Comment qualifier en effet l'attitude de ceux qui jettent aux orties notre langue maternelle et avec elle une littérature, une histoire, notre République enfin ?
Dans le bureau de poste de Génolhac, chef-lieu de canton dans les Cévennes, on voit sur une affiche la publicité pour « La Poste Asset Management ». Cela veut évidemment dire « La Poste Gestion d'Actifs ». Faut-il donc que l'on s'adresse à nous en anglais jusqu'au fond des Cévennes ?
Pour beaucoup d'habitants de notre canton « Asset Management » évoquera sans doute le ménage que l'on fait quand on nettoie des assiettes - image étymologiquement exacte que des connotations entoureront d'éviers et de lessives et qui est loin de celle que la Poste cherche à éveiller. Comme l'exactitude étymologique est pour la pensée un soutien plus ferme que la mode, je donnerai raison à ces personnes contre la Poste...
Vous dites « ces gens-là sont des ignorants, ils n'ont qu'à apprendre l'anglais » ? Non Monsieur ! Si vous les écoutez, vous verrez que « ces gens-là » parlent un français plus riche, plus naturel que le vôtre ou le mien. Les mépriser, c'est comme cracher à la figure de la mère qui nous a appris notre langue, à celle des millions d'anonymes qui nous ont légué un trésor dont personne n'a tiré meilleur parti que La Fontaine :
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé
Et de tous les côtés au soleil exposé
Six forts chevaux tiraient un Coche.
* *
La moindre des politesses, n'est-ce pas de s'adresser à une population dans sa langue familière ? Or allez à Paris, rue Bergère, arrêtez-vous devant l'immeuble de BNP Paribas pour regarder les panneaux qui entourent la porte. Vous y lirez ceci, que je transcris fidèlement :
.BNP Paribas Investment Partners
.BNP Paribas Asset Management
.CamGestion
.FundQuest
.BNP Paribas Private Equity
.BNP Paribas Epargne & Retraite Entreprises
.BNP Paribas Fin'AMS
.Overlay Asset Management
.Antin Infrastructure Partners
J'ignore comment nous avons échappé à Corporate Savings & Pensions : BNP Paribas a peut-être, dans un sursaut de réalisme, jugé les épargnants et les retraités trop ringards pour comprendre son pidgin...
Ce n'est pas de l'anglais en effet que l'on nous inflige mais bien le pidgin des indigènes colonisés. La langue anglaise, aussi belle et riche que la nôtre, mériterait plus de respect que cela : mais on ne peut respecter autrui que si l'on se respecte d'abord soi-même, on ne peut respecter une autre langue que si l'on a le souci de cultiver et de perfectionner la sienne.
Ceux qui défendent l'invasion par l'anglais disent qu'il faut connaître la langue des affaires. C'est vrai : il faut pouvoir lire et parler l'anglais pour agir, aujourd'hui, dans le monde international des affaires. Mais cela ne justifie pas que l'on oblige des Français à lire et parler le pidgin en France !
Ceux qui suivent la mode prétendent être libres alors qu'ils se plient aux injonctions de la foule : leur conformisme se pare des prestiges de l'originalité. Celui qui se refuse à suivre la mode s'expose par contre au mépris de la foule : il passera pour « ringard » et personne ne supposera qu'il ait pu faire en toute lucidité un choix raisonnable.
Courteline a dit « passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet ». Il est tout aussi délectable de passer pour un ringard aux yeux de quelqu'un qui suit docilement la mode !
"Je ne suis pas responsable des choix libres des autres, mais je suis responsable de leur éventuelle ignorance".
RépondreSupprimerBien sûr qu'il est stupide de la part de ces banques de ne pas parler français à leur client français, et bien sûr que cela procède d'une mentalité de colonisé.
Mais les entreprises que vous citez ont par ailleurs besoin d'une langue internationale et pensent avoir trouvé la solution dans ce qu'ils appellent l'anglais. Qui peut leur dire qu'il existe par ailleurs une langue spécialement conçue pour la communication internationale ? Comment leur faire entendre que l'espéranto, langue neutre, permet à chacun de garder sa dignité et de continuer à penser dans sa propre langue ?
En vojo dekliva, sabloplena, malfacila,
Kaj, chiu flanke, al suno ekspozata,
Ses fortaj chevaloj tiris kaleshon.
Mauvais exemple que le siège de BNPP-IP, où aucun client particulier ne risque de se rendre, ( sauf à admirer l'extérieur du bâtiment et la partie intérieure accessible au public ) puisque ces activités sont destinées aux clients institutionnels.
RépondreSupprimerD'autre part Overlay AM a son siège à Londres, FundQuest n'a pas son siège à Paris non plus et sont des sociétes étrangères, même si BNPP-IP
détient si ce n'est 100%, au moins la majorité du capital.
Cela n'enlève rien à l'intérêt du texte par ailleurs.
Malheureusement,
• La Poste/La Banque Postale sont des bons élèves dans les domaines du gaspillage d'argent. "Sogéposte" ce n'est pas assez vendeur...
