Le Canard Enchaîné a publié le mercredi 28 mars 2001 un petit article auquel je pense souvent. Après l'avoir lu vous saurez sans aucun doute pourquoi.
« Votre honneur, b’jour ! »
Le jeune beur qui a l’expérience des tribunaux de séries télé américaines pénètre l’autre semaine dans la salle du tribunal correctionnel de Bobigny tenant à la main la casquette qu’il porte habituellement vissée à l’envers, visière sur le cou. A l’évidence, il n’en mène pas large.
« Vous êtes poursuivi pour outrage à agent, commence le président. Je lis le procès-verbal : vous avez traité le gardien de la paix X d’"enculé".
– Ben oui… j’étais véner. Euh… Vraiment énervé, Votre Honneur, m’sieu. Quand je suis énervé…
– Bon, vous ne niez pas les faits. Il faut tout de même vous contrôler ! Gardien de la paix X, vous êtes partie civile. Quelles sont vos demandes ? »
Le policier s’approche de la barre.
« Il n’y a eu qu’un outrage. Pas de violence. Je demande 1 F de dommages et intérêts. »
Sourire de soulagement du prévenu. Il est cool, le keuf ! Le président poursuit :
« Monsieur le Procureur, vous avez la parole pour vos réquisitions. »
Le substitut du procurer se lève. Pas cool du tout :
« L’affaire est grave, tonne-t-il. La police fait un métier difficile. Elle doit être défendue. On connaît l’engrenage. Cela commence par des insultes, ensuite viennent les violences, et après on tue ! Je réclame une peine de 5 000 F d’amende ! »
Le magistrat se rassoit. Le lourd silence est rompu par le jeune beur, qui se lève, indigné :
« C’est quoi ça ? Le keuf, je l’ai traité il demande 1 F, et l’autre bouffon là, je lui ai même rien dit, il veut 5 000 ! »
L’autre bouffon en est resté sans voix. Mais ce cri du cœur a fait rire le tribunal. Ce qui vaut toutes les plaidoiries. L’outrage à bouffon dans l’exercice de ses fonctions n’a pas été poursuivi.
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