article récent, Dick Brass annonce la chute de la maison Microsoft ("Microsoft's Creative Destruction", The New York Times, 4 février 2010). Les phénomènes qu'il décrit me rappellent les épisodes amers qui annonçaient la chute de la maison France Telecom : mêmes causes, mêmes effets, même mécanisme...
Comment se fait-il, dit Brass, que ce ne soit pas Microsoft, la plus célèbre et la plus prospère des entreprises américaines dans les TIC, qui ait conçu l'iPad, le Kindle, Google, le BlackBerry et l'iPhone, l'iPod et iTunes, Facebook et Twitter ?
Ce n'est pas par manque de chercheurs et d'ingénieurs compétents : Microsoft possède, en interne, toutes les ressources qui auraient pu lui permettre de réaliser, bien avant les autres, les innovations ci-dessus. Des produits analogues ont d'ailleurs en fait été conçus et mis au point chez Microsoft, mais ils ont été rejetés par une organisation qui décourage l'innovation : les directions en place se sentent menacées lorsqu'une équipe propose un nouveau produit, alors elles font tout pour faire échouer le projet.
Comment se fait-il, dit Brass, que ce ne soit pas Microsoft, la plus célèbre et la plus prospère des entreprises américaines dans les TIC, qui ait conçu l'iPad, le Kindle, Google, le BlackBerry et l'iPhone, l'iPod et iTunes, Facebook et Twitter ?
Ce n'est pas par manque de chercheurs et d'ingénieurs compétents : Microsoft possède, en interne, toutes les ressources qui auraient pu lui permettre de réaliser, bien avant les autres, les innovations ci-dessus. Des produits analogues ont d'ailleurs en fait été conçus et mis au point chez Microsoft, mais ils ont été rejetés par une organisation qui décourage l'innovation : les directions en place se sentent menacées lorsqu'une équipe propose un nouveau produit, alors elles font tout pour faire échouer le projet.
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mardi 2 février 2010
Denis Robert et Laurent Astier, L'affaire des Affaires, Dargaud, 2009
L'affaire Clearstream dont les journaux nous parlent d'abondance, et qui révèle à qui l'ignorait le caractère vindicatif de notre président, n'est que la suite d'une autre affaire Clearstream autrement plus importante mais dont les journaux ont peu parlé - sans doute étaient-ils intimidés ?
C'est de cette affaire que nous parle Denis Robert, le courageux journaliste à qui nous devons Révélation$, La boîte noire, La domination du monde et quelques autres ouvrages.
Ici il s'agit d'une bande dessinée. C'est un merveilleux outil de communication. Voir (fort bien représentés) les visages des protagonistes, leurs mimiques, voir les façades des immeubles, cela aide à "réaliser" ce que dit l'auteur, à comprendre que c'est réel, à partager ses émotions - et elles sont vives.
Au passages, quelques portraits peu flatteurs : Juncker, premier ministre d'un paradis fiscal drapé dans sa vertu ; Trichet, qui ne veut rien entendre. Tout le monde prend Robert pour un fou...
C'est de cette affaire que nous parle Denis Robert, le courageux journaliste à qui nous devons Révélation$, La boîte noire, La domination du monde et quelques autres ouvrages.
Ici il s'agit d'une bande dessinée. C'est un merveilleux outil de communication. Voir (fort bien représentés) les visages des protagonistes, leurs mimiques, voir les façades des immeubles, cela aide à "réaliser" ce que dit l'auteur, à comprendre que c'est réel, à partager ses émotions - et elles sont vives.
Au passages, quelques portraits peu flatteurs : Juncker, premier ministre d'un paradis fiscal drapé dans sa vertu ; Trichet, qui ne veut rien entendre. Tout le monde prend Robert pour un fou...
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