samedi 24 août 2013

Pour une véritable stratégie

La troisième révolution industrielle a fait émerger une économie et une société qui diffèrent de l'économie et de la société antérieures, issues de la deuxième révolution industrielle. Nombre des décisions de politique économique et d'organisation, prisonnières d'un modèle obsolète, vont au rebours de l'efficacité : le mort saisit le vif1.

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Une stratégie ne peut être efficace que si elle s'appuie sur une connaissance exacte du terrain offert à l'action ainsi que des moyens dont celle-ci dispose : même subtil, un discours stratégique qui ignore ce que fait émerger la troisième révolution industrielle sera inévitablement non pertinent.

Cette ignorance est, pour des raisons à la fois sociologiques et intellectuelles, solidement ancrée parmi les personnes qui occupent une fonction stratégique. Le mot « numérique », terriblement ambigu, leur sert d'alibi pour refuser de voir que la troisième révolution industrielle est celle de l'informatisation : elles méprisent en effet l'informatique et craignent par dessus tout le reproche de technicisme.

Par ailleurs les économistes, dont certains conseillent ces stratèges, refusent de voir que l'informatisation généralise les rendements d'échelle croissants, ce qui introduit dans l'économie une transformation radicale. Ils ne croient pas en effet possible de rattacher à une cause aussi « simple » l'éventail de phénomènes si divers qui en résulte - d'autant moins possible que cette « simplicité » risque d'ôter à leur spécialité une part de son mystère et, peut-être, de son prestige.

Il en résulte que la stratégie s'égare dans des impasses. La transition énergétique, certes nécessaire, ne devrait cependant pas occuper un tel rang dans les priorités. L'attention accordée au « secteur du numérique », certes important, cache que l'enjeu fondamental, beaucoup plus large, réside dans l'informatisation des institutions et notamment des entreprises.

vendredi 23 août 2013

Tout ne va pas si bien que ça en Allemagne

Le premier de la classe est toujours détesté lorsqu'il s'enorgueillit des éloges des professeurs et se montre condescendant envers les autres élèves, qui le qualifient alors de fayot et de lèche-cul. Pour pouvoir être estimé il faut qu'il n'accorde aucune importance aux bonnes notes, qu'il soit bienveillant envers ses camarades et sache les aider à l'occasion.

L'hostilité envers l'Allemagne, si répandue, s'explique par ce phénomène. Notre presse y contribue en renforçant l'image d'un pays qui réussit (erfolgreich), où tout le monde est sérieux (ernst), honnête (ehrlich), travailleur (fleissig) et où des entreprises efficaces (wirksam) ne fabriquent que des produits fiables (zuverlässig)...

Mais il nous est impossible, à nous autres Français, d'éprouver de la tendresse pour un pays qui n'a aucun défaut. Pour que l'Allemagne nous semble aimable il faut qu'elle connaisse elle aussi la maladresse, la malhonnêteté, le manque de sérieux...

Or c'est le cas ! Pour s'en convaincre, il suffit de lire par exemple Der Spiegel. Certes les journalistes parlent plus volontiers de ce qui va mal que de ce qui va bien, mais on fait en les lisant une récolte impressionnante : certaines entreprises allemandes ne sont pas wirksam, leurs succès à l'exportation s'expliquent autant par la corruption (Bestechung) que par la Zuverlässigkeit de leurs produits, des personnalités éminentes n'ont dû leur titre de Doktor qu'au plagiat, nombre de leurs banques tournent le dos au bien commun...

Ainsi les Allemands ne sont pas des surhommes (Übermensch) comme nous semblons le penser et comme ils sont parfois tentés de le croire, mais des êtres humains aussi imparfaits que nous pouvons l'être et avec lesquels il nous est donc possible d'avoir des rapports chaleureux et cordiaux. Prosit !

mardi 13 août 2013

Gilbert Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, Aubier, 2012

Simondon est un philosophe sérieux. Son écriture, qui suit le cours d'une pensée exploratoire, est rugueuse et parfois répétitive. Il faut s'y reprendre à plusieurs fois pour le lire : on ne peut absorber utilement que quelques dizaines de pages par jour, après quoi il faut prendre le temps de la réflexion.

