samedi 5 juillet 2014

Laurent Beccaria, Hélie de Saint Marc, Les Arènes/Perrin, 2013

Hélie Denoix de Saint Marc avait 18 ans en mai 1940. Il a été humilié par la déroute des armées françaises, il a admiré l'énergie et l'organisation des soldats allemands, il s'est engagé dans la résistance. Il s'est fait prendre alors qu'il tentait de passer en Espagne et a été déporté à Buchenwald où les Américains l'ont trouvé agonisant lors de la libération du camp.

Une fois retapé il est passé par Saint-Cyr avant d'entrer dans les parachutistes de la Légion. Il a fait la guerre en Indochine, puis en Algérie.

Il commandait par intérim le 1er REP en avril 1961. Il s'est mis au service du général Challe lors de la tentative de putsch et son régiment a pris le contrôle d'Alger.

Après l'échec du putsch il a été chassé de l'armée et a fait cinq ans de prison. Il a par la suite publié des livres où il a présenté ses réflexions sur le métier des armes.

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Le livre de Laurent Beccaria décrit à travers cette biographie le destin d'une génération d'officiers français.

Ces jeunes gens nés dans les années 1920 sont devenus des guerriers pour laver l'humiliation ressentie en 1940. Ils ont pris tous les risques. Beaucoup sont morts au combat, ceux qui ont survécu ont acquis une excellente compétence tactique.

Certains d'entre eux voulaient la victoire à tout prix, par tous les moyens : ils étaient efficaces et brutaux. Saint Marc n'était pour sa part ni un soudard, ni un tortionnaire, ni un défenseur de la colonisation envers laquelle il a éprouvé la même réticence que Lyautey.

Il s'est joint au putsch pour maintenir la cohésion d'un régiment au bord de la mutinerie, et aussi parce qu'il avait dû en Indochine abandonner des partisans qui avaient ensuite été massacrés par le Vietminh : cela l'avait marqué. Enfin il faisait confiance au général Challe.

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Le destin de ces officiers est aussi implacable qu'une tragédie grecque. Leur admiration pour la Wehrmacht et leur désir de revanche ont alimenté une vocation guerrière. Elle les a séparés de la population française, qui se préoccupait de restaurer l'économie et ne partageait pas leurs idéaux de combat et de courage.

Leur lucidité politique était limitée. Certains d'entre eux – mais non Saint Marc – ont souhaité instaurer en France un régime semblable à celui de Franco. Les plus généreux auraient voulu mettre un terme à la colonisation et donner la nationalité française à tous les Algériens, mais il était trop tard.

Le pouvoir politique les a broyés. En 1962, la plupart de ces guerriers ont été chassés de l'armée, à laquelle n'est plus restée que la vie de garnison, et leur compétence a été perdue : le moral des militaires est alors descendu au plus bas. L'armée française devra se reconstruire, non sans peine, autour de la force de frappe nucléaire complétée par la professionnalisation de quelques unités aptes au combat.

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Dans un régime démocratique le politique tient sa légitimité de l'élection. Il exige l'obéissance de l'armée, qui tient sa légitimité de sa compétence dans le métier des armes. Ces deux légitimités sont entrées en conflit en 1961.

La légitimité politique culminait alors dans la personne de de Gaulle, excellent stratège. Le stratège, dont la vue est plus large que celle des spécialistes, doit cependant savoir agir envers eux : il ne fallait pas inciter ces guerriers à faire à la population algérienne, au nom de la France, des promesses qui ne pourraient pas être tenues.

1 commentaire:

  1. Les soldats (quels que soient leurs grades) de cette génération et de la trempe de Hélie de Saint-Marc étaient quelques centaines dans les armes françaises.

    Tous n’ont pas eu la chance (le temps, …) de fonder une famille et beaucoup d’entre eux après avoir été « chassés » de l’armée pendant les évènements d’Algérie se sont retrouvés seuls à l’âge de 40 – 45 ans.

    Ils se sont enfermés dans une très grande solitude en se coupant de la société française.

    Après tout le seul métier qu’ils connaissaient était celui des armes.

    Frédéric.

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