mercredi 7 novembre 2012

Jean-François Gayraud, La grande fraude, Odile Jacob, 2011


La dérégulation a été criminogène, dit Jean-François Gayraud ; son livre décrit la dérive criminelle du secteur financier à partir des années 80. Mais une question évidente se pose, à laquelle il ne répond pas. Qu'est-ce qui a déclenché la dérégulation, pourquoi la politique économique a-t-elle cédé depuis les années 70 à des illusions dont elle peine à s'affranchir : le caractère autorégulateur des marchés, la justesse de l'évaluation des entreprises par la Bourse et la priorité qu'il convient en conséquence d'accorder à la « création de valeur pour l'actionnaire » etc. ?

Pour répondre à cette question, il faut revenir à ce qui s'est passé dans les années 70 pour dénouer un ensemble de phénomènes : la suppression de la convertibilité du dollar en or par Nixon en 1971, la crise pétrolière déclenchée par la guerre du Kippour en octobre 1973, le prix Nobel d'économie accordé à Milton Friedman en 1976, l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979 et celle de Ronald Reagan en 1980...

Voici mon hypothèse : dans les années 70, le système technique qui s'appuyait sur la mécanique, la chimie et l'énergie s'est essoufflé et a été remplacé - certes progressivement - par le système technique qui s'appuie sur le microprocesseur, le logiciel et le réseau.

Le socle physique, pratique, de l'économie et des institutions était ainsi transformé. On pouvait anticiper d'immenses conséquences anthropologiques, il fallait s'y préparer. Mais cette anticipation était alors très lointaine et imprécise.

Les politiques et les économistes choisirent alors d'ôter leurs mains du volant pour laisser la voiture, si l'on peut dire, se guider toute seule. Il n'était que trop naturel qu'elle aille dans le fossé...

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