Cela en vaut la peine. Une fois le livre terminé et annoté on se promet d'y revenir car Simondon a été beaucoup plus loin, plus profond que tous les autres. Je vais tenter de condenser ici ce que je retiens après cette première lecture.

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Parmi les objets techniques Simondon distingue les outils qui prolongent l'action du corps humain des instruments qui affinent ou complètent sa perception. Il distingue encore les éléments techniques, qui sont comme des organes ; les individus techniques, machines qui composent divers éléments en vue d'une action ; enfin des ensembles techniques, qui associent plusieurs individus techniques (l'usine en est un exemple).

L'objet technique est d'autant plus concret que les éléments qu'il comporte entretiennent une synergie plus poussée : ainsi dans un moteur de motocyclette les ailettes qui assurent le refroidissement contribuent à la solidité du carter. Le perfectionnement d'un objet technique progresse vers une concrétisation toujours accrue.

lundi 12 août 2013

Bulletin municipal de Sénéchas, juillet 2013

Le nouveau Bulletin municipal de Sénéchas vient de sortir (pour en savoir plus sur Sénéchas, cliquer ici).

Vous pouvez le télécharger au format pdf (307 Ko) en cliquant sur le lien suivant : Bulletin municipal de Sénéchas, juillet 2013.

Vous verrez que la vie culturelle est active dans cette commune de 246 habitants - auxquels s'ajoutent un grand nombre de vacanciers durant l'été.

Si notre commune éveille votre curiosité, voici des liens pour consulter les numéros précédents du Bulletin :

- Bulletin municipal de Sénéchas, juillet 2012 ;

- Bulletin municipal de Sénéchas, juin 2011 ;

- Bulletin municipal de Sénéchas, juin 2010 ;

- Bulletin municipal de Sénéchas, mai 2009 ;

- Bulletin municipal de Sénéchas, août 2008.

lundi 5 août 2013

Pavel Soudoplatov, Missions spéciales, Seuil 1994


Lire ce livre, c'est faire un voyage mental dans la Russie de Staline.

Pavel Soudoplatov a été directeur des « missions spéciales », service du NKVD chargé des sabotages, espionnages, assassinats et enlèvements hors des frontières dont Staline avait donné l'ordre. Il a notamment organisé l'assassinat de Trotsky, dirigé la lutte des partisans contre l'occupant nazi, monté le réseau qui a espionné les travaux américains en vue de la bombe atomique.

Il n'avait pas d'états d'âme : même en temps de paix l'URSS se considérait comme une nation en guerre. Assassiner ceux que Staline jugeait dangereux, c'était donc une action militaire qu'il lui fallait accomplir en soldat en utilisant les techniques et l'organisation les plus rigoureuses : pour ceux que cela intéresse, certains passages de ce livre constituent un véritable manuel.

samedi 3 août 2013

Michel Serres, Petite poucette, Le Pommier 2012

Michel Serres regarde, avec la sympathie émue du grand-père, une « petite poucette » jouer en virtuose avec le clavier de son téléphone « intelligent ». C'est un grand-père à la page : toutes les nouveautés lui sourient, les apports du Web l'enthousiasment.

Il se met ainsi dans une position inexpugnable. Qui en effet peut oser dire aujourd’hui que les enfants ne possèdent pas la sagesse innée ? que grand-père devrait réfléchir à deux fois plutôt que s'extasier, car il convient de faire un tri parmi des nouveautés dont certaines sont dangereuses ?

N'y a-t-il pas d'ailleurs quelque chose de puéril dans cet émerveillement sénile ? Alors qu'il faut un long apprentissage pour savoir jouer du violon, chacun peut produire une musique agréable avec sa chaîne Hi-Fi : mais le violoniste débutant est plus authentique, dans son effort vers la musicalité, que quelqu'un qui tourne un bouton. Je crains que la « petite poussette » qui impressionne tant son grand-père ne nous invite à rester au stade du presse-bouton.