mercredi 9 octobre 2019

L'iconomie dans la science économique

Lire l’œuvre d’un économiste créatif, c’est assister à la rencontre d’une intention et d’une situation économique.

La situation est celle d’une époque, d’un pays ou d’un continent, caractérisée par l’état du système technique1 (ou, comme on dit, des « forces productives »). Elle est donc évolutive et diverse. L’intention est par contre toujours la même : il s’agit de construire la théorie hypothétique et schématique, le « modèle », qui permettra de penser la situation pour fournir des repères et une orientation à l’action stratégique2.

Ainsi Adam Smith a produit en 1776 la théorie qui éclairait le phénomène émergent de la mécanisation ; David Ricardo a en 1817 schématisé l’échange entre les nations ; Léon Walras a résolu en 1874, avec le modèle de l’équilibre général, l’énigme que présentait l’émergence de l’économie moderne ; John Hicks a, dans le sillage de Keynes, répondu à la crise des années 1930 en introduisant une théorie des anticipations qui tenait compte de l’incertitude du futur, etc.

Chacune de ces théories, chacun de ces modèles, attirent l’attention comme le font les bâtiments que l’histoire nous a légués : on peut admirer leur architecture et apprécier l’ingéniosité des architectes. La démarche de ces grands économistes est donc riche d’enseignements.

Nous pouvons, nous devons nous en inspirer pour penser la situation économique présente. Elle diffère en effet de celles qui l’ont précédée : le système technique, qui s’appuyait jusque vers 1975 sur la synergie de la mécanique, de la chimie et de l’énergie, s’appuie désormais sur celle de la microélectronique, du logiciel et de l’Internet. Il en est résulté une transformation de la production, des produits, du travail, des organisations, de la concurrence, etc.

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Pour tirer au clair cette situation l’Institut de l’iconomie a bâti et publié le modèle schématique d’une économie informatisée par hypothèse efficace, nommée iconomie. Ce modèle a mis en évidence des conditions nécessaires de l’efficacité qui se proposent comme repères à la décision stratégique, et dont résultent autant de critères pour évaluer l’économie réelle.

Si ce modèle diffère naturellement de ceux qu’ont produits des économistes confrontés à d’autres situations, notre intention est par contre la même que la leur. Avons-nous réussi dans cette tentative ? Chacun est libre d’évaluer ce modèle, de le critiquer, de l’améliorer, car il n’est pas certain que nous l’ayons porté à un degré suffisant d’ingéniosité et d’élégance3.

Cependant les modèles anciens, dont l’élaboration nous a servi d’exemple mais qui répondaient à des situations révolues, se sont empilés dans les livres et cours d’économie et leurs résultats ont, dans le cerveau des économistes académiques, survécu à leur obsolescence. C’est pourquoi ces derniers ignorent notre modèle, comme ils le font toujours lorsqu’un modèle est nouveau, alors même que nous sommes fidèles à la démarche de la science économique.

L’un de nos résultats, par exemple, est que dans l’iconomie les marchés obéissent au régime de la concurrence monopolistique : il en résulte d’importantes conséquences pour la stratégie des entreprises, pour celle des nations et pour le régulateur.

Certains entrepreneurs, dont l’intuition n’attend pas les leçons de la théorie, savent (et c’est heureux) jouer le jeu violent de cette forme de concurrence. D’autres par contre auraient grand besoin de connaître notre modèle et il en est de même des régulateurs qui croient encore que la concurrence parfaite est la recette infaillible de l’efficacité.

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Le modèle de l’iconomie servira un jour, peut-être, de matière première aux articles des économistes académiques, à leurs interventions dans les médias, aux conseils qu’ils dispensent aux dirigeants de la politique et des entreprises. Ils pourront aussi lui apporter des améliorations nécessaires.

Mais il ne faudrait pas que ce jour tarde trop. Nous avons conscience d’avoir produit un instrument intellectuel pertinent, qui propose une orientation féconde à notre époque déboussolée. Pourquoi perdre autant de temps ?

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1 Bertrand Gille, Histoire des techniques, Gallimard, 1978.
2 Voir Pourquoi l’économie est une science
3 L’état le plus récent de notre modèle fera l’objet d’une publication dans le prochain numéro de la Revue d’économie industrielle (« L'iconomie : un modèle de l'économie numérique » par Pierre-Olivier Beffy, Jean-Marc Béguin, Pierre-Jean Benghozi, Laurent Bloch, Hugues Chevalier, Vincent Lorphelin et Michel Volle).

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