samedi 25 mai 2024

L’écologie, les écolos et nous

On trouve dans la vallée de Grenoble un écosystème de 40 000 personnes travaillant dans la micro-électronique :

- STMicro fabrique des microprocesseurs, son chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 12 milliards d’euros. C’est sans doute le site industriel le plus capitalistique de France : STMicro utilise les machines d'ASML dont chacune coûte entre 100 et 200 millions d’euros, il en faut une trentaine pour monter une chaîne de production (une par couche du circuit que l’on construit). La fabrication est automatisée mais la conception et le réglage des processus est un travail délicat fait par des ingénieurs et des techniciens de haute compétence ;

- Soitec produit les tranches de semi-conducteur (wafers) sur lesquelles sont gravés les composants de microélectronique ;

- d’autres entreprises sont actives dans la préparation, la conception et le conditionnement en collaboration avec le LETI, laboratoire du CEA.

Soitec et STMicro sont en croissance. Elles ont donc prévu un extension de leurs sites mais les écologistes de Grenoble ont manifesté pour s’y opposer.

Soitec a donc suspendu son plan d’expansion et on craint que STMicro en fasse autant. Ces deux entreprises ont reçu des offres d’hospitalité américaines alléchantes : elles risquent de devenir des entreprises américaines.

Les manifestations des opposants sont le fait de chercheurs CNRS qui vont en vélo à leur travail et n’ont jamais eu à se soucier de gagner leur vie. Cela ne les ennuie pas de saboter des entreprises qui sont une des dernières chances de la France pour maintenir son rôle industriel. Un de leurs leaders est un docteur en sciences physiques…

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Pourquoi les écolos torpillent-ils la micro-électronique ?

L’écologie est étymologiquement la science des rapports entre les humains et la nature (en grec, oikos est la maison, le foyer, l’être humain vivant dans son environnement). C’est une vraie science. Les écolos sont par contre une secte qui a trouvé, en prenant l’écologie pour prétexte, de quoi s’ériger en donneur de leçons et angoisser l’opinion avec des scénarios de catastrophe.

Cette secte a une longue histoire. Pour Jean-Jacques Rousseau, référence fondamentale, seule est bonne la nature vierge et pure de toute intervention humaine. Jacques Ellul et Ivan Illich, personnages sympathiques, ont eu beaucoup d’influence : Illich a milité pour une relation sobre avec la nature, but louable mais qu’il a poussé à l’extrême ; Ellul a vu dans la technique une déshumanisation, oubliant que la technique est comme l’a dit Georges Simondon une part de la culture humaine. Jean-Marc Jancovici souhaite une décroissance nécessaire selon lui pour limiter le réchauffement climatique.

Au fond de la pensée de ces personnes se trouve l’hostilité envers l’action productive qui consomme des matières premières, émet des déchets et encombre la nature avec ses produits. Cette hostilité vise naturellement aussi les entreprises qui produisent et les institutions dont l’organisation leur semble n'être qu'un artefact.

Ces errements découlent d’un mouvement philosophique ancien, profond, qui postule une cloison étanche entre la pensée et l’action organisée. Parmi les philosophes, seul Raymond Aron a su ce qu’est l’entreprise en tant qu’institution. Sartre n'a jamais pensé l'« entre-deux », les institutions qui se trouvent « entre l'individu et l'humanité » (Raymond Aron, Mémoires, Robert Laffont, 2010, p. 954). Il en est de même des intellectuels médiatiques et de la majorité de nos universitaires (sauf peut-être dans les sciences de la gestion).

Dans le milieu des économistes et des statisticiens personne ne se soucie de l’informatisation des entreprises. Les économistes se focalisent sur le marché. Schumpeter lui-même a mal compris les entrepreneurs, qu’il assimile aux joueurs qui osent prendre des risques. Les instituts statistiques n'observent pas l’organisation des entreprises ni leur système d’information. 

Le thème essentiel de nombre de politiques « de gauche » est la « lutte contre le capitalisme », c’est-à-dire la lutte contre les entreprises. Ils croient que le capital est un monstre qui dévore l’humanité, laquelle dans leur esprit se réduit à l’ensemble des individus : tout ce qui est dirigé et organisé leur semble oppressif.

Or l’entreprise est essentiellement le lieu d’une action collective organisée et dirigée afin de produire (cette définition s’applique aussi aux SCOP, aux « communs », etc.). Une pensée qui ne veut voir que des individus d’une part, et le vaste monde de l’autre, rate l’être organique qu’est l’entreprise et la complexité des relations entre l’individu et l’entreprise, entre la pensée et l’action organisée.

Les mêmes veulent supprimer aussi le libéralisme selon lequel les entreprises sont libres d’agir comme bon leur semble dans le cadre de la loi. Ils agissent comme s’ils lui préféraient le collectivisme qui organise le système productif comme une seule et gigantesque entreprise.

La toile de fond individualiste de notre formation intellectuelle s’oppose ainsi à tout ce qui est organisé et institutionnel, sauf paradoxalement si l’organisation est le fait d’un pôle institutionnel unique, d’un Gosplan source de toutes les décisions. Dans l’attente d’une réalisation de cet idéal qui élimine le personnage de l’entrepreneur il est excitant, romanesque et romantique de détruire les institutions « capitalistes et libérales ». Cette orientation séduit de jeunes adultes vigoureux et immatures.

Consolation, cela ne se passe pas qu’en France. Les universités américaines sont aujourd'hui débordées par des manifestants qui, sous le prétexte légitime de la compassion envers les Gazaouis, se livrent au blocage des routes et au saccage des universités afin de prendre la défense du Hamas.

Les écolos rêvent poétiquement d’un retour à la civilisation des chasseurs-cueilleurs mais ils ne supporteraient certainement pas qu’on leur coupe le téléphone, l’électricité ou qu’on les prive des autres apports de la société moderne. Leur inconséquence est évidente mais ils sont éloquents, influents et capables de remporter un succès lors des élections : les thèmes écolos sont médiatiquement porteurs.

Il se trouve ainsi en France nombre de traîtres qui veulent détruire les institutions pour lesquelles les Français se sont tant battus dans le passé. Il est donc logique qu’ils s’attaquent à ce qui est aujourd’hui le plus productif et le plus efficace, en l’occurrence la microélectronique. D’autres pays, ayant une autre culture, ne sombrent pas dans ce délire et vont de l’avant.

2 commentaires:

  1. D'accord avec toi Michel. Rousseau que je n'apprécie pas vraiment mérite néanmoins quelques nuances (cf. la dessus Spitz ou Starobinski).
    Sinon sur le thème de la destruction de la nature couplé à celui de la destruction des civilisation autres par le colonialisme. Connais-tu l'essai de l'excellent écrivain indien Amitav Gosh (Trilogie de l'Ibis que je recommande): The Nutmeg's Curse : Parables for a Planet in Crisis? Nos amis bataves n'en sortent pas couverts de gloire.
    Amitiés
    Jean Paul Simon

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    1. Je n'ai rien lu d'Amitav Gosh, je vais regarder. Merci de me l'avoir signalé.

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