• citer B.KOUCHNER pour illustrer des propos incohérents était un exercice facile. C'est, de façon incompréhensible et regrettable, chose commune parmi les membres des gouvernements récents et de celui qui est en charge de désigner le Premier Ministre.
Accordons à B.KOUCHNER le bénéfice du doute : peut-être utilisait-il maladroitement le terme "français" pour désigner l'individu et non la langue.
@Grognon
RépondreSupprimerLes "mauvais exemples" (Kouchner, BNPP, La Poste) abondent. J'aurais pu ajouter France Telecom et cette entreprise française qui m'a demandé de faire une conférence en anglais devant des Français. J'ai refusé, bien sûr : alors chacune de mes phrases a été traduite par un interprète. Il ne serait donc plus permis, en France, de parler en français devant des Français ?
Boxer tous ces traîtres serait un pur plaisir.
Décidément, il est fort heureux que le ridicule ne tue plus. J'avais déjà entendu parler de telles "conférences" à l'INED dont les organisateurs imposaient la langue anglaise pour des publics exclusivement français. J'y ai eu droit également lors d'une présentation dans une société marketing où l'on m'a imposé l'anglais ; je ne tint pas plus d'une minute, j'ai du mal à parler et à pouffer en même temps. J'avoue donc que je ne partage pas cette colère, bien que certains points projets en clientèle en deviennent parfois passablement irritants tant la situation casse toute possibilité de réflexion sérieuse. Tout cela me porte plutôt à sourire, voire à exploser de rire quand l'orateur s'exprime avec un accent atroce. j'ai même entendu au cours d'une séance d'une vénérable institution française une anglaise prier un orateur français de revenir (avec un "s'il vous plaît Monsieur" espiègle) à la langue de Molière (savoureux non ?). Cette situation peut également générer un ennui difficile à dissimuler lorsque ce charabia synthétique et collant n'est là que pour masquer le vide sidérant du discours de l'orateur. C'est malheureusement la situation la plus fréquente. L'expression de mon visage pendant ces réunions fastidieuses au ton déplacé m'a déjà valu quelques remarques cinglantes. Vous me parlez de mode ? Mais il me semble que cette mode est déjà dépassée. C'est précisément là que se trouve la ringardise d'aujourd'hui. Pour voir quelques évolutions dans les jeunes générations, il me semble que la mode est plutôt à un bilinguisme de circonstance. Et je n'en voudrais pas une seule seconde, par exemple, à une enseignante ukrainienne s'exprimant en anglais devant un public français, la situation me paraissant appropriée pour cet usage.
RépondreSupprimerLes exemples sont également légions en école d'ingénieur, notamment lors de présentations d'entreprise où tous les intervenants sont français, les élèves tous francophones et la présentation se fait quand même en anglais. Le pire étant qu'assez souvent, c'est un véritable massacre de la langue anglaise qui a lieu devant vos yeux. Le point positif est qu'une partie conséquente des élèves est très critique vis à vis des anglicismes abusifs.
RépondreSupprimerPlus généralement, je vois cela comme une facette de la tendance d'une partie des élites françaises à avoir une approche constamment défaitiste vis à vis de la mondialisation et des modèles économiques étrangers. Avant la crise, le modèle anglo-saxons était infiniment supérieur au notre, maintenant c'est le modèle allemand. Mais par contre, les particularités françaises sont forcément des pratiques dépassées et moisies. On nous parle beaucoup de travail dans un environnement multiculturel, mais jamais des spécificités françaises qui font que plaquer un modèle étranger ne peut qu'aboutir à une catastrophe.
Merci Monsieur Volle , les exemples abondent et les canadiens sont , eux , plus sourcilleux dans leur volonté de préserver la langue .
RépondreSupprimerEt venant d'une personne pratiquant bien la langue de Shakespeare c'est heureux , voilà comment une soi-disant élite impose aux autres leur traîtrise mais non seulement cela , surtout la perte de la connaissance de la langue française .
Bien évidemment je partage ce point de vue salutaire, et en tant que membre récemment nommé de la Commission
RépondreSupprimer@Jean-Pierre Corniou
RépondreSupprimerIl s'agit bien sûr de la "commission spécialisée de terminologie et de néologie de l'informatique et des composants électroniques". L'enjeu est en effet important...
Bravo.
RépondreSupprimerDans le même ordre d'idées: défendre la traduction simultanée. Du bon français traduit en anglais par de bons interprètes vaut 100 fois mieux que du mauvais anglais parlé par un Français.
Re-bravo !
RépondreSupprimerPourquoi saborder une langue si savoureuse? Autant il est vrai que certains termes perdent de leur substance et sont même parfois dénaturés par la traduction, autant force est de constater que la reddition à laquelle nous assistons relève d'un phénomène de mode plus que regrettable.
Ah ! Bernard Kouchner ! Le droit d'ingérence, les sacs de riz et désormais cette saillie à mettre à son compte... Symboles d'une époque... désormais révolue ! Regardons l'avenir et faisons du français un enjeu collectif, ce sera notre symbole d'une confiance renouvelée en nous-même !
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